G.H.C. Numéro 61 : Juin 1994 Page 1074

Mémoire familiale et pièces d'archives : les LE BORGNE
Bernadette et Philippe Rossignol

     L'article de Jacques Rossler sur les dix-sept enfants 
du  premier  LEBORGNE  de  Guadeloupe  (p.  1002)  et  ses 
questions  sur  cette famille ont provoqué  des  réactions 
d'autres  lecteurs.  Nous avons donc repris nos  notes  et 
fait  d'autres  recherches,  cette  fois  sur  la  branche 
établie  à Port-Louis,  que nous connaissions par ce qu'en 
écrivait  en  1912 Camille de LACROIX dans ses  "Notes  de 
famille". La comparaison nous a semblé intéressante car le 
récit  permet  de  compléter ce que l'on sait  par  l'état 
civil de Guadeloupe : les allers et retours entre l'île et 
la métropole étaient fréquents; certains créoles partaient 
et ne revenaient pas. Mais, grâce aux souvenirs familiaux, 
on peut retrouver leur trace.  D'autre part, c'est grâce à 
Camille  de LACROIX que l'on connaît les prénoms donnés en 
famille,  sans  aucun  rapport  avec ceux  déclarés  à  la 
naissance, parfois.

     Dans son introduction, Camille de LACROIX écrit ceci, 
que  tout  généalogiste pourrait reprendre à son compte  : 
"Je  considère combien il est regrettable que mon père  ne 
nous ait pas plus parlé du sien et que lui-même ait  connu 
si peu de chose de son grand-père et de son arrière-grand-
père.  Je  sens qu'après moi et après mon frère tout  lien 
avec  le passé risquerait d'être détruit si je n'y mettais 
bon ordre."

     Il  présente ensuite rapidement ses parents :  "Notre 
père,  Félix-Emile, était né comme nous à la Guadeloupe et 
s'était marié en 1830 avec Julie-Victoire LE BORGNE,  éga- 
lement créole du même pays.  Il mourut en 1863,  âgé de 55 
ans,  à la Pointe-à-Pitre,  où il avait exercé pendant  38 
ans,   presque   sans  interruption,   la  profession   de 
négociant. Notre mère mourut à Paris, pendant le siège, en 
1870."

     C'est  l'ascendance  et la parenté directe de  Julie-
Victoire LE BORGNE que nous allons privilégier  ici.  Nous 
écrivons  ce  patronyme  en deux mots,  comme  Camille  de 
LACROIX  et  comme il est écrit dans  les  signatures  des 
actes d'état civil. 

     Voici  des extraits des "Notes de famille",  extraits 
forcément décousus :

(chapitre  III,  pages  27  et suivantes)  Félix-Emile  de 
LACROIX "part de Paris le 28 octobre 1824, arrive à Nantes 
le 30 et ne repart de St-Nazaire,  l'avant-port de Nantes, 
que  le  14 décembre.  Il a donc passé un mois et  demi  à 
Nantes.  Cette  ville donne asile à une nombreuse  colonie 
créole; chacun y a parents, amis ou relations commerciales 
(...)  Il rencontre chez un M.  AREAU,  homme très bon  et 
très accueillant,  qui est marié à une créole,  les  trois 
demoiselles  LE BORGNE,  installées près de leurs tantes : 
Mme VARANNE et Mlles Joséphine et Angèle LE  BORGNE,  pour 
compléter  leur  éducation.  L'aînée,  Julia (nom  qu'elle 
portait en famille, au lieu de Julie), n'a que six mois de 
moins que lui; elle est belle et lui, assez séduisant; ils 
ne s'oublieront plus."
(Il est de nouveau à Nantes en juin 1827) "Mais les demoi- 
selles  LE BORGNE n'y sont plus :  elles ont rejoint  leur 
père, sur son habitation "Plaisance", au Port-Louis".

( page 29) "Mon grand-père LE BORGNE était mort à Paris en 
mai 1835."

