G.H.C. Bulletin 79 : Février 1996 Page 1540
"Château en Espagne" pour la famille CHAUVITEAU ?
40.000 Hectares en FLORIDE
Ce n'est qu'en 1830 qu'elle se décida à envoyer sur
place son fils Ferdinand, alors âgé de 22 ans, qui lui
envoya un rapport détaillé de 12 pages sur le gage donné
par Moses Levy, et que nous possédons intégralement.
Il commence par préciser qu'une partie assez
importante des parcelles servant de gage se trouve dans ce
qu'on appelle " l'Arredondo grant".
Il s'agit là d'une donation ou attribution (d'où le
terme grant) en récompense de services rendus, faite par
le Roi d'Espagne en 1817, peu avant la cession de la
Floride, à Don Fernando de la Mata Arredondo pour un total
de 117.000 hectares.
Cette attribution était soumise à deux conditions:
"former dans les 3 premières années une colonie d'au moins
200 familles espagnoles et, d'autre part, s'assurer
qu'elles (les terres) n'avaient pas été usurpées, c'est à
dire de déterminer si les Indiens qu'on yavait trouvés
étaient les enfants naturels du sol ou des oiseaux de
passage en émigration constante du nord au sud." En effet
le Roi d'Espagne, tuteur naturel des Indiens privés de
droits individuels, interdisait la vente des terres où ils
résidaient à des tiers,.
Le peuplement minimum demandé, surtout depuis qu'il
pouvait s'agir d'Américains à la suite de la cession, ne
posait pas de problèmes.
En raison de l'acquisition peu après de la Floride
par les Etats Unis, c'est à la cour de justice de St
Augustin que revenait le droit et le pouvoir de déterminer
la valeur réelle de ce "grant".
Contrairement à ce que pensait Ferdinand qui croyait
en 1830 que la cause serait vite soldée, ce n'est que le
11 août 1849, après de nombreuses enquêtes, en particulier
sur les droits des Indiens, que la cause fut soldée par un
jugement en appel rendu par le " Circuit Court for the
Eastern Circuit of Florida ", reconnaissant à Moses Levy,
la propriété de 49.691 acres, répartis en 84 parcelles,
sur ce grant, pour 17.145 $ !
Dans son étude, Ferdinand reconnaissait l'intérêt de
la Floride, à la fois pour son climat et pour la qualité
de son sol.
Il ramena en particulier une étude faite en novembre
1829 sur la Floride par Andrew Anderson, prémonitoire du
succès ultérieur de Miami, qui dit: "il est de loin préfé-
rable pour l'invalide de se fier aux vertus guérissantes
de ce climat", qu'il compare avantageusement à l'Italie et
au Sud de la France.
Par ailleurs, il ramenait une étude concernant une
sucrerie qui, pour une dépense initiale de 36.000 $
(comprenant 50 nègres), rapporterait par an 12.800 $ à son
propriétaire. Cependant, il concluait sagement qu'il
valait mieux ne pas engager d'autres capitaux que ceux
engagés initialement, tout en pensant que Mr Levy restait
digne de la plus grande confiance et estime.
A partir de là, l'affaire, confiée à Mrs Russel, de
New York, traîna. Les intérêts se cumulèrent avec la dette
initiale.
La correspondance continuant avec Mr Levy, nous
apprenons qu'il fit un versement de 8200 Frs en 1836, mais
qu'à cette époque son habitation fut saccagée par les
Indiens. En 1839, Madame Chauviteau écrivait gentiment à
M. Lévy, se plaignant de n'avoir plus de nouvelles depuis
deux ans, et disant que, venant de marier une de ses
filles, Micaella, au "Fiscal de la Martinique", Arsène
Nogues, elle aurait bien besoin de son argent. En 1844,
elle réfrénait l'ardeur de son fondé de pouvoir, Mr
Russel, vis à vis de Mr Lévy, ne voulant pas être respon-
sable de sa ruine. En 1850, elle apprend avec plaisir de
M. Lévy qu'il a vendu une partie de ses terres, mais est
surprise d'apprendre qu'il a utilisé cet argent pour en
racheter d'autres.
La dernière lettre envoyée à M. Lévy par Madame
Chauviteau, toujours pleine d'optimisme, est d'avril 1851
et annonce une bonne nouvelle. Le prix de l'acre attein-
drait maintenant 10 $. L'hypothèque fut à nouveau
confirmée en Juillet 1852.
M. Lévy est décédé en 1854. Nous ne saurons jamais
s'il a remboursé sa dette.
Il faut noter que sur l'emplacement des terrains en
question, il a été construit depuis tout ou partie d'une
ville, Gainesville, comptant 80.000 habitants, une univer-
sité, un hôpital, etc.
Mais il ne faut pas rêver. Même si nous pouvions
démontrer que la somme ne fut jamais remboursée, et que
l'hypothèque reste toujours valable, il faudrait aux 1.000
descendants actuels de Mme Chauviteau, beaucoup de courage
pour affronter les tribunaux américains, et s'attendre à
ce que , même en cas de succès, les frais du procès
entament sérieusement le gâteau à se partager.
NDLR Grâce au "réseau" de GHC peut-être serez-vous nommé
docteur Honoris Causa de l'Université de Floride à
Gainesville. En effet Augusta Elmwood a signalé notre
existence à David Geggus, professeur à l'Université de
Gainesville. J'ai pu prendre contact avec lui grâce à
Internet et il est maintenant membre de notre association.
Il doit venir en France cette année pour un colloque
à Poitiers... Si l'héritage se précise n'oubliez pas que
GHC accepte des dons !
COMPTE RENDU DE LECTURE
(signalé et communiqué par Raymond Bruneau-Latouche)
Le libertinage au XVIIe siècle (XV)
Pierre-Corneille BLESSEBOIS, normand (1646?-1700?)
Frédéric Lachèvre
Notices biographique et bibliographique, suivies
d'un inédit : Les Aventures du parc d'Alençon, 1668
Slatkine Reprints, Genève, 1968
138 pages, index
Pour qui s'intéresse au "poète galérien" auteur du
premier roman antillais (guadeloupéen) : "Le zombi du
Grand Pérou ou la comtesse de Cocagne" (1697), voici
l'étude qui fait le point sur Blessebois, sa famille, son
oeuvre, les raisons qui ont motivé son envoi en Guadeloupe
parmi les treize forçats de 1686. Il fut alors "acheté"
par Marguerite LAGARRIGUE, établie à Capesterre, veuve de
Jean DUPONT et mère d'une dizaine d'enfants, dont Charles,
amant de Félicité de LESPINAY, toutes personnes qui
apparaissent dans le roman et dont la "clé" est donnée,
d'après L. Loviot.
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Révision 28/12/2004