G.H.C. Numéro 64 : Octobre 1994 Page 1168
Les registres de catholicité et d'état civil de Goyave
balisage et parcours guidé
Daniel-Edouard Marie-Sainte
Les lacunes font habituellement partie du paysage de
la recherche historique et généalogique. C'est particuliè-
rement vrai des registres constatant l'état des personnes
de la Goyave d'avant 1838. La longue fréquentation de ces
sources et les études menées depuis plus de dix ans sur la
localité me permettent de proposer ici un balisage qui, je
l'espère, servira à ceux dont les investigations porte-
raient sur ces rives.
"Petite Goyave commence en 1759. Manque 1778, janvier 1782
à juillet 1783, 1792 à 1806, 1818, 1811 à 1827, 1829, 1831
à juin 1835". Indications à la fois utiles et décevantes
pour le chercheur. Plus d'un registre annuel sur deux
ferait-il donc défaut ? Si nombre de pièces sont irrémé-
diablement perdues, on aura tout de même la satisfaction
de savoir qu'une partie de l'état civil de Goyave, avec
les aléas de son histoire, se cache dans les registres de
ses voisines, Petit-Bourg et Capesterre.
La paroisse Sainte-Anne de la Petite Goyave date de 1660-
1670, mais le premier registre conservé "ne remonte que
jusqu'au 11 novembre 1759, les registres antérieurs ayant
été incendiés par les Anglais lors du dernier siège de
cette isle", écrit en 1777 le R.P. SAUVETON.
Ainsi, quand Pierre Quentin ROUSSEAU, l'une des personna-
lités les plus influentes de la localité, habitant
sucrier, major d'infanterie et commandant du quartier,
entreprit en 1784 d'établir sa généalogie pour se faire
rétablir dans l'état de noblesse dont ses ancêtres avaient
joui, il dut faire dresser par un notaire (Me. Boyer,
Pointe-à-Pitre, 8 octobre 1784) un acte de notoriété
attestant, après enquête sur les lieux, que toutes les
archives de la paroisse Sainte-Anne de la Goyave avaient
été incendiées et détruites par les Anglais, lors du siège
que la Guadeloupe essuya au mois de janvier de l'année
1759, et qu'il était impossible de pouvoir retirer des
extraits de baptême, mariage et sépulture dans cette
paroisse, antérieurs à cette époque.
Dans les registres paroissiaux, postérieurs donc à cet
événement, existent des actes particulièrement riches en
enseignements et quelquefois non dénués d'originalité.
Entre 1780 et 1785, quatre curés de la Goyave sont
emportés par la maladie, parfois en pleine force de l'âge,
sans doute minés par les fièvres qui régnaient endémi-
quement dans le quartier, à cause de son exposition aux
effluves malsaines des marécages couvrant le littoral.
"Le 7 mai 1780, a été inhumé au sanctuaire de cette
paroisse, le corps du R.P. Amable Marie Joseph LECONTE,
natif de la paroisse de la ville de Saint-Pol, diocèse de
Boulogne en Picardie, y né et baptisé le 6 novembre 1739,
fils légitime du sieur Pierre Paul LE CONTE et de dame
Marie Catherine SURLEUX, religieux de l'ordre des hermites
(sic) de Saint-Augustin de la province de Saint-Guillaume,
ordonné prêtre par Monseigneur Mauclerc de la Muzanchère,
évêque de Nantes, aux quatre temps des Avents l'an 1763,
missionnaire apostolique, curé de cette paroisse, décédé
hier à dix heures du matin. Il a été inhumé au sanctuaire
du côté de l'évangile".
Son successeur, Jean François SAUVETON, religieux de
l'ordre des Dominicains, meurt au Baillif où, malade, il
s'était retiré depuis le 6 janvier 1782.
De ce fait, la paroisse de la Goyave étant restée sans
curé (comme à plusieurs autres moments de son histoire),
aucun acte ne fut dressé jusqu'au 24 juillet 1783, date à
laquelle le frère QUEMMERAYS, curé de la Capesterre,
accepta de desservir aussi la Goyave où il fut en défini-
tive installé comme titulaire, le 8 août 1784. Cinq mois
s'étaient à peine écoulés que la mort au seuil du presby-
tère une nouvelle fois se présenta.
"Le trois janvier 1785 - écrit le Père Cordier, curé de la
Capesterre, qui avait présidé aux funérailles - le
Révérend Père François Marie QUEMMERAYS, religieux de
l'ordre des frères prêcheurs, curé de cette paroisse,
natif de Dinard en Bretagne, décédé cette nuit, âgé
d'environ 54 ans, a été inhumé dans le sanctuaire de cette
église du côté de l'évangile".
Il est remplacé par Ferdinand BERRYER. Mais ce jeune
prêtre, fauché à son tour, ne verra pas le terme de cette
funeste année 1785 !
"Le 22 septembre 1785, à quatre heures du matin, a décédé
le Révérend Père Ferdinand BERRYER, religieux Cordelier
conventuel de la province de Liège, curé de cette
paroisse, âgé d'environ 35 ans; et son corps a été enterré
le même jour dans le sanctuaire de l'église de cette
paroisse du côté de l'épître par Claude Laittet, religieux
Cordelier conventuel de la paroisse de Franche-Comté, et
de la paroisse de la Baye-Mahaut".
J'ai remarqué, sous la plume de SAUVETON, puis sous celle
de QUEMMERAYS, deux actes sortant tout à fait de l'ordi-
naire. Leur curiosité, et donc l'intérêt qu'ils peuvent
présenter, me portent à vous les livrer. Le premier
surprend par la forme inhabituelle, voire l'irrégularité
de la procédure : un enfant, dont on cache la filiation,
est présenté au curé qui consent, sur la requête d'un
notable du quartier, à le baptiser sous se seuls prénoms.
"Baptême de Charles Nicolas. Ce 28 avril 1781, mission-
naire apostolique de l'ordre des frères prêcheurs et curé
de la paroisse de Sainte-Anne dite la Goyave en l'isle
Guadeloupe. D'après la lettre qui nous a été écrite par
monsieur Joseph Ricord, habitant de cette paroisse dont
suit la teneur mot pour mot (mon Révérend père, on m'a
adressé un enfant pour vous prier de vouloir bien le
baptiser sous le nom de Charles Nicolas, né 15 janvier
1781 : on souhaiterait aussi que les noms du père et de la
mère dudit enfant ne fussent point énoncés dans l'acte de
baptême que vous écrivés (sic) sur vos registres, vous
assurant d'ailleurs, mon Révérend père, que moi, le
parrain, et la marraine soussignés, avons tous trois
connaissance de l'un et de l'autre, que nous déclarerons
l'état dudit enfant en temps (sic) et lieu et devant qui
il appartiendra. J'espère mon Révérend père que vous
voudrés (sic) bien me rendre ce service pour des raisons
de la dernière importance et que vous devés (sic) sans