G.H.C. Bulletin 89 : Janvier 1997 Page 1847
Le Père LABAT soulève des vagues
Nous voulons en faire voir l'inanité.
I. De l'affirmation de notre trisaïeul
A cette question qui nous est souvent pos e à nous-
mêmes, "Descendez-vous de TANNEGUY du CHASTEL ?", notre
trisaïeul répondait comme nous répondons, c'est-à-dire
affirmativement. Car sa généalogie, extraite des archives
de Bretagne, établit qu'il descend de TANNEGUY du CHASTEL.
Mais il est trois TANNEGUY illustres dans l'histoire de
France ou de Bretagne. Deux d'entre eux sont pour notre
trisaïeul ligne collatérale et s'inscrivent aux dates
suivantes : 1419 et 1465. L'autre, qui vivait en 1541, lui
est ligne directe et aïeul au 12ème degré. Ce premier
TANNEGUY commandait les troupes de Jean de MONTFORT contre
Charles de BLOIS en 1541, au combat de la Roche-Derrien.
On nous accordera que notre trisaïeul n'a pas pu dire
la phrase que lui attribue le P.Labat : "Ce fameux
TANNEGUY du CHASTEL qui tua un peu traîtreusement le duc
de BOURGOGNE sur le pont de Montereau". Ce n'est pas ainsi
qu'on parle de sa famille, surtout quand on veut se
glorifier de cette famille. Il n'y a donc là qu'une
addition du P. Labat due à se bienveillance pour notre
trisaïeul. Celui-ci parlait du premier TANNEGUY qui
commandait les troupes de Jean de MONTFORT contre Charles
de BLOIS, en 1541, au combat de la Roche-Derrien, et qui
écrivit à Philippe de VALOIS la lettre suivante, "aussi
adroite que courageuse", dit Pitre-Chevalier :
"Qu'il n'avait jamais eu dessein de porter les armes
contre Sa Majesté ; qu'il s'était seulement mis en défense
contre Charles de BLOIS, qui voulait sa ruine parce qu'il
soutenait le parti de son Seigneur lige et issu du vrai
sang de Bretagne et qu'il continuerait de se défendre, si
Sa Majesté ne lui ordonnait le contraire, la suppliant de
lui accorder l'honneur de sa protection".
Il plut au Père Labat de comprendre qu'il parlait du
second qui vivait au siècle suivant.
II. De l'assertion du Père Labat
Il est bien vrai que le second TANNEGUY du CHASTEL ne
s'est jamais marié : tous les généalogistes sont d'accord
sur ce point. Mais est-il aussi vrai que tous les
historiens et généalogistes "assurent que ce TANNEGUY
n'avait que deux frères, tous deux dans l'ordre
épiscopal ?". Le père Labat aurait été réduit à de grandes
extrémités si on l'avait poussé sur ce point.
Tous les historiens et tous les généalogistes (sauf
Moreri et ses copistes) connaissent ces deux neveux de
TANNEGUY - Guillaume et Tanneguy - dont l'un mérita d'être
enterré à Saint-Denys avec les Rois, et dont l'autre,
après avoir fait faire, à ses frais, les funérailles de
Charles VII, mourut devant Bouchain, en couvrant le roi
Louis XI de son corps, et en recevant le coup qui lui
était destiné.
Les généalogistes ne disent pas deux frères, mais
trois, savoir : Guillaume, Ollivier et Hervé. Aucun des
trois ne fut évêque.
L'aîné, Guillaume, chambellan du roi Charles VI et du
duc d'Orléans, fut tué au siège de Jersey, après avoir
gagné un combat naval contre les Anglais en 1403.
L'histoire de Bretagne raconte que c'est par sa valeur que
l'honneur français triompha au combat des Sept, en 1402.
Le second, baron Ollivier, présenta comme chevalier
Banneret, la noblesse du Bas-Léon, à la grande montre de
1415. C'est lui qui continue la descendance et qui fut
père de François, baron du CHASTEL (de qui nous
descendons), de Guillaume, enterré à Saint-Denys, de Jean,
évêque de Carcassonne, et de Tanneguy, tué au siège de
Bouchain.
III. De l'assassinat du pont de Montereau
Il est plus que probable que ce n'est point TANNEGUY
qui a frappé le duc de BOURGOGNE au pont de Montereau. Les
historiens sérieux et impartiaux ont toujours hésité à se
prononcer sur ce fait. Il nia, toute sa vie, sa partici-
pation à ce meurtre. Si les Bourguignons ne cessèrent
jamais de le lui reprocher, n'est-ce point qu'ils
voulaient jeter de l'odieux sur un homme qui avait
empêché, en sauvant le dauphin Charles à la Bastille, que
le duc de Bourgogne ne devînt roi de France ?
Pour nous, en n'écoutant que le simple bon sens, il
nous répugne d'admettre que TANNEGUY du CHASTEL, le grand
prévôt de Paris, ait pu commettre un acte aussi odieux,
aussi absurde !
L'homme qui, en sauvant le dauphin, avait sauvé la
monarchie française !
L'homme qui, de concert avec l'argentier Jacques
Coeur, était parvenu à éteindre le schisme d'Occident en
obtenant la démission de l'anti-pape Félix, et qui sut
rendre ainsi à l'Église sa force avec son unité !
L'homme qui venait de s'entendre dire par Jean-Sans-Peur :
"Voici en qui je me fie !".
L'homme qui, plus tard, s'éloigna volontairement de
la Cour, afin que les Bourguignons n'eussent pas même un
prétexte pour refuser à Charles VII leur soumission !
"Ils ne cesseront jamais de m'accuser, dit-il au roi".
Comment admettre que cet homme, reconnu si magnanime,
ait pu s'abaisser à un tel crime ? Comment admettre que
cet homme, vanté comme grand politique, ait pu commettre
un telle faute ?
Toutefois la plupart des historiens, se copiant les
uns les autres, continueront à reproduire sans cesse,
comme un fait certain, cette accusation si contestable...
Nous terminerons là cette réfutation.
Il ne suffit donc pas d'être un habile écrivain, un
observateur profond, ni même (ce qu'était le Père Labat)
un génie, en quelque sorte, encyclopédique. Doué de
qualités éminentes, le Père Labat eût pu se faire un nom
universellement estimé. En est-il ainsi ?
En 1708, le ministre écrivait au Gouverneur général
de MACHAULT :
"Le Père Labat a eu l'ordre de ne pas retourner à la
Martinique; ainsi, il y a lieu d'espérer que n'y ayant que
des religieux d'édification dans les missions, le service
divin sera rempli ainsi qu'il doit l'être et que le Roi le
désire... Le Père Labat ne retournera plus dans les
colonies, quelques instances qu'il fasse pour en obtenir
la permission". Marquis G. TANNEGUY du CHASTEL; Comte
TANNEGUY du CHASTEL.
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Révision 20/01/2004