G.H.C. Bulletin 5 : Mai 1989 Page 35
>DEPUTES A LA CONSTITUANTE : NADAL DE SAINTRAC
Voici ce que dit LACOUR : "Nos députés, à l'assemblée
nationale, votèrent avec les membres modérés qui voulaient
une constitution, mais sans détruire la royauté.
On connaît ce mot écrasant lancé par MIRABEAU contre
M. de SAINTRAC. Lui et le grand orateur se disputant la
tribune, le président décida que c'était au député de la
Guadeloupe de se faire entendre. M. de SAINTRAC n'avait
pas une élocution facile. MIRABEAU, s'adressant au prési-
dent : Vous donnez la parole à un homme à qui Dieu l'a
refusée"
Après sa démission de l'Assemblée Constituante, le cito-
yen Jean NADAL de SAINTRAC va certainement se retirer dans
sa famille à Verteillac et Périgueux, puis le 28 octobre
embarque avec son fils Jean Marie Joseph "créol de la
Guadeloupe" à Bordeaux sur le navire "la Jeune Armée",
capitaine Jean Baptiste LACOTTE. Le navire arrive à la
Pointe-à-Pitre le 14 décembre. On ne sait pas ce que
devint ce fils Jean Marie Joseph. Quant à son père il
figure le 18 brumaire an IV sur une liste d'émigrés signée
LEBAS, pour la commune du Petit-Canal, où l'on peut lire
"SAINTERAC, sa femme et son fils, émigrés". S'agit-il de
Jean Marie Joseph ou Louis Joseph Dieudonné Bertile qui
sera assassiné à Sainte-Anne en 1809 ? Le fils aîné a-t-il
pris le parti des royalistes contre les troupes de Victor
HUGUES ? A-t-il été tué au Camp St Jean, fusillé au Morne-
Savon ou a-t-il pu s'échapper ? Nous l'ignorons.
En août 1797, en la chapelle des Saints Anges, à Lon-
dres, Marie Jeanne Thérèse NADAL de SAINTRAC épousait
Marie Louis Joseph ROUPH de VARICOURT d'une famille dont
le nom est resté dans l'Histoire. Après le décès de son
mari, Marie Jeanne Thérèse NADAL de SAINTRAC se remaria à
une date que j'ignore avec M. de BéRENGER. Ceci nous est
confirmé par une lettre adressée au préfet du département
de la Dordogne le 12 septembre 1825, conservée aux Ar-
chives du Périgord, dans laquelle "Madame Jeanne Thérèse
NADAL, veuve de M. de VARICOURT, actuellement épous sépa-
rée de corps et de biens de M. de BéRENGER est seule
héritière de feu M. Jean NADAL de SAINTRAC son père, porté
sur la liste des émigrés et décédé en 1809 aux îles".
Mademoiselle de SAINTRAC réclame les biens situés sur
les communes de Verteillac et St Martial, saisis, dit-elle
"pendant la prétendue émigration de feu NADAL de SAINTRAC"
Le 28 mai 1792 un état de la situation des biens des
émigrés pour la commune de Verteillac indique que M. NADAL
de SAINTRAC possède "une maitérie et un moulin" et qu'il
habite depuis au moins 25 ans à la Guadeloupe.
Documents consultés :
A.D Périgord: Merci à Martine Duhamel, généalogiste à
Périgueux pour l'aide apportée.
B.N. Paris : série E supplément 98 à 558
GG 12-24-47-95-102
séries 2E 1324 1 à 5; 11J20; Q1053
R.P. Coutures et Verteillac.
A.N. Paris : Débarquements à Bordeaux F5B 17
Embarquements à Bordeaux F5B 41,42,43
Débarquements à Nantes F5B 24
Correspondance au départ B 160/2 folio 78
Conseil Supérieur de la Guadeloupe D2d
Colonies E 364
R.P. Guadeloupe et Martinique
Recensement Guadeloupe G 497 n° 22
Minutier central XLI / 746
A. D. de la Seine : émigrés, fonds Christian de Parrel D49Z
M.A. Lacour Histoire de la Guadeloupe II p 14 et 16;
III p 431-432; IV p 136
***** III L'alliance ROUPH de VARICOURT. *****
Cette famille venue il y a longtemps d'Angleterre,
installée dans le Pays de Gex à Versonnex près Ferney dans
l'Ain, se distingua en servant la France, notamment dans
les Gardes du Corps du Roi. L'un d'eux, Etienne, entra à
18 ans en 1744 dans la compagnie de BEAUVEAU; brigadier en
1775 il quitta cette compagnie en 1776 maréchal de camp et
mourut chez lui à Gex le 28 novembre 1780. C'est ce qu'in-
dique le registre de la compagnie aux Archives de la
Guerre. Des biographies de la famille donnent la date de
novembre 1779. Il s'agit peut être d'une erreur d'inscrip-
tion au registre de l'armée de terre.
Il avait épousé Gilberte Prospère DEPREZ de CRASSIER,
dont il eut dix enfants. Trois acquirent, à des titres
divers une célébrité qui persiste de nos jours. La pre-
mière est Reine Philiberte ROUPH de VARICOURT que Voltaire
remarqua lors de son séjour à Ferney; il en fit sa fille
adoptive, la maria au marquis de VILETTE (sa signature
figure au bas de l'acte de mariage) et la fit entrer dans
le monde littéraire sous le nom de "Belle et Bonne".
Son frère aîné, Pierre Marin, lui aussi remarqué par
Voltaire qui le surnomma "Apollon Pasteur", au lieu de
choisir le métier des armes comme le voulait la tradition
familiale, choisit l'état ecclésiastique, ce qui était
déjà remarquable dans une famille à forte tradition calvi-
niste. Pierre Marin devint curé de Gex, élu de sa province
aux Etats Généraux, fut au Jeu de Paume comme député à la
Constituante, refusa de prêter le serment constitutionnel
ce qui le contraignit à émigrer. Revenu en France il fut
nommé en 1817 évêque d'Orléans où il mourut le 9 décembre
1822.
Dans les gardes du corps de Beauveau d'autres frères
continuèrent la tradition. Claude Gabriel le 28 juin 1778
et François le 28 mars 1779. Ce dernier allait entrer dans
notre Histoire lors des événements des 5 et 6 octobre 1789
qui amenèrent les femmes de Paris à venir chercher à
Versailles "le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mi-
tron".
Le matin du 6 octobre François de VARICOURT voit les
émeutiers massacrer son camarade DESHUTTES à la grille du
Parc; il se précipite à la porte des appartements royaux
en criant "sauvez la Reine", sort son épée, car son fusil
n'est pas chargé, contient avec un autre camarade MIOMAN-
DRE de SAINTE MARIE la ruée de ceux qui veulent assassiner
"l'Autrichienne". Leur courage va permettre à la Reine
épouvantée et à moitié dévêtue de se sauver dans l'appar-
tement du Roi.
Il n'y eut que deux gardes du corps massacrés car
MIOMANDRE de SAINTE MARIE, bien que grièvement blessé
parvint à être sauvé. Ceci est confirmé par le comte
d'HEZECQUES, témoin oculaire, dans ses mémoires. François
ROUPH de VARICOURT, ayant succombé sous les coups, eut la
tête tranchée et mise au bout d'une pique, avec celle de
DESHUTTES. Ce sont ces deux têtes que l'on voit sur les
gravures montrant le peuple escortant le retour de la
famille royale à Paris. Détail plus horrible : en passant
le pont de Sèvres on obligea un perruquier à maquiller et
recoiffer ces deux sanglants trophées. On dit que le per-
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