G.H.C. Bulletin 15 : Avril 1990 Page 126

Le "Mystère" de l'origine géographique
de François NéRON et du sieur de BOUQUETEAU
habitants de la Guadeloupe au XVII° siècle

Jean-Christophe Germain

     Dans l'introduction à la publication d'une "Lettre de 
Saint Domingue en 1670" (1), les auteurs regrettaient  que
ce seul document ne pût résoudre le "mystère de  l'origine
de la famille Néron" en Guadeloupe.  
     Nous croyons pouvoir élucider cette question.

     Les familles GILLOIRE, NéRON et DEGONNE sont  connues
pour avoir résidé en la ville de Chinon en Touraine depuis 
au moins la fin du XVI° siècle.
     Les GILLOIRE étaient seigneurs  de  BOUQUETEAU,  fief
assis sur le territoire de l'actuelle commune  de  Chinon,
et qui relevait des Seigneurs  de  Beaumont-en-Véron  (2).
  Pendant trois générations successives on trouve au XVII° 
siècle un François GILLOIRE seigneur de BOUQUETEAU.
     Les NéRON et les DEGONNE appartenaient également à la 
riche bourgeoisie catholique de la bonne ville de  Chinon,
mais nous n'avons pas connaissance  qu'ils  aient  possédé
des fiefs ou terres nobles dans la campagne environnante.
  Au milieu du XVII° siècle, François NéRON  était  Maître
tanneur à Chinon, tandis qu'Estienne DEGONNE était  Maître
de l'auberge dite "l'Hostel de la  Lamproye".  Un  de  ses
fils parviendra à la charge plus  honorifique  de  Notaire
Royal à Chinon et à un  Office  de  Sergent  des  Eaux  et
Forêts.
     Plusieurs  alliances  furent  contractées  entre  ces
trois familles au cours du siècle. Parmi  celles-ci,  deux
seulement retiendront ici notre attention.

     1) Le dernier avril 1643 furent épousés  en  l'église
     St-Etienne de Chinon, François, fils de défunt  Jehan
     NéRON et de Renée CHABERT, et Jeanne, fille de  Fran-
     çois GILLOIRE et d'Anne LéGIER, tous  deux  de  cette
     paroisse. (3)
          Quatre enfants au moins sont nés de cette union. 
     L'aîné, François, fera  souche  à  la  Guadeloupe  et
     voici son acte baptistaire :
     "Ce jourd'hui, dernier de may (1644) fut baptisé  par
     moy Prebstre habitué en ceste  Eglise  (St  Etienne),
     François,  fils  de  François  NéRON  et  de  Jehanne
     GILLOIRE. Son parrain fust Messire François Fournier, 
     Pre aussi habitué en  ceste  Eglise  et  sa  marraine
     Renée Chabert." (4)
     Signé : f. Fournier pbre         Renée Chabert
             j. Lair pbre             f. Néron     

          François Néron fils eut  trois  puînés  :  Marie
     Magdeleine baptisée le 15 novembre 1645, Sarah bapti- 
     sée le 28 octobre  1647  et  Jacques  baptisé  le  22
     septembre 1649.

     2) le 19 juillet 1659 furent  épousés  dans  la  même
     église François, fils de feu honorable homme François 
     GILLOIRE et d'Anne LéGIER, et Françoise, fille de feu 
     honorable homme Jean BESNARD et de Marie HUBIER. (5)

     C'est dans les semaines qui  suivent  son  mariage  à
Chinon que François GILLOIRE va, ou retourne,  s'installer
à la Guadeloupe . Peut-être a-t-il fait le voyage avec  sa
jeune épouse mais nous n'en avons aucune preuve.
     François NéRON, leur  neveu,  les  a  accompagnés  ou
rejoints peu de temps après. Nous savons en effet  que  ce
dernier était lieutenant de milice dans l'île au  mois  de
juin 1661, ce qui suppose, compte-tenu de son jeune âge  à
cette époque (6), qu'il avait déjà  servi  plusieurs  mois
dans le grade d'enseigne (7).

