G.H.C. Numéro 60 : Mai 1994 Page 1045
LA FAMILLE ALINGRIN (Languedoc, Martinique)
Sylvain Poujol
Les ALINGRIN sont originaires du Languedoc. Ce patro-
nyme provient d'allègre : vif, rapide.
Pierre ALINGRIN, maître apothicaire, vivait à Barre,
paroisse du diocèse de Castres, actuellement commune du
Tarn. Le bourg est situé à près de 1.000 mètres d'altitude
dans la montagne de Lacaune, à la limite de l'Aveyron.
Pierre était né vers 1660, à l'époque où Louis XIV
s'affirmait comme Roi. Les registres de la paroisse dédiée
à Notre-Dame ont été conservés depuis 1668; ils étaient
fort bien tenus, entre autres par un ALINGRIN qui fut curé
de Barre pendant de longues années. Voici le début du
registre de 1697, sur papier timbré à un sol 16 deniers de
la généralité de Toloze (Toulouse) :
"Registre des baptêmes, mariages, déffuncts, de l'église
Notre Dame de Barre et ceu pour l'année 1697 commencé par
moy Mr. Pierre ALINGRIN, curé de ladite église".
Dans ces registres, le nom d'ALENGRIN est très fréquent;
Notre Pierre s'est marié le 1er novembre 1690 : "Il a
été administré le sacrement de mariage à Pierre ALENGRIN,
maître apothicaire, âgé de 30 ans environ, résidant à
Barre, fils de Georges ALENGRIN, greffier, et de feue
Françoise SALES, à Marie ALGRINE (un nom de même origine),
22 ans...".
L'année 1698 fut néfaste à l'apothicaire de Barre :
il perdit son épouse le 6 juin, et son père Georges,
greffier, mourut le 12 (sans doute d'une épidémie qui
régnait dans le village).
Comme il était habituel, et nécessaire pour la conti-
nuité de la famille, Pierre se remaria 8 mois plus tard
avec Jeanne BÉTISAGUE (ce patronyme est celui de BÉTISAC
féminisé) : "Le 25 février 1699, on administra le
Sacrement de mariage à Pierre ALINGRIN, maître apothi-
caire, veuf d'Anne ALGRINE, âgé de 42 ans environ, fils de
feux Georges et Françoise SALES d'une part, et Jeanne
BÉTIZAGUE, âgée de 25 ans ou environ, fille de M. Pierre
BÉTISAC et de feue Marguerite RICARDE, tous du lieu de
Barre, les bans ayant été ... sans qu'il y ait aucun
empêchement et contrôlé ledit jour par BÉTISAC commis par
Me. Bernard ALINGRIN Juge de Barre ...".
Parmi les signatures, celle de Bernard BÉTISAC, frère de
l'épouse.
Dès l'année suivante, naquit un garçon prénommé
Bernard. C'est en 1713 que fut baptisé Antoine, qui devait
émigrer en Martinique; ses frères et soeurs plus âgés
furent parrain et marraine, comme le montre le texte ci-
après : "Anthoine ALENGRIN, fils de maître Pierre apothi-
caire, et de Jeanne BÉTISAGUE, mariés du lieu de Barre, né
le 4 août 1713, a esté baptisé le 14 dudit mois...
parrain, Bernard ALENGRIN; marraine, Marguerite ALENGRINE,
sa soeur, présents... tous dudit Barre signés avec le
parrain et non la marraine pour ne scavoir".
Antoine apprit le métier de chirurgien par simple
apprentissage auprès d'un maître (l'Université de
Montpellier formant les docteurs en médecine). Il fait
partie de la corporation des chirurgiens de Béziers. Il y
était sans doute lorsque son père, l'apothicaire, fut
enterré en 1739, en présence de ses frères Bernard et
Joseph : "Pierre ALENGRIN, maître apothicaire du lieu de
Barre, âgé d'environ huitante ans, est décédé le 27 avril
1739 après avoir receu les sacrements de pénitence,
viatique et extrèmonction et a esté enseveli dans le
cimetière de Barre, présens les sieurs Bernard et Joseph
Marie ALENGRIN, ses fils icy signés".
LES ALINGRIN EN MARTINIQUE
Un travail de Bourrachot et Poussou, "Les départs de
passagers du Castrais et de l'Albigeois par Bordeaux au
XVIIIème siècle", nous a appris qu'Antoine ALINGRIN s'est
embarqué pour les îles en 1739. Il est parti le 1er
décembre sur le "Croissant", Capitaine Vergnes, à desti-
nation de la Martinique. Il est précisé à l'embarquement
qu'il est de petite taille et de cheveux noirs, enfin de
religion catholique.
Nous ignorons quelles furent les raisons de son
départ de Béziers. mais c'est probablement à l'incitation
d'un parent qu'il s'expatria. En effet, les registres de
la Martinique nous apprennent qu'un certain Jean ALENGRIN
fut "chirurgien juré en cette isle". Son fils, Germain
ALENGRIN, chirurgien lui aussi, né au Trou-au-Chat, se
maria à Fort-de-France le 21 juin 1763. C'était la même
famille, car Germain fut le parrain d'un des enfants
d'Antoine.
Antoine est revenu en métropole; en effet, la liste
des passagers au départ de Bordeaux le mentionne de
nouveau en 1750, onze ans après son premier voyage.
En 1764, deux autres ALINGRIN sont partis aux îles :
Joseph (que nous retrouverons comme parrain d'un enfant
d'Antoine en 1767), et son neveu, Charles, dont nous
n'avons pas trouvé trace.
Antoine se marie au François en 1752 : il a près de
40 ans et il épouse Marie Elisabeth GUICHOT, veuve de
Jacques BOLLE, lui aussi maître en chirurgie. C'était une
tradition de famille, car la mère de Marie Elisabeth,
Jeanne CORNU, épouse en premières noces un chirurgien,
Pierre VIEL. Son père, Jean-Baptiste GUICHOT, était natif
de Saint-Léger, diocèse de Rieux, en Languedoc.
Le couple vécut au François où Antoine exerça son
métier de chirurgien pendant plusieurs années, puis ils
s'installèrent au Trou-au-Chat (actuellement Ducos) où ils
eurent une fille, Jeanne.
Mais c'est à Fort de France, en 1766, que naquit Jean
François Timothée, qui fut d'abord ondoyé le 25 février :
"Aujourd'hui, ving-cinq février mil sept cent soixante-
six, j'ai ondoyé un enfant né le dix-neuf janvier, fils de
sieur Antoine ALENGRIN, chirurgien juré en cette ville, et
d'Elisabeth GICHOTE, son épouse. Signé : ALENGRIN ...".
Le baptême eut lieu neuf mois plus tard :
"Aujourd'hui, huit novembre mil sept cent soixante-six,
j'ai supléé les cérémonies du baptême à Jean François
Timothée, né le 19 janvier de la même année, du légitime
mariage du sieur Antoine ALINGRIN, et de demoiselle marie
Elisabeth GUICHOTTE, le parein a été messire Jean François
Timothée DAROS (?) dont M. DOUT .. a tenu la place, la
mareine, Madeleine Suzanne DAROS. Signé : D'Arin.