G.H.C. Bulletin 20 : Octobre 1990 Page 204
LEGER FELICITE SONTHONAX
(Biographie jointe au dossier du Colloque sur SONTHONAX
annoncé dans GHC n° 19 p. 195 et que nous reproduisons ici
avec l'aimable autorisation du président de l'association
"Mémoire de Léger Félicité SONTHONAX", Monsieur Serge
Barcellini, qui nous a promis de nous informer de la
publication des Actes du Colloque. Par ailleurs, nous
avons découvert à cette occasion les remarquables talents
de Mimi Barthélemy, conteuse haïtienne.)
Léger Félicité SONTHONAX est né le 7 mars 1763 à
Oyonnax, modeste village de 1012 habitants de l'actuel
département de l'Ain. Son père, l'homme le plus riche du
village, assure le négoce des peignes en bois fabriqués
par les ouvriers laboureurs de la région.
Léger Félicité SONTHONAX poursuit des études au col-
lège de Nantua puis à l'Université de Dijon. Le 17 juillet
1784, il obtient sa licence en Droit. Il gagne alors Paris
où son père lui achète une charge d'avocat en Parlement.
Il entre en contact avec l'entourage du Duc d'Orléans, "la
faction d'Orléans", dont l'un des animateurs est Jacques
Pierre BRISSOT, créateur de la Société des Amis des Noirs
en 1788.
Au printemps 1789, SONTHONAX se lance dans le journa-
lisme et écrit ses premiers articles dans un journal
radical, anti-royaliste et pro-jacobin, "Les Révolutions
de Paris". Le 18 septembre 1790, il traite pour la pre-
mière fois de la question de l'esclavage en soutenant la
nécessité de l'abolition.
Au Club des Jacobins, il est rapidement considéré
comme un expert en matière de politique coloniale. Il est
le "protégé" de BRISSOT. Or ce dernier dirige de fait la
politique extérieure de la France depuis octobre 1791.
La principale colonie française, l'île de Saint
Domingue, traverse alors une très grave crise politique,
sociale et économique. Le 23 août 1791, 50.000 esclaves
(sur les 450.000 de l'île) se sont révoltés.
Une première mission de trois commissaires envoyés
par le gouvernement n'a pu enrayer la crise. Le 28 mars
1792, l'Assemblée Nationale reconnaît l'égalité des droits
pour tous les hommes libres de couleur. Des commissaires
civils sont envoyés dans les colonies pour faire appliquer
cette loi. Léger Félicité SONTHONAX est désigné, avec
Etienne POLVéREL et AILHAUD, pour Saint Domingue. Dès leur
arrivée, les commissaires civils doivent faire face à une
succession de complots du clan des colons, complots
d'ESPARBèS, de BOREL à Port au Prince (avril 1793), du
gouverneur GALBAUD au Cap (juin 1793). Les commissaires
font appel aux bandes d'esclaves amenées pour les aider,
en leur promettant la liberté. La ville du Cap est incen-
diée.
Le 29 août 1793, SONTHONAX proclame de sa propre
autorité l'abolition de l'esclavage.
Dès lors, les commissaires civils s'emploient à la
fois à ramener l'ordre dans l'île, à faire face aux tenta-
tives d'occupation anglaise et espagnole et à faire avali-
ser la décision de SONTHONAX par la Convention. Celui-ci
fait désigner des députés (blancs, noirs et mulâtres) et
les envoie à Paris pour défendre sa position. Le 4 février
1794, la Convention, après avoir écouté les messagers de
SONTHONAX, vote l'abolition de l'esclavage.
A Saint Domingue, cependant, la situation est catastro-
phique. Le 11 juin 1794, les Anglais prennent Port au
Prince; les Espagnols, quant à eux, occupent le Nord de
l'île grâce à l'action d'un ancien esclave, TOUSSAINT
LOUVERTURE.
Trois jours plus tard, SONTHONAX et POLVéREL quit-
taient Saint Domingue pour la France, afin de répondre au
décret de mise en accusation pris par la Convention le 16
juillet 1793, une mise en accusation directement liée à
l'effondrement des Brissotins.
Le 12 thermidor de l'an II (30 juillet 1794), les
deux commissaires débarquaient à Rochefort, deux jours
après la disparition de ROBESPIERRE.
Dès lors commençait un long procès mené par les
représentants des colons de Saint Domingue. Une commission
dirigée par GARRAN de COULON étudia l'ensemble des actes
des commissaires. Le 25 octobre 1795, les conclusions du
rapport de la commission étaient présentées à la Conven-
tion. Aucune charge n'était retenue contre SONTHONAX.
Durant ces longs mois, la situation des armées de la
République s'était améliorée à Saint Domingue, en particu-
lier grâce au ralliement de TOUSSAINT LOUVERTURE. La sta-
bilisation de la vie politique en France permit au Direc-
toire de s'intéresser de nouveau à la colonie de Saint
Domingue. Le 23 janvier 1796, la décision était prise
d'envoyer dans l'île une nouvelle commission de cinq
agents. SONTHONAX devint le pivot de ce groupe.
Le 11 mai 1796, le "libérateur des esclaves" entrait
triomphalement au Cap Français.
Pendant un peu plus d'un an, SONTHONAX dut faire face
à une situation cahotique, et à l'éclatement de la colonie
en différents fiefs. Une politique de balancier s'instau-
ra. SONTHONAX fit appel à TOUSSAINT LOUVERTURE afin de
réduire le pouvoir des généraux mulâtres -et en particu-
lier celui de RIGAUD-; par là même il conforta le chef
noir dont la puissance ne put rapidement plus être maî-
trisée.
En août 1796, SONTHONAX fut élu député de Saint
Domingue au Corps Législatif. Un an plus tard, le 24 août
1797, il s'embarquait pour la France sur la pression du
chef noir : la décolonisation, que n'avait pas voulu
SONTHONAX, était en marche.
SONTHONAX arrive en France à la fin de l'année 1797.
Il a 34 ans, il est membre du Corps Législatif. Il déploie
alors une intense activité. Son intérêt pour Saint
Domingue ne faiblit pas : le 4 février 1799, il présente
devant la Société des Amis des Noirs un vibrant plaidoyer
antiesclavagiste. Mais, depuis 1798, le gouvernement le
fait surveiller.
Le coup d'Etat du 18 brumaire (9 novembre 1799) met
fin à sa carrière politique. BONAPARTE ordonne son arres-
tation, puis son exil à La Rochelle. En janvier 1801, il
est quelque temps incarcéré à la Conciergerie. En 1803 il
est exilé à Orléans, puis à Fontainebleau. De 1806 à 1813,
il revient à Paris. Le 16 avril 1813, il reçoit de nouveau
ordre de quitter la capitale. Sans autorisation, il se
rend à Oyonnax où il meurt, le 23 juillet, à 50 ans.
Page suivante
Retour au sommaire
Révision 26/08/2003