G.H.C. Numéro 64 : Octobre 1994 Page 1176
D'un André à l'autre
Pierre Baudrier
En page 1096 de GHC, René-François-Charles VATAR
vilipendait ANDRÉ, guyanais en 1809 après avoir été membre
du comité révolutionnaire de Rochefort et procureur
impérial. Qui plus est, André aurait été l'acolyte d'un
VIDAL ! Vidal, André, ces informations incomplètes m'ont
incité à rechercher André dans "La Révolution Française à
Rochefort 1789-1799" par Jacques Duguet, Robert Fontaine,
Marie-Pascale Bault, Patrick Prigent, Pierre Bitaubé.
- Poitiers, Projets Editions, 1989.- 175 p.
(Histoire de la Révolution Française dans les villes du
Poitou-Charentes).
Or c'est pour découvrir qu'il se prénommait... Junius,
prénom évidemment contemporain de la Révolution et qui ne
nous apprend donc pas s'il était né Nicolas ou Jean-
Baptiste. Je ne le trouve pas non plus dans le catalogue
de la Bibliothèque Nationale qui vous accueille cependant
par la notice :
André, mulâtre de Cayenne.- (Pétition adressée à la
Convention nationale, le 15 nivôse an II, par André,
mulâtre de Cayenne, pour solliciter la mise en liberté de
ses bienfaiteurs, le citoyen CHAMBLY et la citoyenne
LARIVIERRE.).- (S.l.n.d.) In-8°. Pièce. Ln27. 11485
* * * * *
LIBERTÉ. EGALITÉ.
ANDRÉ, mulâtre, né à Cayenne le 19 août 1784.
A LA CONVENTION NATIONALE.
Citoyens Représentans,
J'étois libre avant le Décret qui abolit l'esclavage.
Ma mère et quatre frères et soeurs, que j'ai à Cayenne,
l'étoient également. Nous jouissions par avance du bonheur
dont, graces à vos bienfaisantes lois, vont jouir les Gens
de couleur.
Si les Noirs vous doivent un juste tribut de recon-
noissance, j'en dois un égal à mes bienfaiteurs. Ils ont
présagés le bien que la Nation Française feroit un jour.
Ils ont fait le bonheur de ma famille; ils m'ont adopté,
prennent soin de mon enfance; et m'élèvent dans les
principes du plus pur républicanisme.
La citoyenne Larivierre étoit habitant de Cayenne, avec
son mari. Devenue veuve, elle est repassée en France, en
1788. Elle avoit dix nègres esclaves auxquels elle a donné
la liberté. Elle m'a emmené avec elle; m'a assuré 400 liv.
de rente, et a fait payer une pension et les frais
d'apprentissage d'un métier à mes frères, jusqu'à ce
qu'ils aient été en état de gagner leur vie. Elle m'a
emmené, sur l'invitation du citoyen Chambly, qui m'élève
sous ses yeux, me prodigue les soins d'un père et auquel
je suis tendrement attaché.
Voilà mon sort, CITOYENS REPRESENTANS; j'étois heureux
jusqu'au jour où mes bienfaiteurs m'ont été enlevés.
Ils sont en ce moment en état d'arrestation, (I) on me dit
que c'est par mesure de sureté générale; et cependant on
m'assure, qu'ils sont connus par les meilleurs citoyens,
pour mener la conduite la plus régulière, et pour de vrais
républicains. On me dit qu'ils sont en état de fournir les
preuves de leur patriotisme. Peuvent-ils être des gens
suspects et pervers, ceux-là qui ne vivent que pour la
liberté et l'égalité ?
Je viens vous demander leur liberté. Le bien que vous
venez de nous faire, ils me l'ont fait d'avance. Je leur
dois la liberté dont je jouis. Le plus sacré de mes
devoirs est de la demander pour eux.
Les larmes aux yeux, je réclame ma mère adoptive. Je
réclame également celui qui me tient lieu de père. Vous ne
pouvez, CITOYENS REPRESENTANS, vous refuser à ma prière.
Faites jouir mes bienfaiteurs du bien que vous avez fait
aux Gens de couleur. Ils en seroient indignes, s'ils ne le
partagoient avec les blancs. Ecoutez ma faible voix.
Rendez-moi ma mère, rendez-moi celui qui me tient lieu de
père. Nous bénirons tous à jamais le jour où nous serons
réunis par vos bienfaits.
ANDRÉ, mulâtre
Rue St. Dominique, n°. 1544,
Section des Invalides
Ce quintidi 25 ventôse,
l'an II de la République
Française une et indivisible
(I) Par ordre de la Section des Invalides, ma bienfaitrice
est chez elle, à la garde d'un Citoyen, et mon père
adoptif à la maison d'arrêt des Carmes, rue de Vaugirard.
* * * * *
Il serait étonnant qu'antérieurement à l'an II,
André, mulâtre de Cayenne, ait bénéficié d'une formation
juridique. Qu'à cela ne tienne, revenons donc à Junius
ANDRÉ qui a présidé le tribunal condamnant à mort le
conventionnel Gustave DECHÉZEAUX. Ainsi la généalogie de
Junius André sera établie par ce biais ou par un autre.
Qui cherche trouve.
Mais qu'y a-t-il par ailleurs dans "La Révolution
Française à Rochefort 1789-1799" ? D'abord prenons provi-
soirement une option sur les prénoms du "SAVIGNY" de la
page 1094 de GHC puisqu'un François-Jean Savigny fit parti
du tribunal criminel, présidé par André, qui condamna
Gustave Dechézeaux le 28 nivôse an II. C'est qu'il faudra
trouver des prénoms, ses véritables prénoms si possible, à
ce Savigny ! Notons encore :
P. 39 : vers 1790, dans l'état-civil de Rochefort "nous
trouvons trace, comme vers 1685, d'esclaves ramenés
d'Afrique et qui sont domestiques; en plus nous
rencontrons une communauté noire ou mulâtre venant des
"Isles", d'abord pendant l'an II, ensuite de l'an VI à
l'an VIII, qui vivra quelques années à Rochefort, plutôt
en vase clos, et dont la présence est liée à des motifs
politiques ou militaires..."
P. 47 : rue Saint-Pierre, on trouve "au 879, LE GARDEUR
de TILLY (qui) emploie trois servantes et un domestique.
Rue des Fonderies : le vicomte de TURPIN au 463, Mme de
MAC NEMARA au 479 et au 480, le comte de TURPIN au 481,
sur le même pied..."