G.H.C. Bulletin 5 : Mai 1989 Page 34
DEPUTES A LA CONSTITUANTE : NADAL DE SAINTRAC
P. Bardin, B. et Ph. Rossignol
Cet article est le fruit du travail de trois personnes :
Pierre Bardin a fait de nombreuses recherches sur la
famille en France, l'alliance ROUPH de VARICOURT et les
registres d'embarquement; B. et Ph. Rossignol ont étudié
la période antillaise et établi la généalogie. Chacun des
auteurs a rédigé la partie qui correspondait à son étude.
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Le 16 Mai 1791, prenant prétexte du décret de l'Assem-
blée Nationale donnant aux hommes de couleur libres
l'accession aux Assemblées paroissiales, les députés de
Guadeloupe, Martinique et Saint Domingue dans un bel élan
tout en jurant leur attachement aux intérêts de la Nation,
ainsi qu'aux décrets du Corps Législatif, déclarent qu'ils
ne peuvent plus siéger à l'Assemblée et démissionnent. Si
on leur avait dit que leur geste s'apparentait à du racis-
me, ils se seraient sans doute récriés, la main sur le
coeur, que cela n'était point, eux qui se nourrissaient
des philosophes et de leurs lumières, ne rêvant que le
bonheur du genre humain. Et ils eussent sans doute été
sincères, la philosophie et l'économie n'étant pas tou-
jours en symbiose. Il semble intéressant de voir, autant
que cela soit possible, l'origine géographique et sociale
de ces députés. Prenons l'un des signataires de la lettre
des guadeloupéens, Jean NADAL de SAINTRAC, dont le nom
fleure bon le Sud-Ouest.
***** I La famille NADAL de SAINTRAC en France. *****
Jean naît à Verteillac dans le Périgord le 3 avril 1745,
baptisé le 7 "fils naturel et légitime de Sicaire, con-
seiller en la sénéchaussée de Périgueux, y habitant et de
dame Anne DEBAYS".
En consultant les archives départementales on constate
que la famille NADAL est bien implantée en Périgord et
qu'on la voit surtout dans la magistrature; en 1679 un
Elie NADAL est curé de St Antoine de Basillac, un autre
Hélie est sergent royal dans le canton de Savignac, un
autre encore, François, archer de la ville de Périgueux,
François et Pierre, jésuites, Jean sieur DES BARRIERES
avocat en la Cour etc...
Le père, Sicaire, né en 1706 à La Feytaud et baptisé à
Coutures le 27 Juin, nommé conseiller au siège présidial
de Périgueux le 5 juillet 1740, était le fils de François,
avocat en la Cour, juge sénéchal de la Tourblanche.
Les NADAL de SAINTRAC avaient acquis droit de banc et
tombeau en l'église de Verteillac en 1761.
Du mariage de Sicaire avec Anne DEBAYS, très certaine-
ment à Coutures en 1739, (registres manquants), devaient
naître cinq enfants, tous à Verteillac : Léonarde en 1740,
Jean en 1744, autre Jean en 1745 le futur député à la
Constituante, Jeanne en 1746 et Suzanne en 1748.
Sicaire NADAL de SAINTRAC décède à 82 ans en 1788; il
est enterré à Verteillac. Je n'ai pu retrouver le décès
d'Anne DEBAYS, mais lors du mariage de Jean à Basse-Terre
paroisse de Mont Carmel en 1773, elle est déjà décédée.
Quand la famille NADAL devint-elle "de SAINTRAC" ?
En 1706 lors de la naissance de Sicaire à Coutures il est
dit "fils de François NADAL". En 1734 un inventaire après
décès de "Messire François NADAL, avocat en la Cour" cite
les sieurs DES BARRIèRES et CINTRAC. Il s'agit de ses deux
fils Jean et Sicaire, ce dernier étant le père de notre
député. Sont-ils nobles pour autant, rien n'est moins sûr.
