G.H.C. Bulletin 75 : Octobre 1995 Page 1439
Le naturaliste LHERMINIER
Bernadette et Philippe Rossignol
Une question a été posée par un membre du SIG (95-73)
sur "un naturaliste français qui se trouvait aux USA entre
1800 et 1814 (qui était) peut-être LHERMINIER". Nous (le
Président) y avions répondu en NDLR, un peu trop rapi-
dement, qu'il nous semblait difficile que Félix Louis
LHERMINIER soit allé aux USA pendant cette période. Nous
(la Secrétaire) allons indiquer ici ce que nous savons du
premier LHERMINIER de Guadeloupe et de ses enfants, ce qui
permettra de nuancer la réponse.
Félix Louis LHERMINIER, "pharmacien chimiste et
naturaliste du roi" est né à Paris 1er, fils de Jean
François et Geneviève BOQUET et arriva en Guadeloupe comme
jeune pharmacien en 1798. Son acte de mariage à Basse-
Terre, le 1er pluviôse IX (21 1 1801) le dit seulement
"majeur" mais son dossier de franc-maçon (1) donne la
date exacte de naissance : 18 mai 1779. Il avait donc 21
ans 7 mois à son mariage avec une jeune fille de vieille
famille créole (par sa mère) de Saint-François Basse-
Terre, Sophie Elisabeth Bénédictine COUPRIE de LEYRAU,
mineure et orpheline de père, fille de Louis, pharmacien
et chirurgien à Basse-Terre et de Marie Thérèse PIERRET sa
veuve, remariée avec Joseph François BAZIN, docteur en
médecine.
Le couple eut au moins dix enfants, entre 1802 et 1815,
tous, ou presque, déclarés à Basse-Terre. Félix Louis y
était un notable, membre de la Loge St-Jean d'Ecosse de
1805 à 1811.
L'historien Lacour (2) le cite comme membre d'une
commission de santé en 1801 et indique "qu'au mois d'août
1808 M. L'HERMINIER, chimiste distingué, père de notre
modeste et savant médecin, a été asphixié et aurait perdu
la vie sans de prompts secours", dans la caverne de la
Souffrière que PEYSSONNEL avait visité le premier au
siècle précédent.
Le 14 juillet 1804, il conduisit l'orchestre qui, à
Basse-Terre, chanta différents motets en l'honneur de la
proclamation de Napoléon empereur. Et, en juin 1815, lors
du "Te Deum chanté en réjouissance de la restauration du
gouvernement impérial", L'HERMINIER avait ménagé une
surprise : au milieu de la cérémonie, le tambour retentit
et le plus grand grenadier de la garde nationale entra,
portant le portrait de l'Empereur surmonté d'un oiseau de
proie empaillé censé représenter un aigle ! Après le Te
Deum, le portrait fut promené dans les rues de Basse-Terre
et, devant la batterie impériale, "M. L'HERMINIER chanta
la Marseillaise dont le refrain fut hurlé par la foule. Au
couplet qui débute Liberté, liberté chérie, il commanda
qu'on se mit à genoux. Erreur et inconséquence : supposer
que dans le moment le pavillon tricolore était le symbole
de la liberté et exalter ce sentiment dans un pays à
esclaves !" (2)
En ce qui concerne son oeuvre de naturaliste (bota-
nique, minéralogie, zoologie) "à travers toute la Caraïbe,
depuis Antigua jusqu'à Tobago" et Cayenne, voir la notice
que lui consacre Guy Stéhlé dans le Dictionnaire enyclo-
pédique Désormeaux, après celle de son fils Ferdinand,
médecin et botaniste encore plus connu que son père.
Il dut rentrer à Paris pour défendre ses droits,
ayant été ruiné par l'occupation anglaise, son exil à
Saint-Barthélemy à cette époque, etc. et il y mourut le 25
octobre 1833. Sa veuve lui survécut près de 20 ans et
décéda à Pointe-à-Pitre, le 12 juin 1852, âgée de 70 ans,
chez son fils Déodat, pharmacien.
Parmi ses dix enfants, dont quatre moururent pendant
l'enfance, l'aîné, Ferdinand Joseph, fut médecin, deux
fils pharmaciens, comme leur père, un autre négociant puis
habitant, le dernier, "homme de lettres" à Paris et la
seule fille resta célibataire. A la génération suivante
(que nous ne présenterons pas car il nous manque beaucoup
de renseignements), il y eut encore au moins un docteur en
médecine, Alfred LHERMINIER, fils de Ferdinand Joseph,
établi rue d'Arbaud à Pointe-à-Pitre. Alfred est le grand-
père du capitaine de vaisseau Jean LHERMINIER qui,
commandant du sous-marin "Le Casabianca" réussit à quitter
Toulon occupé par les Allemands, au cours de la Seconde
guerre mondiale.
En ce qui concerne les "absences" de Guadeloupe,
outre ses voyages de courte durée comme naturaliste, voici
ce que nous pouvons dire :
- du 21 avril au 2 juin 1809 (au moins) "absent de la
colonie", d'après mention à la naissance de son fils Félix
Théodore.
- pendant l'occupation anglaise sous l'Empire, exil à St-
Barthélemy, d'après la notice de Désormeaux. mais s'agit-
il de la première occupation de février 1810 à décembre
1814 ou bien la seconde, d'août 1815 à avril 1816 ? En
tous cas, en juin 1815, il était bien en Guadeloupe (voir
Lacour). C'est plutôt la seconde de ces périodes puisque,
en octobre 1810, juin 1812 et juin 1813, des enfants
naissent au domicile de leurs parents, Grande rue, à
Basse-Terre. C'est donc un court exil.
- En octobre/novembre 1815, au début de la seconde
occupation anglaise et juste avant la naissance de son
dixième et dernier enfant, il partit pour les Etats-Unis.
Aussi, le 2 juin 1818, quand sont déclarées les naissances
de deux garçons, Edouard Louis Félix, né le 16 juin 1812 à
minuit, et Eloye Bénédicte, né le 3 juin 1813 à 4h du
matin, chez leurs parents, Grande rue, paroisse Saint-
François de Basse-Terre, la mère "déclare que son mari est
absent de la colonie depuis environ deux ans et sept mois,
présentement domicilié au continent américain, et devant
aller bientôt le rejoindre, requiert la présente décla-
ration, laquelle a été omise dans son temps, ce que nous
lui avons octroyé en présence de MM François Joseph BAZIN,
beau-père de la déclarante, docteur médecin et proprié-
taire résidant à Basse-Terre, et Edouard PIERRET, oncle
maternel de ladite dame, habitant propriétaire à
Houelmont, quartier de Basse-Terre."
- En décembre 1823, un fils de 13 ans meurt chez son père,
"pharmacien chimiste, naturaliste du roi", rue des Abymes
à Pointe-à-Pitre. Mais nous ne savons pas quand les
parents sont revenus du "continent américain" pour
s'établir, non plus à Basse-Terre mais à Pointe-à-Pitre.
D'après la notice de Désormeaux, c'est dès 1819 quand,
outre le titre de naturaliste du roi, il est nommé
directeur du jardin botanique. Cela fait donc une absence
de trois à quatre ans.
- Mais, en tous cas, "entre 1800 et 1814" (question
posée), il était bien en Guadeloupe : mariage en 1801,
naissances en 1802, 1803 (pas retrouvée), 1805, 1806,
1808, 1809, 1810, 1812, 1813 et 1815 : le Président de GHC
avait raison !
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