G.H.C. Bulletin 90 : Février 1997 Page 1869
Loÿs L'HERMINIER, diplomate fantasque
Willy Alante Lima
Méfions-nous des mémorialistes, ils ont souvent peu
de mémoire et nous font également perdre la nôtre...
Voici un homme, Loÿs L'HERMINIER, connu seulement
pour ses bons mots, ses bonnes fortunes et sa vertu parti-
culière, le farniente, selon Théodore de Banville, Maurice
Dreyfous ou Fernand Maillard. Or, il fut plus laborieux,
semble-t-il, que sa réputation de légèreté ne l'a laissé
croire.
Laissons la parole à l'un de ses proches, puisque
celui-ci fut le "rédacteur principal" du "Portefeuille",
revue diplomatique fondée par lui.
Il s'agit du journaliste Edmond TEXIER qui, dans sa
"Biographie des journalistes" (1), écrit ceci :
"Louis L'HERMINIER, trente-cinq ans, créole. M. Louis
L'HERMINIER, beaucoup moins connu que son homonyme,
l'ancien professeur au Collège de France, passe pour l'un
des causeurs les plus spirituels et les plus amusants de
la presse. Il a d'abord rédigé des journaux en province, à
Aurillac, à Bourges, à Bar-le-Duc et à Arras. Sous le
ministère du 12 mai, il fut chargé d'une mission en
Espagne. S'il faut ajouter foi aux récits des coulisses
diplomatiques, l'histoire de cette mission est tout un
poème. Au lieu de se rendre directement à Madrid, où il
est envoyé, M. L'HERMINIER va droit au camp d'Espartero en
Navarre et y reste six mois, ne songeant pas plus à sa
mission qu'aux neiges d'antan. Enfin, la guerre terminée,
il va à Madrid, et, comme la question pour laquelle il
était parti s'était résolue d'elle-même, il acquit aux
Affaires étrangères la réputation d'un diplomate habile.
Revenu à Paris, il fonda et dirigea en chef le "Porte-
feuille diplomatique" dont nous avons enregistré la fin
tragique" (2).
On cite de M. L'HERMINIER un grand nombre de réparties
heureuses. A l'époque où le cabinet des Tuileries n'était
pas très bien avec le cabinet de Londres, après la
conclusion des mariages espagnols, M. Guizot voulait que
ses amis et les personnes qui l'approchaient s'abstinssent
de paraître dans les salons de l'ambassadeur britannique.
M. L'HERMINIER n'avait tenu aucun compte de la recomman-
dation et était allé danser à l'ambassade ennemie. M.
Guizot lui dit à ce sujet : "Il m'est revenu, monsieur,
que vous aviez été vu chez lord Normandy". "C'est vrai,
monsieur le ministre, répondit M. L'HERMINIER, c'est mon
voyage à Gand". Cette saillie, incompréhensible de nos
jours, a dû faire rire les salons parisiens d'alors. Gand
fut la résidence de Louis XVIII pendant les Cent Jours en
1815 où Guizot alla l'y rejoindre (3).
Ajoutons que cette mission confiée à Loÿs L'HERMINIER
est vraisemblable, car il n'aurait pas été le seul journa-
liste du temps changé en ambassadeur... in partibus, ou en
correspondant extraordinaire, dirions-nous aujourd'hui, si
ce n'est en honorable correspondant...
Voici une correspondance : Paris le 22 octobre 1833.
Ministre de l'Intérieur au Duc de Broglie, Pair de France
et Ministre des Affaires étrangères
"Propriétaire du Constitutionnel envoyé en Espagne,
Monsieur de SAINT-HILAIRE, homme instruit et d'un carac-
tère sage et modéré, afin de recevoir de lui des rensei-
gnements exacts sur un pays qui paraît devoir être le
théâtre d'événements importants" (4).
L'on sait davantage sa place parmi les lettrés de son
temps que le rôle d'ambassadeur qu'il a pu jouer en
Espagne. Alexandre PRIVAT d'ANGLEMONT l'évoque. A propos
des membres du "Cénacle de la Childebert", il décrit :
"Certains" poussaient l'amour du Moyen-Age si loin qu'ils
torturaient leur nom de famille, Jean devenant "Jehan",
les Louis, "Loys". (Voilà une clé sur la transformation du
prénom !). Plus tard, évoquant le Parisien de Paris,
PRIVAT dit de celui-ci qu'il a "entendu le dernier mot de
M. L'HERMINIER".
Nous trouvons trace également de Loÿs L'HERMINIER
dans une correspondance d'Alfred de MUSSET, dont il était
l'ami, à Alfred TATTET qui venait de perdre sa grand-mère.
"Si vous venez à Paris, je vous verrai. LERMINIER (sic !),
avec qui je devais faire la route dimanche, me charge de
vous dire qu'il est sincèrement sensible à vos chagrins
(5)".
Charles MONSELET évoquait PRIVAT, client de Madame
PIERRE, concierge "qui faisait commerce de vin et
d'aliments", "aussi trônait-il dans cette loge, t avait-
il fini par y entraîner quelques écrivains, d'ailleurs
assez faciles à entraîner, comme Émile de LA BÉDOLLIèRE,
GUICHARDET, LHERMINIER, Fernand DESNOYERS, etc. (6)".
La brève esquisse d'Edmond TEXIER mériterait, en
conséquence, d'être approfondie. En consultant, par
exemple, les archives du Quai d'Orsay, la presse des
villes énumérées par le biographe, ainsi que les "Papiers
Guizot" aux Archives Nationales.
Des lecteurs espagnols ou de langue espagnole pour-
raient également déchiffrer celles de la correspondance
diplomatique espagnole. Ainsi parviendrait-on peut-être à
dresser un portrait à peu près complet de cet homme appa-
remment insaisissable qu'est Loÿs L'HERMINIER.
(1) Louis L'HERMINIER, p. 224.
(2) cf. GHC no. 83, juin 1996.
(3) "Guizot, voyant l'orage
Faire un grand ouragan,
Dit : J'crois qu'il serait sage
D'faire un p'tit tour à Gand
Larifla, fla, fla, etc."
In : "Les mémoires du bal Mabille", Emile Blondet, 1864,
Paris, page 121.
(4) Bulletin & Renseignements divers, fol. 57, Archives du
Quai d'Orsay : Espagne, janvier 1833/janvier 1834.
(5) MUSSET, Alfred de. Correspondance, 1/1826-1839, p.
278. Marie Cordro'h, Roger Pierrut, Loïc Chotard.
(6) La Lorgnette littéraire, Ch. Monselet, 1859.
COOPÉRATION
de Jacques de Cauna : POLONY, médecin à St-Domingue (notes
de lecture de Pierre Baudrier pp. 1010, 1634, 1667)
Jean Louis POLONY, 26 ans, médecin de M. le chevalier
prince de ROHAN, gouverneur de St-Domingue, venant de
Misson en Chalosse, s'embarque le 28 10 1766 sur le séneau
"La Société" pour le Cap-Français (voir J. de Cauna "La
présence gasconne à St-Domingue", Revue de Borda n° 406,
2e trimestre 1987, p. 184).
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Révision 20/01/2005