Il n'est pas rare au 17° et 18° siècles pour distinguer
les enfants les uns des autres de faire suivre leur nom
d'un patronyme, de lieu par exemple. C'est le cas pour
SAINTRAC, déformation du nom d'un hameau appelé Cintrac,
qui appartenait à la paroisse de Coutures et où la famille
NADAL avait des biens. Le testament de 1734 porte bien
l'orthographe CINTRAC qui peu à peu se serait transformé
en SAINTRAC.
***** II Les déplacements et l'émigration. *****
A quelle date notre futur constituant s'embarque-t-il
pour les îles ?
En consultant les registres d'embarquements on trouve un
Jean NADAL qui s'embarque à Bordeaux sur le navire "l'Ai-
mable Marie" le 8 novembre 1771. La destination du navire
est Saint Domingue mais rien n'interdit de penser qu'il
fasse escale à la Guadeloupe. C'est même probable.
En 1773 on le retrouve, selon son acte de mariage en
Guadeloupe avec Dlle Catherine de BOVIS le 25 janvier
"écuyer, avocat en Parlement".
Il revient au moins une fois en France puisque le 16 juin
1786 le navire "le Bon Enfant" venant de Guadeloupe débar-
que à l'île de Ré "à leurs frais" Dlle Thérèse de BOVIS,
créole de la Guadeloupe épouse de M. de SAINTRAC, le Sieur
Louis de SAINTRAC, créol âgé de 7 ans, son fils, le Sieur
Félix de BOVIS créol de la Guadeloupe, frère de Mme de
SAINTRAC, âgé de 18 ans, Marianne NIé, veuve BERTRAND,
femme de chambre de Mme de SAINTRAC, et Jean Marie Maximi-
lien de VERNOU créol, âgé de 18 ans. Et le premier août
suivant, à Bordeaux, descend du navire "la Louise", "à ses
frais", le Sieur NADAL de SAINTRAC, de Périgueux, conseil-
ler à la Guadeloupe. Sur ce navire voyageaient plusieurs
membres de la famille POYEN.
On peut constater qu'un seul enfant les accompagne, le
dernier. Les deux autres, âgés de 12 et 9 ans, sont-ils
déjà passés en France afin d'y recevoir "une éducation
soignée" ? C'est possible. Ce qui est certain c'est que
NADAL de SAINTRAC repart seul pour la Guadeloupe en sep-
tembre 1787 en compagnie de Jean COQUILLE DUGOMMIER et
Christophe COQUILLE DUGOMMIER "créol de la Guadeloupe" sur
le navire "le Bon Accord".
Quitte-t-il la Guadeloupe le 25 avril 1790 en compagnie
de Robert COQUILLE et CHABERT de LA CHARRIèRE pour arriver
à Paris le 22 juin, comme le dit l'historien de la Guade-
loupe Lacour? Rien n'est moins sûr. En effet ces deux
derniers débarquent à Nantes en juin 1790 du navire "la
Baronne de BAYE". Nulle trace d'un débarquement de NADAL à
Bordeaux, Le Hâvre, Nantes ni Brest. Y a-t-il eu un oubli
lors du débarquement à Nantes, cela n'est pas impossible.
Toujours est-il que nos trois députés participent dès juin
1790 aux travaux de l'Assemblée Constituante. Le 4 Novem-
bre 1790 tous les trois avec Pierre Joseph NERON VERPRé,
Marc BEAUPLAN, Régis DESPREZ et Pierre Arnoult PAVIOT,
tous habitants de la Guadeloupe, viennent signer un acte
de notoriété chez le notaire DOULCET attestant le décès en
octobre 1781 de "Joseph DYEL, alors vicomte de NAMBUC", en
Guadeloupe sur la paroisse Notre Dame, quartier du Port-
Louis de la Grande Terre. Les trois députés logent "hôtel
Neker, rue de Richelieu, paroisse St Eustache".
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Révision 15/05/2003