G.H.C. Numéro 31 : Octobre 1991 Page 413
De CHATEAUROUX aux ANTILLES : les trois frères CRUBLIER
Guillaume Lévêque
La famille CRUBLIER est une famille de notables
castelroussins dont l'existence est connue dans les actes
depuis le milieu du XV° siècle. A la veille de la Révo-
lution, les deux principales branches sont les CRUBLIER de
CHANDAIRE, récemment anoblis par les offices, et les
CRUBLIER de SAINT-CYRAN, une famille d'avocats en
parlement. Le dernier représentant de cette vocation,
Esme, épousa, le 26 septembre 1738, à Mâron (Indre), Anne
BERTRAND de GREUILLE, fille et soeur de maîtres des eaux
et forêts et subdélégués de l'Intendant, et grand-tante du
futur général Henri BERTRAND, grand maréchal du Palais de
Napoléon et fidèle de Sainte-Hélène. De ce mariage sont
issus trois fils parvenus à l'âge adulte, qui ont tous
embrassé la carrière militaire et coloniale.
Paul Edme CRUBLIER de SAINT-CYRAN
né le 18 octobre 1738 à Mâron (Indre)
épouse le 15 octobre 1785 à Saint-François de Grande-Terre
(Guadeloupe) Marie Catherine Victoire CROCQUET DURIVAL,
fille de + Victor Alexandre, capitaine de cavalerie de
milice, et Catherine DEVARIEUX
mort fusillé comme républicain à la Guadeloupe en 1793 ?
Officier de carrière dans l'arme du Génie. Capitaine
puis lieutenant colonel, ingénieur en chef de l'île de la
Grenade puis de la Guadeloupe. Chevalier de Saint-Louis.
Directeur général des fortifications des Isles du Vent
en 1792, auteur d'un mémoire aux AD de l'Indre (L17).
Henri CRUBLIER d'OPTERRE
né le 26 octobre 1739 à Châteauroux (Indre)
épouse le 24 juillet 1769 à Trois-Rivières (Guadeloupe)
Marie Elisabeth DESMEURS, née à Trois-Rivières,
fille de + Louis François, capitaine de milice commandant
la paroisse, et Marie Claude PARIZE
décédé le 11 germinal an VII (31 3 1799) à Châteauroux
Officier de carrière dans l'arme du Génie, il sert à
Toulon, aux Antilles, est l'un des "officiers américains"
de l'armée ROCHAMBEAU en Amérique où il se distingue au
siège de Yorktown, puis il sert à Metz.
Capitaine, chevalier de Saint-Louis (1781), lieutenant
colonel (1791), la Révolution l'emploie comme Directeur
des Fortifications à l'armée des Côtes de Cherbourg, puis
comme général de brigade et inspecteur des Fortifications
(an III) mais il doit être admis à la retraite pour graves
raisons de santé.
Ce militaire brillant a également exercé d'importantes
responsabilités politiques en tant que député de l'Indre à
la Législative (1791-1792) où il exerce les fonctions de
secrétaire de l'Assemblée et pour laquelle il inspecte les
armées en août 1792 au camp de Châlons. Après une éclipse
sous la Terreur, il est l'un des administrateurs du dépar-
tement de l'Indre de l'an V à sa mort.
C'est la carrière la plus brillante des trois frères.
Il est le père de :
Esme Henri CRUBLIER d'OPTERRE
Adjudant commandant, chevalier de la Légion d'Honneur,
Inspecteur des Droits réunis du département de l'Indre,
o Trois-Rivières (Guadeloupe) 23 sept. 1772 b 11 octobre
(parrain : Messire Edme Crublier de St-Cyran, grand-père,
représenté par Messire Jean-Baptiste Thyrus de Pautrizel,
chevalier de Saint-Louis et de Latran; marraine : Marie
Claude Parize dame Desmeurs, grand-mère)
décédé à Châteauroux le 8 décembre 1810
époux de sa tante par alliance
Louise-Catherine BOTREAU-ROUSSEL, veuve du suivant
Jean-Baptiste CRUBLIER de SAINT-CYRAN (ST-CYRAN le jeune)
né le 12 janvier 1752 à Châteauroux
marié le 16 mai 1784 à Trois-Rivières (Guadeloupe)
avec Louise-Catherine BOTREAU-ROUSSEL,
fille de Paul, ancien capitaine de milice,
et Catherine LACAVé-FAUSSECAVE,
née le 23 juin 1765 à Vieux-Fort de Marie-Galante
décédé le 5 janvier 1806 à Châteauroux
Officier dans l'arme du Génie, comme ses aînés, il sert
aux colonies de 1781 à 1790 comme ingénieur ordinaire à la
Guadeloupe, sous les ordres de son frère Paul-Edme.
Il prend sa retraite en 1790 comme capitaine et cheva-
lier de St-Louis.
Membre de la Municipalité de Châteauroux sous la Révo-
lution, maire élu le 14 novembre 1791 et démissionnaire le
17.
Conseiller de Préfecture du département de l'Indre de
l'an VIII (1800) jusqu'à sa mort.
C'est avec ces représentants que la famille CRUBLIER
de ST-CYRAN semble éteinte en ligne directe. Sans la
Révolution, leur insertion dans la noblesse par la
carrière des armes se serait faite en douceur. En dépit de
leurs mariages, il n'est pas certain qu'aucun ait eu
l'intention de s'installer définitivement aux colonies,
sinon peut-être l'aîné.
NDLR :
L'auteur de cet article exprimant le souhait de retrouver
les actes des mariages antillais qu'il ignorait, nous les
avons intégrés dans le texte. Il souhaitait aussi
confirmer le décès de l'aîné et la cause de celui-ci. Nous
lui avons envoyé nos notes sur le gros dossier CRUBLIER de
ST-CYRAN (Colonies E100) où, entre autres, Marie Victoire
CROCQUET DURIVAL veuve ST-CYRAN demande, pour se remarier,
le certificat du décès de son mari assassiné en avril 1793
par BARBEROUSSE, habitant des colonies, comme indiqué dans
la Gazette universelle des 23 et 24 juillet 1793. Elle
réclame aussi la succession en vacance. On lui répond le
1° brumaire an III (22 octobre 1794) que ST-CYRAN a été
tué d'un coup de fusil à Case-Navire (Martinique) "par un
soldat de la colonne qu'il commandait pour attaquer le
morne où était un nommé PERCIN." L'épisode est raconté en
détail par Sidney Daney dans son "Histoire de la Marti-
nique" (III page 199) : PERCIN et les royalistes marti-
niquais qui s'opposaient au gouvernement de ROCHAMBEAU
s'étaient retranchés au Camp-Décidé et, au cours de
l'attaque, ST-CYRAN, qui commandait une des deux colonnes
républicaines, "fut tué en chemin par un de ses soldats
qui croyait qu'il les trahissait." Ce fut la cause de la
défaite républicaine devant les royalistes de la campagne.
Révision 26/08/2003