G.H.C. Numéro 63 : Septembre 1994 Page 1122

Gaspard BAYON, sénéchal de Guadeloupe
Bernadette et Philippe Rossignol

     Gaspard BAYON naquit à Aix-en-Provence le 6  novembre 
1730   et  fut  baptisé  le  lendemain  en  l'église  Ste-
Madeleine.  Il était fils d'un procureur au siège d'Aix et 
de  demoiselle  Elisabeth de  REDORTIER;  ses  parrain  et 
marraine étaient de sa famille maternelle.
     La  famille BAYON exerçait des charges d'huissier  au 
Parlement  de  Provence au moins depuis  1568,  année   où 
André BAYON fut pourvu de l'office de premier huissier; on 
trouve  ensuite Gilles,  en 1614,  Jean son fils en  1645, 
Etienne en 1686 (1). Gaspard suivit donc la voie familiale 
et  exerça "dans le parquet du parlement de  Provence,  de 
1752 à 1764,  l'office de substitut,  avec tout le zèle et 
la  distinction possible" et,  ajoute le procureur général 
au  parlement en 1781,  "sa retraite a été et  est  encore 
honorée  par  les regrets du Parquet,  du Parlement et  du 
Public." (2)
     En 1766,  nous le retrouvons en Guadeloupe où il a dû 
suivre un parent,  Messire Gaspard de SAVOURNIN d'ANTELUY, 
chevalier seigneur de LACÉPèDE,  procureur du  roi,  natif 
comme  lui d'Aix-en-Provence (mais baptisé à  St-Sauveur), 
fils de Jean-François de SAVOURNIN,  écuyer, conseiller et 
procureur  du roi en la sénéchaussée générale de  Provence 
séante  en la ville d'Aix,  et de dame Françoise Gabrielle 
de BAYON (3).  
  Le sieur MAILLARD,  juge royal et lieutenant général  de 
l'amirauté de Guadeloupe, vient de démissionner à cause de 
son grand âge et de ses infirmités.  D'abord conseiller au 
Châtelet de Paris,  il avait ensuite exercé plus de trente 
ans  des  charges de magistrature en Guadeloupe  "avec  le 
zèle  le plus pur".  Le 7 mars 1766,  NOLIVOS et  MOISSAC, 
gouverneur et intendant de Guadeloupe, appuient la demande 
faite  par MAILLARD du brevet de conseiller  honoraire  au 
conseil  supérieur  avec pension de 3000 livres argent  de 
France.  Ils  proposent pour le remplacer le sieur  BAYON, 
avocat  en  parlement et docteur en droit à  qui  ils  ont 
expédié  une commission provisoire en raison de son  inté- 
grité, son talent et sa conduite. D'ailleurs, en attendant 
l'accord du ministre, BAYON accepte d'exercer gratuitement 
la charge de juge de MAILLARD qui continuera à en recevoir 
les émoluments. 
  Mais  MAILLARD  étant,  en plus de juge,  lieutenant  de 
l'amirauté,  charges  qui n'ont jamais été divisées  "leur 
réunion étant même nécessaire par rapport à l'insuffisance 
des  émoluments  de chaque place  séparée",  les  adminis- 
trateurs demandent aussi à Mgr. l'Amiral de confier  cette 
charge  au  même BAYON,  qui  l'exerce  déjà  gratuitement 
aussi, à leur demande.  
  NOLIVOS et MOISSAC préviennent une éventuelle opposition 
du ministre en ajoutant à leur demande qu'ils savent  bien 
que   le  sieur  BAYON  est  parent  du  sieur  SAVOURNIN, 
procureur  du  roi,  mais que leur parenté  n'est  pas  un 
obstacle  à sa nomination :  "le procureur du Roy  n'opine 
pas,  il  n'est  pas juge,  il est au contraire partie  et 
jamais  partie suspecte,  exerçant toujours  un  ministère 
impartial."   D'ailleurs,   en  France,   il  y  a  nombre 
d'exemples de parents,  souvent même père et fils, dans le 
même tribunal. Et, en Guadeloupe même, "le sieur COQUILLE, 
fils du procureur général (4), a été pourvu d'un office de 
conseiller  du même tribunal depuis peu,  sans  lettre  de 
dispense.  Bien  loin  d'être aussi proches  parents,  les 
sieurs  BAYON  et SAVOURNIN ne sont ni de même nom  ni  de 
même famille (...).  Avec des gens aussi bien nés et d'une 
droiture  aussi  reconnue  que celle des sieurs  BAYON  et 
SAVOURNIN,  la parenté ne sera qu'une raison de plus  pour 
les engager à être plus circonspects et plus délicats."
     La  commission de juge de la surintendance de  Guade- 
loupe lui est accordée par lettres datées de Compiègne  le 
4 août 1768 et celle de lieutenant de l'amirauté de Guade- 
loupe le 24 du même mois.

