G.H.C. Bulletin 25 : Mars 1991 Page 289

HOMMAGE A GABRIEL DEBIEN
Conférence de Marcel Chatillon à l'Assemblée générale

     Le  plus  bel hommage que nous  puissions  rendre  au
Professeur Gabriel Debien,  n'est-ce pas de nous imprégner
de  sa  pensée et des leçons qu'il nous a données  sur  la
façon  d'envisager  tant les méthodes de travail  que  les
grands  thèmes  qu'il  a abordés dans plus de 200  de  ses
publications pendant près de 50 ans ?  Malheureusement, la
grande  majorité reste inaccessible,  ayant paru dans  des
revues d'accès presque impossible.  C'est pourquoi il faut
souligner l'extraordinaire richesse de ses comptes  rendus
bibliographiques,  qu'il  a fait paraître depuis 1947,  et
notamment  les  deux premiers de la Revue  d'Histoire  des
Colonies,  dans les n° 121 et 127,  dont sont extraits les
passages suivants :

     A  propos  d'une biographie :  "Une  biographie  sans
index est comme une maison sans fenêtre".

     A propos du soulèvement des esclaves en 1791 : "J'ad-
mire  et j'envie ceux qui voient l'histoire simple ou  qui
savent  la simplifier.  Peut-on nous faire croire que  les
esclaves,  depuis le XVII° siècle jusqu'en  1791,  étaient
fréquemment, sinon constamment, en révolte et qu'ils jouè-
rent  comme marrons un grand rôle caché ?  Il faudrait une
fameuse chaîne de documents,  et précis ...  Jamais,  dans
les  rapports mensuels des gérants,  le  marronnage  n'est
pris  pour un mal sérieux.  Saint-Domingue est à ce  sujet
fort différent de la Jamaïque et l'auteur procède moins en
historien  qu'en  sociologue qui aime pousser  éloquemment
ses théories devant soi,  sans se préoccuper outre  mesure
si,  chemin  faisant,  elles bousculent les faits les plus
certains."

     A  propos  de la correspondance d'un  petit  blanc  :
"Cette correspondance ignore les mystères de l'orthographe
et de la grammaire.  Elle vient d'un ouvrier qui travaille
pour revenir riche dans son pays, s'acharne jusqu'à tomber
malade.  Sa  vie  est une vie cachée,  de celles que  trop
souvent ignore l'histoire mais qui fait les  colonies.  En
effet,  sont  très rares ces lettres de petits colons ins-
tallant  leurs établissements,  peinant sur leurs  conces-
sions,  achetant leurs esclaves un à un,  plantant carreau
après carreau, fixés sur leur exploitation qu'ils dirigent
eux-mêmes."

     Au sujet d'un autre colon :  "Monotonie et  tristesse
de cette vie coloniale,  somme toute assez médiocre.  Nos-
talgie de la France. 'Je ne suis pas dans ces pays-ci avec
agrément,  il s'en faut de beaucoup' écrit GUIAU, en 1769;
il  n'est  pas encore à son compte.  Installé chez lui  en
1776, c'est le même ennui. En fait, il restera 36 ans à St
Domingue, sans jamais cesser de parler de son retour, mais
il est comme tous les colons sur le chemin de la richesse,
il est mené par ses affaires.  Elles ne sont jamais termi-
nées,  jamais  au point.  Il veut un capital  plus  consi-
dérable  et  songe  à la difficulté de faire  rentrer  ses
factures une fois revenu en France."

     Les  colons ont grande difficulté à faire administrer
leurs habitations "et ce mal est :  les fréquents  change-
ments d'économe,  l'administration par des gérants malhon-
nêtes  à qui on laisse une trop grande liberté d'action et
d'enrichissement  et qui se considèrent  rapidement  comme
associés au maître puis comme copropriétaires.
 Dès que les maîtres sont en France, leurs correspondances
avec  St  Domingue se ressemblent toutes et  tournent  aux
mêmes plaintes sur les détournements des travaux,  la mau-
vaise surveillance des esclaves,  l'insignifiance et l'ir-
régularité des retours et sur les dettes enfin,  qui écra-
sent l'avenir.  Dès que les dettes dépassaient le tiers de
la valeur de l'habitation, elle ne rapportait plus."

     "L'histoire  sociale de Saint Domingue ne se  confond
point toute entière,  il s'en faut, avec celle des planta-
tions grandes ou petites.  L'histoire des exploitations  à
elles  seules risque de ne nous montrer les choses que  de
haut, de l'extérieur, par la porte des hangars aux denrées
qui  s'exportent.  A  côté  des planteurs et  des  gérants
vivaient  sur les sucreries et les grandes caféières  tout
un monde très changeant d'économes,  de surveillants et de
teneurs  de  livres qui apparaît très mal  à  travers  les
comptes ou même dans les rapports des régisseurs.  Connaî-
tre  quels blancs vivaient au plus près des esclaves,  les
conduisant et les punissant,  comment ils occupaient leurs
rares  loisirs,  quelles étaient leurs relations avec  les
colons,  comprendre  leurs pensées et  leurs  aspirations,
nous  en  apprendrait très long sur la vie même de  toutes
les classes de la société de Saint-Domingue."

     A  propos  des  réfugiés aux  Etats-Unis  pendant  la
Révolution  :  "Se méfier des dires des réfugiés dont  les




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