(page 30) "Lettre de mon père, datée du 11 février 1843 et 
adressée  à  ma  tante Angèle LE BORGNE  et  à  son  neveu 
Léopold,  avec  lequel elle habitait à Paris" (annonce  le 
tremblement  de terre de Pointe-à-Pitre et rassure sur  la 
santé  de la famille;  il parle de "ces dames :  ma femme, 
Mlle Joséphine LE BORGNE et Eliza, ma nièce"). 
(A  la suite de cette catastrophe,  Nancy et  Victor,  les 
aînés  des  enfants  de LACROIX furent  envoyés  à  Paris, 
confiés à leur oncle Léopold,  alors âgé de 25 ans, auquel 
Camille  de  LACROIX consacre tout un  chapitre  plein  de 
reconnaissance :  "Il nous avait élevés; il allait être le 
dernier appui de notre mère !")

(chapitre  IV,  pages  45 et suivantes) "A  cette  époque, 
l'oncle  LE  BORGNE,   que  nous  appelions  familièrement 
Léopold (...) venait d'entrer au ministère de la marine et 
des  colonies  que dirigeait l'amiral  DUPERRé  (...).  Ma 
tante Irmis avait épousé,  peu après 1830, le fils aîné du 
général OCHER de BEAUPRé, beau-frère de l'amiral, et c'est 
elle  qui  avait obtenu l'incorporation de son frère  dans 
les cadres de l'administration.
Léopold était un beau jeune homme,  aussi fin  qu'élégant. 
Il  était  né à la Guadeloupe sur  l'habitation  Plaisance 
mais  y avait peu vécu.  Il avait perdu sa mère fort jeune 
et  mon grand-père l'avait confié à sa soeur  Angèle,  qui 
habitait  Nantes.  Il y avait fait ses études  et  n'était 
venu  à Paris que pour entreprendre son droit.  Ma  grand-
tante,  qui l'avait en quelque sorte adopté pour fils, l'y 
avait suivi; tandis que sa soeur Joséphine était retournée 
à  la Guadeloupe,  près de mon grand-père  d'abord,  puis, 
après sa mort en 1835,  près de ma mère (...) Sa mort,  le 
25 janvier 1852, fut ma première douleur d'enfant."
"Lorsque  j'arrivai  en France,  en  1854  (...),  j'étais 
confié à ma tante,  Mme PELLETANT, qui venait à Paris pour 
l'éducation  de sa fille Lucie,  plus jeune que moi  d'une 
année."

(Chapitre  VIII,  page 64) "Mes tantes OCHER et  PELLETANT 
étaient  à  Plaisance,  pendant l'émeute  de  1848;  elles 
n'avaient pas froid aux yeux !".

"Les  LE  BORGNE étaient bretons d'origine.  Il en  existe 
encore dans le pays, de branches alliées. C'est en 1702 ou 
1712  que le premier parut à la  Guadeloupe.  L'habitation 
Plaisance lui fut concédée en 1714. Une pièce des archives 
du  ministère de la marine,  dont une copie est entre  mes 
mains,  me  fait supposer qu'il venait du  Canada,  où  un 
Emmanuel  LE  BORGNE sieur du  COUDRAY,  était  lieutenant 
général,  gouverneur  d'Acadie,  en 1657,  avec pouvoir de 
transmettre ses droits et concessions à ses héritiers.  En 
1698,  ils y sont encore. Il est probable que le LE BORGNE 
de  Guadeloupe  était un cadet de la  même  branche,  sans 
emploi  au Canada,  que l'on envoya chercher  fortune  aux 
Iles et qui s'y établit.  Je suis d'autant plus porté à le 
croire  qu'un  de ses fils,  celui dont  nous  descendons, 
portait le même prénom d'Emmanuel, qui se perpétua dans la 
famille  jusqu'à  Léopold,  qui s'appelait  Louis  Jacques 
Emmanuel.





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