G.H.C. Numéro 63 : Septembre 1994 Page 1134

Gabriel de CLIEU, le café et le château de Derchigny
Catherine Cotelle et Patrick d'Heudières

     Nous  sommes descendants à la huitième génération  de 
Gabriel  de CLIEU et  nous tentons de faire la  généalogie 
de  ce  gouverneur de Guadeloupe,  connu  pour  avoir,  le 
premier,  introduit  un plan de caféier à  la  Martinique. 
Grâce à Jean-Paul Hervieu nous avons les états de services 
de  notre  ancêtre  et nous voudrions en  savoir  le  plus 
possible sur lui.  Nous ignorons même ses date et lieu  de 
naissance exacts ! Nous souhaitons en effet que le château 
de  Derchigny,  sa résidence lors de ses séjours en France 
(à six kilomètres à l'est de Dieppe), devienne le musée du 
café   accompagné d'un éco-musée sur les  anciens  métiers. 
Depuis plus de vingt ans existent déjà, en bordure du parc 
du château,  les Jardins de Cotelle,  aux plantes rares et 
variées, agréable lieu de visite.

     Nous  serions donc heureux que des lecteurs  puissent 
nous  communiquer  des renseignements supplémentaires  sur 
Gabriel de Clieu et le café :

      M. et Mme F. Cotelle, avenue Gabriel de Clieu
         76370 Derchigny (tel. (16) 35 83 61 38)

                    * * * * *

           Gabriel de CLIEU sieur de DERCHIGNY

     Gabriel-Mathieu de CLIEU naquit à Dieppe en  1687.
Son père,  Mathieu de CLIEU,  écuyer,  sieur de DERCHIGNY, 
possédait  en 1698 cette seigneurie,  acquise du sieur  de 
RASSENT, châtelain d'Archelles. C'est au Havre que Gabriel 
de  CLIEU commença ses études,  conduit et éduqué par  son 
oncle, curé. Il fut ensuite élève de la marine et, à seize 
ans, en 1703, il est garde marine à Rochefort.

Etats de service :
1702, garde marine au Havre
1703, garde marine à Rochefort
1705, enseigne de vaisseau
1713, capitaine à la Martinique
1718, chevalier de Saint-Louis
1725, major à Marie-Galante
1726, lieutenant de roi au Fort Royal
1733, lieutenant de vaisseau
1737, gouverneur de la Guadeloupe (27 6 1737 à 15 8 1752)
1746, capitaine de vaisseau 
1750, commandeur de Saint-Louis
1756, commandant de la Marine au Port Louis; inspecteur 
      des gardes côtes au Havre
1774, Grand croix de l'ordre de Saint-Louis

Comment le caféier est arrivé en Amérique

s d'un voyage en métropole,  le capitaine d'infan- 
terie  et enseigne de vaisseau Gabriel-Mathieu  de  CLIEU, 
officier  à la Martinique,  constata l'engouement pour  le 
café.  L'idée  lui vint qu'on pourrait très bien  l'accli- 
mater  dans  les Antilles.  Il fit d'abord  des  démarches 
auprès de M.  de CHIRAC, médecin de Louis XV et successeur 
de FAGON dans la surintendance du Jardin des Plantes.

     Après  diverses tractations,  il obtient d'Antoine de 
JUSSIEU  deux plants de caféier et s'embarque à  Rochefort 
pour  les Antilles,  le 29 novembre 1720 sur la flûte  "le 
Dromadaire", avec le titre de capitaine de compagnie (A).
     Il avait installé la frêle rubiacée sur le pont, dans 
une  caisse  en  chêne  couverte d'un  châssis  en  verre, 
formant  ainsi  une  serre de manière  qu'elle  reçut  les 
rayons du soleil.  A partir de là allait  commencer,  pour  
CLIEU et sa protégée,  une aventure inouïe.  Il avait juré 
sur son honneur que le caféier arriverait en bon état à sa 
destination  finale  mais une série d'événements  allaient 
troubler ses nobles projets.
     Le premier se présenta sous les traits d'un  individu 
louche et pervers,  marin à bord, qui avait un fort accent 
hollandais. Irascible et méprisant l'officier français, il 
voulait détruire le plan de caféier et CLIEU fut obligé de 
veiller jour et nuit sur son arbuste.
     Il  y eut ensuite l'attaque du bateau par des pirates 
tunisiens.  Heureusement, une galère espagnole passant par 
là chassa les assaillants à coups de canon. 
     Par la suite,  une violente tempête menaça la vie des 
passagers.  Après la pluie,  le beau temps, tellement beau 
que le bateau se trouva immobilisé en mer, sans un souffle 
de vent.  Chaque jour,  la ration d'eau diminuait et CLIEU 
se priva de boire afin de donner le minimum à son plant de 
caféier pour lui éviter de dépérir définitivement.

     Malgré toutes ces péripéties,  le capitaine de  CLIEU 
arriva à destination; laissons-le conter ce qu'il advint :
"Au bout de dix-huit à vingt mois,  j'eus une récolte très 
abondante.  Les  fèves  en furent distribuées aux  maisons 
religieuses  et  à divers habitants qui  connaissaient  le 
prix  de  cette production et pressentaient  combien  elle 
devait les enrichir.  Elle s'étendit de proche en  proche; 
je  continuai  à distribuer les fruits des jeunes  plantes 
qui croissaient à l'ombre du père commun. La Guadeloupe et 
St-Domingue  en  furent  bientôt  elles-mêmes  abondamment 
pourvues (...).  Ce qui fit ses progrès plus rapides à  la 
Martinique,  ce fut la mortalité qui avait frappé tous les 
cacacotiers  sans exception,  désastre que les uns  attri- 
buèrent  à l'éruption du volcan de l'île,  les autres  aux 
pluies  abondantes  et continuelles qui durèrent  plus  de 
deux mois.

     Quoiqu'il  en  soit,  ceux qu'on appelle  les  petits 
habitants,  au  nombre  de cinq ou six  mille,  absolument 
dépourvus  par là d'une denrée  territoriale,  presque  la 
seule  qu'ils  eussent  à  échanger contre  celles  de  la 
France,  ne trouvèrent de ressource que dans la culture du 
café  à laquelle ils se livrèrent exclusivement,  avec  un 
succès  qui passa leurs espérances et qui  répara  bientôt 
leurs  pertes.  L'île  se  trouva couverte  en  trois  ans 
d'autant  de  millions  de caféiers qu'elle  avait  eu  de 
cacaotiers."

     Louis  XV reconnut les mérites du capitaine de  CLIEU 
mais  ce dernier tomba ensuite complètement dans  l'oubli. 
Seuls  un remorqueur et une rue de Dieppe ont  retenu  son 
nom. 






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