G.H.C. Bulletin 18 : Juillet-Août 1990 Page 178
COMPTE RENDU DE LECTURE
B. et Ph. Rossignol
La Guyane sous l'Ancien Régime
Le désastre de Kourou
et ses scandaleuses suites judiciaires
par Jacques Michel, l'Harmattan, décembre 1989
La lamentable histoire de l'essai de peuplement de la
Guyane en 1764 par des européens, en majorité allemands,
est ici expliquée en détail et les responsabilités éta-
blies dans une étude claire et documentée qui débrouille
l'écheveau compliqué de faits longtemps méconnus car
"l'intention du roi est que cette affaire demeure enseve-
lie dans un silence absolu".
Le lecteur trouvera là une mine de renseignements sur
la Guyane mais aussi sur le monde politique français et
les divers ministres des colonies de l'époque (de 1764 à
1781), sur le clan CHOISEUL-PRASLIN et le clan TURGOT.
Comme le sous-titre l'indique, le livre s'intéresse,
en deux parties sensiblement égales, d'abord aux faits
eux-mêmes puis au long procès.
On apprend donc pourquoi le choix fut fait de blancs
au lieu de noirs et d'étrangers plutôt que de français. Le
généalogistes ne trouvera pas ici de listes de noms d'émi-
grants mais des chiffres impressionnants : 12.000 person-
nes envoyées en Guyane en peu de mois, dont 6.500 alle-
mands, et plus de 9.000 morts entre 1764 et 1766! On
apprend au passage plusieurs détails sur ce territoire de
Guyane, par exemple quand et pourquoi les îles du Diable
furent rebaptisées îles du Salut.
Les différentes personnes en cause sont bien présen-
tées et les responsables clairement indiqués, à commencer
par le ministre CHOISEUL, "inconscient de la catastrophe
qu'il organisait", son premier commis ACCARON, qui mon-
trait une "méconnaissance ahurissante des réalités", et le
Chevalier TURGOT, gouverneur, "futile, inconséquent et
suffisant", montrant une "insouciance coupable" et qui "se
construisait une colonie à l'image de ses phantasmes". Il
ne passa en Guyane que trois mois pendant lesquels il ne
sortit pas de sa résidence de Cayenne.
Toute l'accusation retomba sur THIBAULT de CHANVALON,
intendant, qui ne fut réhabilité qu'en 1781, après la mort
du ministre TURGOT, frère du gouverneur de Guyane. Il
n'avait prévu une colonisation que de 1.500 personnes et
dut faire face à une grande masse de gens en peu de mois.
L'auteur résume ainsi "Dans toute cette affaire, l'erreur
fondamentale a été de ne pas prévoir initialement un
contingentement de l'immigration. Le ministre s'est trouvé
débordé par l'afflux prodigieux d'émigrants attirés par
ses offres engageantes".
L'épilogue retrace utilement l'ordre chronologique
des faits.
Quelques regrets : l'auteur s'intéressant surtout aux
responsabilités et au procès, on reste sur sa faim quant à
la vie des immigrés. Par ailleurs l'ouvrage ayant été
prévu pour des non spécialistes, on ne trouve pas de notes
donnant les sources précises mais simplement la liste,
importante, des fonds d'archives consultés; de même les
reproductions de gravures et cartes n'indiquent pas tou-
jours leur origine et la bibliographie ne mentionne pas
les maisons d'édition.
Et enfin, et toujours ... pas d'index!
Nous avons recherché ce qu'on savait du principal
accusé, réhabilité en 1781, Jean-Baptiste THIBAULT de
CHANVALON, dont J. Michel indique seulement qu'il était
martiniquais, époux d'une demoiselle SAINT-FéLIX de Bor-
deaux et père de quatre enfants dont deux fils survécu-
rent. C'est dans la précieuse étude de M. Emile Hayot sur
"Les Officiers du Conseil Souverain de la Martinique"
(Mémoires de la Société d'Histoire de la Martinique, année
1964, n° 1) que nous avons trouvé tout ce qu'on pouvait
souhaiter savoir sur lui et sa famille. L'ouvrage étant
malheureusement épuisé, nous en extrayons ici une brève
généalogie (avec quelques détails complémentaires tirés du
livre de J. Michel). Nous remarquons que J. Michel répond,
sans le savoir puisque cette publication ne figure pas
dans ses sources, au voeu indirectement exprimé vingt-six
ans avant par M. Hayot à la fin de sa notice sur Jean-
Baptiste THIBAULT de CHANVALLON : "Bien que le Roi ait
reconnu son innocence, CHANVALLON n'est pas moins resté
suspect vis-à-vis de l'opinion et aucun historien n'a
encore étudié à fond le procès de ce malheureux créole."
(Nous utilisons l'abréviation CS pour Conseil Souverain)
1 Simon THIBAULT
o Chateau-Thierry (Aisne) ca 1620
s'installe au Marin (Martinique) vers 1660
x Madeleine TRAVERSIER, o Dieppe ca 1630
1.1 Jean Baptiste THIBAULT, conseiller du CS 7 1 1698
o Le Marin ca 1667
+ Bordeaux (St-Séverin) 14 4 1727
x Trois-Ilets 9 1 1691 Marie LE ROUX, fille de + N.,
notaire à Case-Pilote, et Charlotte CHAILLON (bx Elie
PAIN)
Dix enfants dont :
1.1.2 Jean-Baptiste THIBAULT, conseiller du CS 9 7 1721
o Le Marin 11 9 1695
+ Rivière-Pilote 22 5 1724
x Basse-Pointe 30 6 1722 Luce PRUNES, fille de Mathieu,
capitaine de cavalerie, et Marie DORANGE
xb Ignace LEE, armateur à Saint-Pierre, fils de
Nicolas et Marguerite GOULE
o Nantes 1697
d'où Luce, Mathieu Ignace et Moïse Ambroise LEE qui
s'occupèrent des intérêts de leur demi-frère en
Martinique et de sa réhabilitation.
1.1.2.1 Jean-Baptiste Mathieu THIBAULT de CHANVALLON,
avocat en Parlement, membre de l'Académie de Bordeaux 10 3
I:GHC018.RES FC=138154 FL=2951 COL 01 INSE
1748, son directeur 24 8 1748, passe en Martinique 30 4
1751, conseiller CS 5 1 1754, quitte la Martinique après
1756, intendant de Cayenne 1763, arrêté 25 12 1764, empri-
sonné 21 2 1767, élargi 1776, réhabilité 1781, conseiller
honoraire CS Martinique 23 8 1786 (n'y retourne pas)
o Rivière-Pilote 23 3 1723 + Paris (St Roch) 21 1 1788
x Bassens (Gironde) 14 5 1748 Thérèse SAINT-FéLIX, fille
de Jean, négociant de Bordeaux, et + Thérèse SAUGEON
1.1.2.1.1 Jean-Baptiste THIBAULT de CHANVALLON
o Bordeaux 6 8 1749
+ Bordeaux 16 8 1754, chez son oncle COUET
1.1.2.1.2 Jean-Baptiste Charles Laurent THIBAULT de CHANV.
dans l'administration de la marine en 1768, passé à l'Ile
de France (= Maurice) en 1770, sous-commissaire de Marine
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