G.H.C. Numéro 70 : Avril 1995 Page 1319
Documents sur la famille HUYGHUES
A.N. Colonies E327 - Incarcération de Hubert HUYGHUES
"De par le Roi,
Cher et bien aimé, nous vous mandons et ordonnons de
recevoir en votre maison de Pontorson le nommé Hubert
HUYGHUES de la Martinique. Si n'y faites faute. Car tel
est notre plaisir. Donné à Versailles le 8 8 1777.
Signé Louis et contresigné de SARTINE".
A.N. Colonies E327 - Intervention de FEYDEAU de BROU,
intendant de Caen auprès de Mgr. le Maréchal de CASTRIES,
en faveur de Hubert HUYGHUES.
"Paris,le 8 2 1785
Monseigneur,
J'ai cru devoir prendre des éclaircissements sur les
détenus dans les maisons de force de mon département et
j'ai rendu compte à monsieur le comte de VERGENNES et à
monsieur le baron de BRETEUIL de ce qui concerne ceux dont
les ordres sont émanés de leur département.
Le sieur HUYGHUES habitant de la paroisse du Vauclin
à la Martinique est détenu dans la maison des frères de la
Charité de Pontorson en vertu d'ordres du Roi, dont copie
est ci-jointe en date du 8 8 1777, contresigné de SARTINE.
Étant sur son habitation de sans souci, il fut mandé par
M. d'ARGOUGES, qui lui ordonna de se rendre à la cita-
delle, il passa en France sur le vaisseau du capitaine
MOUCHEL du Hâvre où il débarqua. Il fut conduit dans la
prison de la marine au Hâvre, d'où à Pontorson. Il a cinq
frères et trois soeurs à la Martinique.
Ce particulier s'est très bien comporté pendant tout
le temps de sa détention et il paraîtrait disposé à faire
un bon usage de sa liberté s'il plaisait au Roi de la lui
accorder. Sa pension est payée sur ses revenus par le
sieur CHAUVEL, négociant au Hâvre.
S'il ne s'est pas rendu coupable de délits bien
graves, il me semble qu'il serait assez puni par sept ans
de détention. Vous avez dans vos bureaux, Monseigneur, la
correspondance sur laquelle les ordres du Roi ont été
expédiés. Je vous supplie de vouloir bien vous la faire
représenter, afin de pouvoir statuer en connaissance de
cause sur le sort de ce particulier qui mérite par sa
conduite et par ses bonnes dispositions que l'on
s'intéresse à lui, et qui ne doit pas subir une détention
perpétuelle s'il n'a pas commis de crimes.
Je suis avec un très profond respect, Monseigneur,
votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : FEYDEAU".
A.N. Colonies E226 - Protestation de ses frères contre la
mise en liberté de Hubert HUYGHUES.
"Vauclin, ce 1 7 1785
Messieurs,
Nous avons pris communication de la lettre que le
ministre vous a écrite à l'occasion de la détention de
notre frère Hubert HUYGHUES dans la maison de force à
Pont Orson, il paraît que le Ministre désire d'avoir
l'avis de sa famille et que d'après les informations de
monsieur FEIDEAU de BROU, intendant de Caen, il pense
qu'on peut abréger le terme de sa détention, mais nous ne
pensons pas messieurs qu'on puisse le faire sortir.
Sa famille ne s'est portée à obtenir une lettre de petit
cachet contre lui que pour éviter le déshonneur qu'il lui
aurait occasionné. Vous en jugerez par le procès verbal
qui fut dressé à l'occasion de ses violences et empor-
tements, nous le joignons ici, cette pièce fut envoyée au
ministre en 1777 et donna lieu à la lettre de petit
cachet; il serait bien dangereux pour sa famille s'il
revenait en cette colonie, il se porterait certainement à
de grandes violences vis-à-vis de ses enfants, qui vivent
paisiblement sur une petite habitation, tristes débris de
la fortune considérable de leur mère. Il a six enfants qui
ont la meilleure conduite possible et qui travaillent avec
soins leur habitation; ils ont l'attention d'envoyer tous
les ans à leur père, huit à neuf cents livres, argent de
France, pour sa pension et entretien. Dans les premières
années, il dépensait dix à douze cents livres, mais le peu
de fortune de ses enfants les a forcé à restreindre cette
dépense qui était au-dessus de leurs forces. Il est donc
bien traité à Pont Orson puisque la pension seule coûte
six cents livres argent de France. Peut-il être plus
heureux ici, n'ayant plus du tout de fortune ?
Nous vous prions, messieurs, de vouloir bien faire
passer au ministre le procès-verbal et d'insister auprès
de lui pour qu'il soit toujours détenu à Pont Orson, celà
assurera la tranquillité de sa famille. On pourrait lui
donner un peu plus de liberté dans cette maison et sa
famille va lui procurer quelques secours de plus, afin
qu'il mène une vie plus gracieuse.
Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles
et très obéissants serviteurs.
HUYGHUES frères".
A.N. Colonies E327 - Lettre du Roy au Supérieur des frères
de la Charité à Pontorson, le 3 11 1785
"Cher et bien aimé, je vous fais cette lettre pour vous
dire que mon intention est que vous remettiés en liberté
le dit Hubert HUYGHUES de la Martinique, détenu en votre
maison en vertu de mes ordres du 8 8 1777. La présente
n'étant à autre fin, je prie dieu qu'il vous ait, cher et
bien aimé, en sa sainte garde, écrit à Fontainebleau le 3
11 1785."
A.N. E327 - Remerciements de Hubert HUYGHUES le 27 11 1785
"Monseigneur,
Le père Prieur de cette maison me fit part le 19 du
courant des ordres du Roi donnés à Fontainebleau, le trois
dudit mois, et me rendit sur le champ ma liberté. Comme
vous avez la bonté de me laisser le choix de rester en
France ou de retourner dans mon pays, j'accepte sous vos
bons auspices de demeurer en France et je promets à votre
Grandeur de m'y comporter d'une manière irréprochable et
de ne jamais oublier la grâce signalée qu'elle a bien
voulu solliciter pour moi auprès de sa Majesté. Je vous
prie Monseigneur d'être persuadé que je vous aurai toute
ma vie la reconnaissance la plus marquée, que je ne
cesserai d'adresser à l'être suprême les prières les plus
ardentes pour la conservation des jours précieux de votre
Grandeur, et que je serai toujours avec le plus profond
respect, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et
très respectueux serviteur". H. HUYGHUES.