G.H.C. Bulletin 1 : Janvier 1989 Page 3
A la Martinique le 21 mai 1701
Bernadette Rossignol
Aux Archives Nationales, section ancienne, dans la
série K "Monuments historiques", se trouve une lettre dont
nous vous donnons la transcription après avoir rétabli
orthographe et ponctuation. Nous aimerions qu'un lecteur
puisse nous indiquer quel était le propriétaire de la
collection de documents dont elle fait partie. C'est une
lettre recopiée partiellement, avec l'en-tête suivant :
"Extrait d'une lettre de Mr. l'Abbé PINSSON aumônier de
vaisseau à Mr. son frère l'Avocat à Paris" (K 1232 n°18).
++++++++
Après 42 jours de navigation sans avoir autre chose
qu'une mer très douce et favorable à notre route, nous
avons atterré à l'île de la Martinique au fort de St
Pierre le 19 mai. J'allai hier à la ville du fort St
Pierre et y vis le R.P. de MOUTHIERS (1), jésuite, qui est
curé principal de cette contrée; il est bien fondu en ce
pays-ci et travaillé douloureusement d'un panaris.
Nous ne voyons point ici ces belles plaines de Tou-
raine et de Beauce, au contraire des montagnes effroyable-
ment hérissées, et l'on fond de chaud dans les bas lorsque
les hauteurs sont inaccessibles à cause du froid.
Tous les français transplantés sont fort à leur
aisance, l'abondance règne, les cabarets bien fournis et
l'on vit dans ces lieux bien chèrement, quoique le vin ne
coûte que sept sols la pinte. Les fruits y sont bons et
tous différents de France; il y a des orangers partout
portant fleurs et fruits à la discrétion des passants,
sans qu'on ait besoin de pierre pour les insulter comme
aux noyers de notre pays.
Les ananas, les palmiers, les cocotiers sont les
arbres communs du pays qui viennent sans culture. Les
jardins cultivés y fournissent mille raretés; les plantes
sensitives, les grenadiers nains, le thé y font assez
bien. Les biens de la terre y sont abondants. Les cannes
de sucre, la cassave, qui est une racine dont se fait le
pain, le maïs ou blé de Turquie y sont en quantité.
Les femmes blanches y sont belles et blanches sans
couleur, et grandes, tant les transplantées que les
créoles. Les fontanges (2) y sont arborées; leur habil-
lement le plus ordinaire est de linge fort blanc, jupe,
chemise et petit corselet.
On ne voit point de Caraïbes ou naturels du pays. Les
noirs y viennent de la côte de Coromandel (3) ou autres
îles éloignées. Ils sont ici sans nombre, faisant ici très
peu de dépense en habits. Hommes et femmes y vont nus. La
différence ne gît que dans le caleçon aux hommes ou un
morceau de toile ou espèce de jupe aux femmes. Celles qui
se piquent de bravoure mettent une serviette blanche sur
leurs tétons pour les faire tomber. Ce sont des vraies
bêtes; il me paraît que l'enfer reste ici ouvert pour que
les pauvres diables y prennent un peu d'air. Les enfants
noirs les plus petits des deux sexes courent à l'eau comme
des canards et nagent à merveille.
Leurs bâtiments pirogues sont d'un tronc d'arbre
creusé où ils se mettent 10 ou 12 et naviguent fort bien.
Ils ne rament pas comme nous, ils trempent leurs avirons
debout dans la mer et les poussent en arrière.
Nous avons vu des poissons volants dont j'en ai
anatomisé un que j'espère emporter avec moi. Nous ne
serons pas à Brest avant la fin de novembre.
Nous allons à Carthagène.
++++++++
La copie de la lettre s'arrête là.
NOTES
(1) Le R.P. Charles de MONTHIERS (MOUTHIERS dans la let-
tre), jésuite né à Pontoise en 1654 et décédé à Paris en
1729 n'a servi en Martinique que de 1700 à 1702 (Diction-
naire biographique de la Martinique - Le Clergé- par
l'abbé David . Société d'Histoire de La Martinique 1984).
(2) La fontange était une coiffure avec haut bonnet de
dentelles mis à la mode par Mademoiselle de Fontanges et
longtemps portée par les dames de la fin du XVII° siècle.
(3) La côte de Coromandel étant au sud-est de l'Inde le
long du golfe du Bengale, on voit que ce jésuite avait des
notions de géographie qui ne font hélas pas mentir la
réputation des français!
RECHERCHES EN COURS
Cette rubrique est faite pour permettre à tous de commu-
niquer à la personne qui effectue ces recherches les
renseignements qu'ils possèdent sur ces sujets et non de
l'interroger. Pour cela il faut utiliser les Questions-
Réponses.
Huguette Voillaume met en ordre ce qu'elle possède sur la
famille RUILLIER, ses descendants et ses familles alliées.
f
Yvain Jouveau Du Breuil réalise une étude sur la famille
GUISCHARD, à la Guadeloupe.
Bernadette et Philippe Rossignol essayent de finir l'étude
de la famille POYEN et de ses alliances ainsi que celle
sur la famille BRUN BEAUPEIN.
Pierre Bardin recueille tout ce qu'il peut trouver sur les
familles HOUEL, BOISSERET, HINSELIN et aussi sur le
chevalier de SAINT GEORGES.
ADRESSES UTILES
Cette rubrique doit fournir les adresses des organismes
ou des personnes qui peuvent être utiles pour les recher-
ches, tant en France qu'à l'etranger : Dépôts d'archives,
Sociétés d'Histoire, Associations de généalogie, cher-
cheurs bénévoles ou professionnels, éditeurs, libraires
etc...
Centre de Généalogie et d'Histoire des Isles d'Amérique
30 Rue Boissière,75116Paris.
Archives Nationales,CARAN : 11 Rue des Quatre-Fils,
75003 Paris
Centre Nationaldes Archivesd'Outre-Mer :
29 chemin du moulin de Testas, 13100 Aix-en-Provence
Archives départementales delaGuadeloupe:
Bisdary à Gourbeyre, B.P. 74, 97102 Basse-Terre Cedex
Archives départementales dela Guyane:
Place Léopold Heder, 97302 Cayenne Cedex
Archives départementales de la Martinique :
B.P. 649, 97262 Fort-de-France Cedex
TRIBUNE LIBRE
Cette rubrique accueille toute opinion concise et
claire) émise par les lecteurs, dans la limite de la
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possible un compte-rendu de lecture.
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