G.H.C. Bulletin 96 : Septembre 1997 Page 2064

TOPONYMIE ANTILLAISE
Guy Stéhlé

     Depuis toujours l'homme a éprouvé le besoin de nommer 
pour  identifier et reconnaître.  Cela concerne aussi bien 
ses  congénères  (amis ou ennemis) que les choses  et  les 
biens.
     Il a dû,  sans doute,  vous arriver de vous  demander 
pourquoi  tel  ou  tel endroit des Antilles  s'appelle  de 
telle  ou  telle façon.  En y  réfléchissant  un  peu,  on 
s'aperçoit  que les modalités de nomination  répondent  le 
plus  souvent  à  des critères  simples.  Sans  prétention 
d'exhaustivité on peut en énumérer quelques-uns :

- l'apparence du lieu renvoie à une ressemblance  humaine, 
  animale ou autre;
- le lieu présente une caractéristique évidente;
- le  nom  peut  renvoyer à un événement  marquant  qui  a 
  frappé les individus;
- il arrive aussi qu'on le dédie à un lieu,  un objet,  un 
  saint ou une personnalité à qui,  pour une raison ou une 
  autre, l'on souhaite rendre hommage;
- enfin, il peut tout simplement devoir son nom au premier 
  occupant  de l'endroit,  ou au moins à l'un de ceux  qui 
  l'a fortement marqué par sa présence.

Prenons quelques exemples :
- Le  Morne  Chameau aux Saintes,  les Deux Mamelles,  les 
  Ilets  Kaouane et Caret à la Basse-Terre,  la Pointe des 
  Châteaux  en Grande-Terre,  le  Diamant,  la  Perle,  le 
  Prêcheur, la Table du Diable en Martinique, ont des noms 
  qui renvoient à leur apparence.
- La Soufrière,  Ravine chaude,  Bouillante,  la Forêt  de 
  Fumée,  les  Bains jaunes en Guadeloupe,  le Marigot  en 
  Martinique ou à Saint-Martin, le Gros Morne, la Montagne 
  Pelée,  le Morne Vert en Martinique, le Morne Rouge à la 
  fois en Martinique et en Guadeloupe ou les Salines  dans 
  ces Iles et à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy, révèlent 
  une caractéristique qui leur est,  ou leur a été, propre 
  au moment de leur dénomination.  Les "Galion",  que l'on 
  retrouve  à  la  fois en Martinique  et  en  Guadeloupe, 
  doivent  leur nom au fait que les bateaux  espagnols  du 
  même nom s'y arrêtaient pour s'approvisionner en une eau 
  réputée pour sa fraîcheur ou sa pureté.
- Les Lamentin ou Carbet, si fréquents dans nos Iles, nous 
  remémorent  que ces lieux étaient  autrefois  fréquentés 
  par  des  vaches de mer ou  abritaient  des  populations 
  caraïbes.  De  même le Gosier en Guadeloupe doit son nom 
  aux  "Gousiers" ou pélicans qui étaient nombreux dans la 
  région.
- Le  peuplement  végétal nous fournit quantité  de  déno- 
  minations comme,  par  exemple,  Acoma,  Mahault,  Fonds 
  Raisiniers, Petit Campêche, Fonds Cacao...
- Deshayes,  la Pointe la Verdure,  le Morne à Caille,  la 
  Rivière  Beaugendre  en Guadeloupe,  le Morne  d'Orange, 
  Case  Pilote,  Rivière  Pilote,  les Anses  d'Arlets  en 
  Martinique,  portent  le nom de leur occupant  primitif. 
  Pour Case Pilote et l'Anse d'Arlets, il est important de 
  noter  que leur nom provient des deux chefs caraïbes qui 
  étaient  frères  et  apportèrent leur aide  aux  coloni- 
  sateurs européens.
- Fonds-Gens-libres,  le Galoué en Martinique,  tout comme 
  "Grand Camp" en Guadeloupe, le Mont-des-Accords à Saint-
  Martin ou la Mare-à-punch à Marie-Galante, se réfèrent à 
  des événements historiques locaux importants.



- Les  noms  de saints sont tellement nombreux  et  connus 
  qu'il est inutile d'en citer.  Par contre, deux lieux de 
  Martinique  ont vu leur nom premier modifié pour  rendre 
  hommage  à  des individus.  Il  s'agit  de  Case-Navire, 
  devenu  Schoelcher,  et  du  Trou-au-Chat,  actuellement 
  Ducos.
- En Guadeloupe,  Gourbeyre rend hommage au  gouverneur du 
  même nom qui, après le tremblement de terre de 1843,  se 
  donne   à  fond  pour  relever  Pointe-à-Pitre.   Notons 
  qu'auparavant  cette  commune  s'appelait  Dos-d'Ane  en 
  référence à sa topographie.
- Dans un autre ordre d'idées,  découvrant  Marie-Galante, 
  Christophe Colomb lui donne le nom de sa caravelle et, à 
  la Guadeloupe, celui du sanctuaire espagnol du même nom.

   Un dernier cas mérite que l'on s'y attarde un instant : 
celui de Pointe-à-Pitre.  Une légende ancienne prétend que 
l'origine en vient de Pointe-à-Peter, du nom du Hollandais 
qui  y aurait,  le premier,  installé sa  case.  Pourtant, 
lorsqu'on  étudie attentivement les cartes anciennes comme 
l'a fait le Dr.  Chatillon,  on est plutôt enclin à penser 
que c'est la "Rivière à Pittes", coulant dans ces parages, 
qui serait à la base de cette dénomination.

     La toponymie est un passe-temps passionnant. Pourquoi 
tel  saint a-t-il donné son nom à  Saint-François  ?  D'où 
vient Macouba,  ou la "Route des religieuses" ?  Autant de 
recherches  auxquelles vous pourriez vous adonner lors  de 
vacances  aux  Antilles.  Vous pourrez  alors,  sans  mal, 
ajouter  de nouveaux critères à ma liste et découvrir  des 
origines  inattendues  aux  noms des lieux qui  vous  sont 
chers.

NDLR Nous avions entendu parler,  il y a plusieurs années, 
de la réalisation, par l'INSEE ou l'IGN, d'un dictionnaire 
des  noms  de lieux de la Guadeloupe et de la  Martinique, 
comme il en existe pour des départements métropolitains.
Sait-on si ce projet à abouti ?
Quant  à  l'origine  de Pointe  à  Pitre  Rodolphe  Enoff, 
signalait  en page 1750,  l'existence d'un lieu-dit de  ce 
nom dans le Tarn. 

EXPOSITION

 Iles, vivre entre ciel et mer (jusqu'au 5 janvier 1998)
   Muséum d'histoire naturelle, Paris V, 01.40.79.30.00
                    Philippe Camprasse

Cette  exposition  est une agréable invitation  au  voyage 
pour  rêver  à peu de frais (et en deux heures)  en  plein 
Paris : tant par ses images, ses textes, ses présentations 
audiovisuelles,  que  par ses montages miniatures  et  les 
divers  objets  (tissus,   coquillages,  insectes  séchés) 
exposés, elle nous montre la fragilité de ces milieux mais 
surtout  la  mobilisation de toutes les  facultés  d'adap- 
tation  que  plantes,  animaux et humains  déploient  pour 
vivre (survivre ?) dans ces isolats où la vie se développe 
entre  isolement et échanges indispensables avec  d'autres 
terres.  Montagnes, îles au milieu de lacs continentaux ou 
en  pleine mer,  îles désertiques chaudes,  îles  froides, 
glaciales, sont autant de pays attirants, originaux.   


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Révision 23/01/2005