     Le temps passe et BAYON répond à la confiance que lui 
avait faite les administrateurs de Guadeloupe. En effet, à 
son  retour  d'une visite d'inspection en  Guadeloupe,  le 
comte de NOZIèRES,  gouverneur général,  fait au ministre, 
le  7  décembre 1772 (5),  l'éloge de la  droiture  et  de 
l'activité  des  membres  du conseil  de  Guadeloupe  dans 
l'exercice  de leurs fonctions.  "Je dois surtout les plus 
grands éloges à M.  COQUILLE,  procureur général (4),  qui 
s'est  prêté avec la meilleure volonté à  terminer  nombre 
d'affaires  par voie de conciliation et sans  frais.  J'ai 
trouvé le même désintéressement en M.  BAILLON (sic), juge 
de  la Basse-Terre,  et M.  de LA CÉPèDE (6),  juge de  la 
Grande  Terre.  Ils  ont  été les premiers à  m'engager  à 
accommoder des affaires qui traînaient en longueur  depuis 
longtemps et, loin de chercher à émolumenter, ils sont les 
premiers à donner l'exemple du désintéressement et de leur 
amour pour le bon ordre.  Je puis vous assurer,  Monsieur, 
que  ces différents juges joignent à beaucoup de  sagacité 
la  façon  de penser la plus noble et la plus  digne  d'un 
état  qui les rend dépositaires de l'autorité des lois  et 
qu'ils méritent sans exception vos bontés.  J'ai cru  leur 
devoir  cette justice dans le compte que je vous rends  de 
la magistrature de cette colonie."  

     Les  deux  Gaspard,  SAVOURNIN de LACÉPèDE et  BAYON, 
avaient,  entre temps, resserré leurs liens de parenté. En 
effet,  le 22 octobre 1770 au Port-Louis de la Guadeloupe, 
le premier épousait Marie Anne FERREIRE et,  le 12 février 
1771  à Bordeaux (7),  le second épousait  Marie  Adélaïde 
FEREIRE.  Nous  ignorons la parenté exacte entre les deux, 
qu'on doit pouvoir retrouver par Bordeaux,  où c'était une 
famille "de haute bourgeoisie commerciale" (7).
  Marie Anne,  l'épouse de SAVOURNIN,  était  petite-fille 
d'Ignace  FEREIRE,  marchand (1722) puis conseiller du roi 
et grand voyer de Guadeloupe (1740-1755), qui avait épousé 
en 1713 Marie LAURENT,  soeur de Claire, épouse de Germain 
COQUILLE  (4)...  comme on se retrouve  !  Marie-Victoire, 
l'épouse de BAYON, était fille de Pierre Noël, négociant à 
Bordeaux,  venu en 1750 épouser à Pointe-Noire une créole, 
Elisabeth MILLARD, qu'il ramena par la suite à Bordeaux où 
ils moururent tous deux. 
  D'ailleurs,  le 24 avril 1772 à Basse-Terre,  le parrain 
de  la  première  née  de  "M.   Gaspard  BAYON,   écuyer, 
conseiller  du  roi,  sénéchal et  lieutenant  général  de 
l'amirauté de l'île Guadeloupe" fut "M.  Gaspard SAVOURNIN 
DAUTELMY de LACÉPèDE,  écuyer, conseiller du roi, sénéchal 
et lieutenant général de l'amirauté de l'île Grande Terre, 
Guadeloupe et dépendances".  Quant à la marraine,  c'était 
"dame Thérèse MILLARD,  épouse de M.  de SAVOURNIN, écuyer 
et  commandant de la Pointe-Noire".  Ce  SAVOURNIN,  Jean-
Baptiste, était l'oncle de Gaspard et Thérèse MILLARD, son 
épouse,  était cousine issue de germain d'Elisabeth épouse 
BAYON...  Les  liens  de parenté s'étaient bien  resserrés 
entre ces membres de la haute magistrature de Guadeloupe.






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