G.H.C. Bulletin 87 : Novembre 1996 Page 1772
Jean-Baptiste Louis THIRUS de PAUTRIZEL (1754-1836)
Rodolphe Marie Émile Enoff
Le Conventionnel PAUTRIZEL avait un titre de noblesse.
En effet, son père était Jean Baptiste Gabriel THIRUS de
PAUTRIZEL, chevalier. Notre député est né le 25 août 1754
à la Couarde-sur-Mer, commune de l'île de Ré (Charente-
Maritime). Sa mère, Magdeleine Angélique THILORIER, était
de cette île (son père était né à Trois-Rivières en Guade-
loupe).
Comme beaucoup de jeunes proches de la noblesse à
cette époque-là, il apprit très tôt le métier des armes.
Aussi s'engagea-t-il comme volontaire au régiment de
Vexin. En tant que militaire, il occupa différents
grades : sous-lieutenant dans la milice en Guadeloupe,
lieutenant d'artillerie, brigadier des mousquetaires. Il
se fit réformer en 1785. Au début de 1793, il se rendit en
France pour des raisons de santé et revint en Guadeloupe à
la fin de son traitement.
Cet enfant de la Charente était propriétaire à Trois-
Rivières et maire de la commune de Basse-Terre (maire
nommé par le gouverneur de l'époque). Il était pro-
républicain. Le gouverneur d'ARROT assurant l'intérim
après le décès du baron de CLUGNY, provoqua sa candidature
pour s'en débarrasser. Il devint ainsi représentant de la
Guadeloupe à la Convention. Notre ancien milicien fut élu
et arriva tardivement à l'Assemblée, le 9 fructidor An II
(26 août 1794). En raison de ce retard, il ne prit pas
part au vote du 16 pluviôse An II (4 février 1794), vote
important puisqu'il s'agit de la première abolition de
l'esclavage aux Antilles françaises.
La première intervention de notre jeune député fut de
demander la libération du capitaine LACROSSE (1). Ce mili-
taire de la marine avait été chargé par la Convention
d'une mission : promouvoir la République en Guadeloupe et
aux Antilles françaises. Notre missionnaire, lors de son
retour à Brest, fut mis en prison, victime de la loi des
suspects votée pendant son absence.
Au cours du séjour de LACROSSE en Guadeloupe, PAUTRIZEL
avait certainement pris contact avec ce messager de la
République. Son intervention est sans fard : "La justice
de la Convention ne doit pas se borner à KELLERMAN et à
MIRANDA. Je réclame aussi pour le capitaine LACROSSE qui a
toujours bien fait son devoir et fut une des victimes de
Robespierre. Je demande que le Comité de Salut public vous
fasse un rapport sur la destitution arbitraire qu'il a
éprouvée". Cette défense se déroulait à la séance du 26
nivôse An III (15 janvier 1795, cf. Le Moniteur, t. XXIII,
p. 221. Arch. de l'Assemblée Nationale).
Le 16 pluviôse An III (4 février 1795) le débat
s'instaure autour des colonies. THIRUS PAUTRIZEL prend
part à la discussion : il s'oppose à ce que des repré-
sentants du peuple se rendent aux colonies. Il développe
ses arguments : "Cependant, on propose d'envoyer des
représentants du peuple dans ces malheureuses contrées;
trouvera-t-on dans la représentation nationale actuelle
des délégués qui connaissent les replis tortueux de la
tyrannie et l'égoïsme dans nos colonies ? Enverra-t-on des
( ... ) Mais non ! Laissons plutôt les colonies entre les
mains de ceux qui en font actuellement la conquête".
"Si l'on ôte de la Convention nationale la plupart de ses
hommes de talent, si on les écarte tous du laboratoire
essentiel, si les représentants du peuple occupent toutes
les agences, sont chargés de toutes les missions, remplis-
sent toutes les ambassades, qui veillera au dedans à la
confection des lois ? Pour sauver les colonies, on expo-
sera la mère-patrie".
"La République périra ou se dénaturera, car les Assemblées
primaires seront agitées à chaque rénovation de législa-
ture par les intrigants et les ambitieux de toute espèce
qui considéreront l'Assemblée comme le marche-pied de la
puissance et des richesses".
"J'invoque la question sur tout ce qui a été proposé."
"Je demande le renvoi au Comité de Salut public de toutes
les mesures à prendre dans ce moment pour les colonies."
(p. 389 des Débats du 16 pluviôse An III).
PAUTRIZEL est toujours rempli d'idées. Le 2 floréal
An III (30 avril 1795), il demande la création d'un
Conseil exécutif provisoire; il fait part de ses projets :
1 Il y aura un Conseil exécutif provisoire composé de 24
membres;
2 La députation de chaque département proposera un sujet
hors du sein de la Convention nationale;
3 La liste des sujets sera imprimée;
4 Huit jours après la distribution de la liste, la Conven-
tion nommera à l'appel nominal;
5 Le Conseil ainsi formé, chaque section du Conseil
nommera ses agents et en sera personnellement responsable;
6 Les Commissions seront réduites à six;
7 Les adjoints aux Commissions seront supprimés.
Ces propositions sont renvoyées en commission (p. 356
des Débats, t. XXIV, Archives de l'Assemblée Nationale).
Il est important de rappeler que le représentant
PAUTRIZEL arrive après l'exécution de Robespierre, qui
s'est déroulée le 10 thermidor An II. Nous constatons que
cette phase de la Convention, la troisième, se cherche un
peu en attendant l'heure du Directoire.
PAUTRIZEl en difficulté.
Il est mis en état d'arrestation. Un événement grave
se produit au sein de l'Assemblée; le député FÉRAUD (2)
est assassiné en pleine séance par des factieux. Ce crime
se déroule dans une agitation générale, le 1er prairial An
III (20 mai 1795.)
Devant cet acte odieux, PAUTRIZEL réagit et demande
l'abolition de la peine de mort. A cette prise de position
vient s'ajouter un autre reproche : le fait qu'il aurait
entretenu une correspondance active avec les insurgés du
faubourg Saint-Antoine. Devant un tel contentieux, la
Convention décrète son arrestation. Le chef d'accusation :
"a eu une attitude séditieuse dans la journée du 1er
prairial An III" (Dictionnaire parlementaire 1789-1889)".
Il demande vainement que son cas soit examiné par le
Comité de législation; ainsi, il reste malgré tout détenu
jusqu'à l'amnistie du 4 brumaire An IV (25 octobre 1795)
(3).
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