G.H.C. Bulletin 92 : Avril 1997 Page 1947
LANGLOIS de CHANCY - TOUSSAINT LOUVERTURE
février 1786. Le père est Jean Baptiste Langlois de
Chancy. La mère Anne Toussine dite Cotocoli. Le parrain
est le beau-frère, M. De Gay. La marraine : Elisabeth de
La Potherie veuve Descombes.
Chez le notaire Monneront un bail de maison est signé
le 6 février 1793 par Cotocoly Anne Toussine.
Ce nom, s'il indique sans doute l'origine africaine de
la mère (région de l'ancien Dahomey) est devenu patro-
nyme familial. Anne Toussine n'a aucun lien avec la
famille de Toussaint Louverture.
Avant d'apporter une conclusion, sans doute provi-
soire, il faut signaler deux cas que je ne peux classer
avec certitude dans la lignée Affiba car ils sont douteux,
bien qu'ayant une prononciation tentante.
- A Port-au-Prince.
29 septembre 1795, mariage de Jean François Hipolitte,
Cavalier de la maréchaussée, nègre libre. Acte d'affran-
chissement à San Jago de la Véga, île de la Jamaïque,
avec Marie Catherine Surnommée Phiba, négresse libre, acte
d'affranchissement du 19 août dernier.
20 Germinal an 7, naissance de Marie Louise, fille de
Jeanne Latremble. Le père est Jean Affiba gaboteur. C'est
ce qui est ajouté en marge. Dans l'acte, dressé par
l'officier d'état civil, à l'orthographe plus que
douteuse, on lit Jean Fallibas ou Sallibas. Ajoutons que
dans les tables l'enfant est prénommé Marie Anne, en marge
de l'acte, Marie Louise, et, dans l'acte même, la mère la
nomme Marie Claire.
EN GUISE DE CONCLUSION
Il me paraît pour le moins surprenant que tous ceux
qui ont écrit (en français, en anglais, en allemand, pas
loin d'une centaine), sur le père fondateur de la Répu-
blique Haïtienne n'aient pas tenté de trouver les preuves,
si faire se peut, de ses origines africaines; j'excepte
Marie Antoinette Menier, Gabriel Debien et Jean Fouchard
qui, dans un article percutant, paru en juin/juillet 1977
dans la revue Conjonction à Port-au-Prince, avaient montré
que Toussaint, à cette époque, appelé Bréda, était libre
en 1776, possédait une habitation caféière et traitait ses
affaires devant notaire.
Je fais mienne cette phrase qui ouvrait leur article :
"On a dit que les légendes étaient le miroir de
l'Histoire. Il faut donc plaindre les historiens".
Sur quels documents se base-t-on pour écrire que
Toussaint était le fils de Gaou Guinou, lui-même second
fils du Roi des Aradas, pris dans une guerre tribale,
vendu à un négrier qui l'emmena à St-Domingue ? Ce sont,
"les mémoires" d'Isaac Louverture, fils légitime de
Toussaint, mémoires qui furent publiées en 1818.
Il s'agirait donc d'une transmission familiale. Pour
autant, est-elle fiable ? Ni plus, ni moins, que d'autres
traditions familiales.
Il me semble en effet peu probable de croire que le
capitaine négrier ait noté qu'il venait d'acheter une
famille d'extraction royale, avec les noms et les filia-
tions. Ou alors, après les tractations habituelles sur le
prix d'achat avec le Roi africain vendeur qui tenait à
valoriser sa capture, il avait noté ces particularités
pour en tirer un meilleur prix, à la revente dans l'île.
On ne peut pas non plus écarter l'idée, et c'est sans
doute la plus vraisemblable, que la renommée attachée à
la famille de Toussaint, ait été connue des autres captifs
déportés à Saint-Domingue, et que c'est par eux que toute
cette tradition fut transmise. A l'insu des négriers, bien
des choses sont passées de l'Afrique au nouveau monde,
dans les domaines religieux, familiaux ou musicaux, pour
ressurgir sous différentes formes aux Antilles, au Brésil
ou aux Etats-Unis et dominer la vie culturelle de la
planète.
Il faut reconnaître que la famille de Toussaint
Louverture a, semble-t-il, bénéficié d'une attention
particulière. C'est sans doute une des très rares fois
qu'un nom africain Affiba, avec son origine géographique,
est reconnu à l'affranchissement. D'habitude, lors de
l'arrivée dans l'île, on donnait un prénom chrétien, suivi
de l'origi e géographique. Ex : Joseph Congo. Marie-
Thérèse Mesurade (Région de Monrovia) ou Jean Créole.
On sait également, par un acte de mariage au Borgne, le 3
septembre 1777 que "Toussaint Bréda est nègre libre en
1776"; ceci est noté en marge par le curé de la paroisse.
Or, Geneviève Affiba et son frère Augustin, sont affran-
chis le 25 septembre 1776, inscrits le 28 au greffe de
l'intendance de Port-au-Prince. Il y a fort à parier, que
les dates devaient être identiques. De même, il aurait été
intéressant de trouver l'affranchissement de Charlotte,
dite Affiba, négresse libre, qui décède le 13 novembre
1778, sur l'habitation Noailles à la Croix des Bouquets.
L'ascendance royale, à laquelle on se réfère, peut
également expliquer l'autorité, jamais discutée, que
Toussaint eut sur ses frères d'origine dès qu'il prit la
direction des choses que le destin lui assignait.
A propos de l'indépendance, personne ne s'est inter-
rogé, ni étonné, sur le fait que Christophe donna le nom
d'Haïti à ce q i était la partie française de Saint-
Domingue.
On nous dit que c'était l'ancien nom de l'île. A ma
connaissance, je n'ai pas la fatuité de prétendre avoir
tout lu sur ce sujet, aucun des chroniqueurs les plus
anciens, même chez Christophe Colomb qui nomma l'île
Hispaniola, ne parle d'Haïty. Moreau de Saint-Merry, la
référence en la matière, nous dit que la partie française,
est issue du royaume de Xaragua. Si ce nom, Hayti, a une
base aussi ancienne et réelle, comment expliquer, qu'il
ait été ignoré des chroniqueurs, alors qu'il a circulé de
façon souterraine et inconnue dans la masse servile. Qui
l'a fait connaître ? Qui l'a transmis ? A travers quelle
cérémonie ? Enfin, comment s'est imposé un toponyme
d'origine indienne, plutôt qu'africaine, comme identité du
nouvel Etat, dont la composante principale, issue de
l'esclavage, n'avait jamais oubliée l'Afrique originelle ?
Je suis conscient qu'il y a encore des questions,
dont il serait intéressant d'avoir les réponses. J'espère
avoir répondu en partie à l'attente de Jacques de Cauna,
en contribuant à "l'idéal majeur de la Fraternité
Universelle" auquel j'adhère, mais qui est bien malmené en
ce moment.
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Révision 20/01/2005