     Nous ignorons encore tout des circonstances  précises
qui ont amené François GILLOIRE à  tenter  sa  chance  aux
Antilles et notamment s'il fut précédé ou  non  en  Guade-
loupe par l'un de ses parents de Chinon.
  C'est pourquoi  nous  mentionnons  ici  l'intérêt  d'une
éventuelle parenté GILLOIRE-LIéNARD  :  François  GILLOIRE
époux d'Anne LéGIER était peut-être le propre fils  de  ce
François GILLOIRE qui épousa le 27 janvier 1589,  en  l'é-
glise Saint-Jacques de Chinon, Madeleine  DUCARROY,  d'une
famille plusieurs fois alliée aux LIéNARD (8).
     Rappelons en effet que le premier  Gouverneur  de  la
Guadeloupe en 1635,  Charles  LIéNARD  sieur  de  l'OLIVE,
était précisemment originaire de Chinon. Parmi les Chinon- 
nais qui accompagnèrent l'OLIVE  en  Guadeloupe,  quelques
uns nous sont connus; ce sont  les  trois  enfants  de  sa
demi-soeur : Madeleine HUGHET qui épousera le fameux Guil- 
laume d'ORANGE, Louis HUGHET et Etienne  HUGHET  sieur  de
BUSSY (9). Avec eux s'embarqueront aussi Jean PHILBERT  et
Charles PHILBERT sieur de LA GRANGE (10), tous deux beaux- 
frères du Gouverneur (11).
  Vingt plus tard tous ces pionniers ont disparu et  c'est
souvent un fils, un neveu  ou  un  cousin  plus  ou  moins
éloigné qui hérite aux îles de la propriété de son  parent
décédé (12). Tel  fut  certainement  le  cas  de  François
GILLOIRE, et cela reste à confirmer par de nouveaux  docu-
ments (13).

     C'est donc au cours du deuxième semestre  de  l'année
1659 que le sieur de BOUQUETEAU s'installe à "la  Montagne
Saint-Louis" située sur la Côte sous le Vent de  l'île  de
la Guadeloupe (14). Il va alors mettre en exploitation une 
habitation-sucrerie dont la  main  d'oeuvre  agricole  est
servile et recrutée en Afrique.
  Les ouvriers nécessaires au fonctionnement du  Moulin  à
sucre seront par contre engagés directement en France.  Ce
sont des citadins et leurs gages sont un peu  plus  élevés
que la moyenne ce qui laisse supposer une qualification.
     Michel COUë, natif de Rouen,  paroisse  Ste-Croix-St-
Ouen, est engagé à Dieppe le 27 janvier 1660  par  Etienne
SAUVAGE (15) pour servir pendant trois ans le "Sr GILLOIRE 
Sr de BOUQUETOT, habitant de  la  Gardelouppe."  Pour  ses
gages il aura 400 livres de pétun à la fin de son service. 
Un trousseau lui sera fourni avant l'embarquement, compor- 
tant deux habits de toile, deux chemises, deux  paires  de
souliers, deux bonnets et deux mouchoirs (16).
     Deux ans plus tard,  le  23  janvier  1662,  le  même
Etienne SAUVAGE engage à Dieppe  deux  hommes  pour  aller
servir aux îles pendant trois ans " le Sr GILLOIRE  Sr  de
BOUQUETOT". Ce sont Bernard DELAROCHE (17) de la ville  de
"Mascon en Bourgongne" et Mathieu MAILLARD, de Nantes. Ils 
auront les mêmes  gages  que  COUë,  mais  seulement  deux
habits (18).

     Lorsqu'en 1664, le Commis de la Compagnie  des  Indes
Occidentales recense le nom de ceux qui  habitent  sur  la
"case du sieur de BOUQUETEAU", ce dernier a  alors  à  son
service six serviteurs d'origine  européenne  et  dix-huit
esclaves africains (19). Curieusement, les  trois  engagés
de Dieppe ne sont pas sur l'habitation  à  cette  date  et



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