G.H.C. Bulletin 78 : Janvier 1996 Page 1519
Au fil de quelques actes d'état civil de la famille POULLET en Martinique
POULLET BELLECOUR, parrain et oncle maternel de l'enfant,
qui a fait la déclaration.
On retrouve un Jean Charles POULLET BELLECOUR signa-
taire, comme témoin, de l'acte de naissance de mon grand-
père, Félix Charles Joseph POULLET, le 7 septembre 1882, à
Fort-de-France. C'est un cousin de l'enfant, il est âgé de
trente-huit ans, typographe, domicilié à Fort-de-France.
Enfin, en 1907, mon arrière-grand-père, Louis Joseph Léon
POULLET, est domicilié à Cayenne avec son épouse, née
Marguerite CAPA. Il était agent de la Compagnie générale
transatlantique. C'est ainsi que mon oncle, Charles Joseph
Roger POULLET naîtra dans cette ville, bien loin de Fort-
de-France où sont nés mon oncle Léon Ajax Félix POULLET,
le 4 juillet 1908, ainsi que mon père, Edouard Joseph Léon
POULLET, le 23 septembre 1909.
Ainsi donc, la dernière branche mâle de la famille
POULLET s'est éteinte récemment, mais on peut s'étonner
qu'elle ait traversé les siècle , malgré une invraisem-
blable collection de mariages consanguins, comme si mes
aïeux n'avaient pas tenté de voir plus loin que le bout du
nez de leurs cousines quand ils cherchaient une épouse.
On constate le même conformisme dans le choix des
prénoms : les "Michel" partant grands favoris, suivis par
les "Charles", quelques "Louis" et des "Joseph", accom-
pagnés de deux ou trois "Édouard". Il y a même une
exception pour faire la règle avec un "Oniglair" bien
curieux. En généalogie, on voudrait tant pouvoir expliquer
l'insolite ou le justifier, tandis que la réalité se joue
de nous comme une danseuse japonaise derrière ses
éventails. Parmi les prénoms de mes ancêtres, j'ai éga-
lement retrouvé un "Obson", prénom anglais désuet du
XIXème siècle, mais qui ne suffit pas à accréditer l'hypo-
thèse de nos origines anglaises.
L'orthographe du patronyme POULET s'écrit avec un
seul "L". Ce n'est qu'au début du XVIIIème siècle que ce
"poulet monoplan" se voit transformé en "biplan à deux L"
pour lui redonner du souffle peut-être et lui permettre
d'arriver à expiration en cette fin de siècle comme le
pigeon du Fort-de-Veau pendant la guerre de 14-18. Dans le
"Grand Armorial de France", le nom s'écrit avec deux "L".
Toujours ces agaçantes taquineries de coïncidences qui
aiguillonnent la curiosité sans rien prouver... Pendant
quatre siècles, il n'y eut aucune tentative d'adjonction
de particule plus ou moins fantaisiste (j'en sais gré à
mes ancêtres !). POULET nous fûmes et POULLET nous sommes.
Il y eut juste un flirt sans lendemain avec le "de Jorna"
de ma bisaïeule Charlotte Rose Henriette...
Quelle est donc la nature de ce goût que nous avons
tous pour les jolis noms ou les alliances flatteuses ? Il
faut faire preuve d'une certaine indulgence à l'égard de
ce petit travers (à condition qu'il demeure à l'état de
péché mignon et non mortellement ennuyeux, comme chez
certains...). S'il est des histoires-à-faire-pleurer-
Margot, dit-on, il en est d'autres à la faire sourire, et
qu'importe que ce soit de vanité généalogique !
C'est à un autre niveau de conscience que la généalogie
nous interpelle pour devenir une discipline intellectuelle
enrichissante : découvrir dans son ascendance la mort d'un
soldat en 1914, c'est savoir que l'on ne regardera plus
jamais cette guerre atroce, comme les autres, de la même
façon. Celle-ci cesse alors d'être un objet de connais-
sance pour se parer des voiles noirs de la tragédie
familiale. Il en est de même du problème du travail des
enfants en usine au XIXème siècle, que je découvre dans
mon ascendance maternelle et, bien sûr, du servage.
M. André Barthélémi imagine la stupéfaction de Sir
Amice POULET découvrant qu'il avait peut-être une descen-
dance servile (dans son article, déjà cité). Peu de voix
s'élèveront contre ce concept barbare des sociétés chris-
tianisées. Au XVIème siècle, Montaigne lui-même, notre
grand moraliste, ne défend que les Indiens d'Amérique dans
son essai "Les Cannibales", car l'esclavage n'était pas
encore très répandu. "Nul homme ne peut sauter par dessus
son temps", nous dit Hegel, avec raison, et Sir Amice
n'était certes pas homme à sauter à cloche-pied par dessus
celui-ci, puisqu'il était, semble-t-il, le conformisme
même.
Pour moi qui suis une femme de mon temps, n'ayant nul
besoin de me livrer à de périlleux exercices d'acrobatie
intellectuelle pour concevoir la morale, je prie M.
Barthélémi de bien vouloir me croire si je lui dis que
l'apport de sang neuf de jolies Clémentine, Louise, et
autres Catherine assurera heureusement la descendance des
POULET. C'est un fin concentré de démocratie, porteur de
vie et non de mort.
EN FEUILLETANT BULLETINS ET REVUES
Revue française d'Histoire d'Outre-Mer
9 rue Robert de Flers 75015 Paris
(numéros anciens, diffusés par L'Harmattan,
5-7 rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris)
n° 278, 1er trimestre 1988 (90F) :
- Anne Pérotin-Dumon Commerce et travail dans les villes
coloniales des Lumières : Basse-Terre et Pointe-à-Pitre,
Guadeloupe.
n° 282-283, 1er et 2ème trimestres 1989 (170F) : La révo-
lution française et les colonies (sous la direction de
Jean Tarrade), en particulier :
- Jean Tarrade Les colonies et les principes de 1789 :
Assemblées révolutionnaires face au problème de l'escla-
vage.
- Léo Elisabeth Gens de couleur et révolution dans les
îles du Vent (1789-janvier 1793).
- H.J.K. Jenkins Controversial legislation at Guadeloupe
regarding trade and piracy, 1797.
- David Geggus The French and Haitian Revolutions, and
resistance to slavery in the Americas : an overview.
- Anne Pérotin-Dumon Révolutionnaires français et roya-
listes espagnols dans les Antilles.
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Révision 28/12/2004