G.H.C. Numéro 67 : Janvier 1995 Page 1241
Histoire de l'habitation "Guischard" ou "Grand Parc à la Basse Terre de la Guadeloupe
Le nouveau propriétaire, qui possédait deux autres
habitations caféières, laissera la gérance des trois
habitations au Sieur Pierre CHOLET (7).
L'exploitation continua à prendre de l'importance
sans que l'on en connaisse l'ampleur exact, sinon par
l'augmentation du nombre des esclaves, qui seront 165 en
1796, et par l'état de l'habitation en 1806, qui malgré la
stagnation de la période révolutionnaire, était plantée en
cannes sur 83 carrés.
En cette fin de siècle, les propriétaires vont changer
par le décés successifs des précédents acteurs:
- Marguerite MASSIEUX, décède en 1789, âgée d'environ 98
ans; elle laissait quatre héritiers, Pierre Etienne,
Jean Baptiste, Marie Anne épouse de Nicolas CAPBER et
Marguerite DUPUY des ISLETS veuve du Comte de PRAEL-
SURVILLE et qui s'était depuis remariée deux ans plus
tôt avec Marie Alexandre Louis Henry de La HAYE
d'ANGLEMONT.
- Pierre Etienne GUISCHARD de BIENASSIS, décède l'année
suivante, laissant pour héritier sa fille aînée
Elisabeth, célibataire, qui décèdera quatre ans plus
tard, et ses trois petits enfants, Zabeth, 13 ans,
Baptistine, 11 ans et Pierre Jean Baptiste, 9 ans, tous
trois enfants de Pierre Jean Baptiste, décédé en 1780.
- Jean Baptiste GUISCHARD décèdera célibataire en 1792,
laissant ses biens à ses petits neveu et nièces.
- Marie Anne GUISCHARD épouse CAPBER, décèdera en 1794.
- Marguerite DUPUY DES ISLETS épouse d'ANGLEMONT, décèdera
avant 1796 laissant pour héritiers ses neveux GUISCHARD.
Donc, à la veille de la reprise de l'île de la Guade-
loupe par les forces républicaines de Victor Hugues, les
propriétaires de l'habitation sont trois enfants demeurant
au quartier des Vieux Habitants chez leur beau-père,
Pierre Nicolas SAINT PRIX LESUEUR. Marie Anne BILLERY,
mère de nos héritiers, émigra avec son second époux et ses
enfants pour la Martinique. Son second mari et ses frères
avaient pris une part active dans le parti royaliste.
Après la reprise de l'île par les troupes françaises,
l'habitation fut séquestrée, et sa gérance en fut confiée
à Damien GODIN, directeur de l'habitation sucrerie de la
République dite "Guichard" (8). Nous avons vu plus haut,
qu'en 1796, 165 personnes travaillaient pour son exploi-
tation. Ce chiffre semble trop important, il traduit peut-
être les difficultés que rencontraient les autorités pour
faire travailler les nouveaux libres sur leurs anciens
lieux de servitude. Ce chiffre retombera à 115 en 1806.
Lors du rétablissement de l'esclavage, et de la
révolte qui s'en suivit, l'habitation "Guischard" fut le
théatre des opérations dirigées contre DELGRèS qui avait
fait son quartier général sur l'habitation "Danglemont"
anciennement "Surville", notre habitation formant ses
avant-postes (9).
Après l'arrivée de Napoléon au pouvoir, une politique
de retour des émigrés est pratiquée. Notre jeune héritier,
ayant alors 21 ans, prêta serment en août 1802 (10) et put
donc revenir sur son île natale. Sa mère et ses soeurs
revinrent également en 1802, avec leur beau-père. Il se
maria alors, dès le 29 novembre 1802, avec sa cousine
Scholastique CAPBER, fille unique de François Nicolas,
capitaine de milice, et de Marie Adélaïde Joseph DUPUY DES
ISLETS, et petite-fille de Marie Anne GUISCHARD. Elle lui
apporta une dot de 100.000 livres (11).
Il forma avec son beau-père, le 25 avril 1804 (12),
une société englobant l'habitation sucrerie "Guischard",
l'habitation caféière "La Jalousie" appartenant au Sieur
Guischard et l'habitation caféière "Choisy" qui appar-
tenait au Sieur Capber. Cette société sera dissoute deux
ans plus tard, car les deux parties ne s'entendaient pas
(13). Cette dissolution nous permet d'avoir le troisième
état de l'habitation. Il fut dressé le 6 octobre 1806,
soit 4 ans après sa restitution à l'héritier des
Guischard. Sa superficie est de 93 carrés dont 83 sont
plantés en cannes et les 10 restant sont plantés en
caféiers. Il est peu probable que cette extension ait pu
se faire entre la date de la restitution de l'habitation
vers 1803 et 1806, sachant qu'il a fallu remettre l'habi-
tation à neuf. Les terres plantées en cannes devaient
avoisiner les 83 carrés juste avant la révolution. Les
bâtiments sont les mêmes qu'en 1782; par contre, le nombre
d'esclaves a augmenté par rapport à l'état de 1782 à 115.
L'habitation a pris une valeur importante, puisqu'elle est
estimée à 945.000 livres soit le double de l'estimation de
1782.
Pierre Jean Baptiste décèdera en 1815 à l'âge de 34
ans. L'habitation revenait alors pour trois-quarts à sa
soeur Elisabeth, dernière représentante de sa famille,
épouse de Jean François Bernard ITHIER-LAVERGNEAU et pour
un quart à Charles Nicolas SAINT PRIX LESUEUR, son frère
utérin. Le 27 octobre 1817, elle se rendit adjudicatrice
de la totalité de l'habitation (14).
Jean François Bernard ITHIER-LAVERGNEAU décèdera 12
ans plus tard en 1829. L'habitation sera alors de nouveau
dans l'indivision entre sa veuve et ses enfants, qui en
laissèrent la gestion à Jean Baptiste Ernest ITHIER-
LAVERGNEAU. Un acte sous seing privé passé entre lui, sa
mère et ses frères et soeurs, le 22 octobre 1849 (15),
nous apprend qu'il payait un loyer annuel de 9.000 francs.
Ce nouveau contrat était fait pour la durée de 10 ans,
laissant supposer que les copropriétaires étaient
satisfaits de la gestion de l'exploitation depuis 1829.
Mais, les difficultés rencontrées par les habitations
sucrières à l'époque, face à la concurrence du sucre
métropolitain, obligèrent Jean Baptiste Ernest à
s'associer le 30 avril 1855 (16), avec Charles DANDRIEU de
DAUBINE, pour obtenir de nouveaux capitaux. Six mois plus
tôt, Elisabeth dite Zabeth GUISCHARD de BIENASSIS veuve
ITHIER-LAVERGNEAU était décédée sur l'habitation dite
"Grand Val" qui appartenait à sa fille. Le gérant de
l'habitation mourut peu après. Une nouvelle phase de
succession eut lieu, et Numa ITHIER-LAVERGNEAU, l'un des
héritiers, vendit ses droits successifs à Charles DANDRIEU
de DAUBINE qui décéda également peu après (17).