G.H.C. Numéro 52 : Septembre 1993 Page 850

Monsieur DUPONT, "le saint homme de Tours"
Emmanuel Boëlle

     Qui  se souvient encore de ce personnage,  fameux  au 
XIXe  siècle,  qui  contribua  à développer une  forme  de 
piété,  à la fois mystique et cléricale, qui nous surprend 
maintenant, n'étant plus guère accordée à notre époque ?
     La famille CHAUVITEAU,  et en particulier la  branche 
HERMET,  dont  je descends,  a été à plusieurs reprises en 
situation  de  rencontre  avec lui,  d'où  mon  intérêt  à 
rappeler son histoire .
     Monsieur  DUPONT,   Léon  PAPIN-DUPONT,   naquit   au 
Lamentin  (Martinique) le 24 janvier 1797,  donc en pleine 
période révolutionnaire, sous l'occupation anglaise.
     Le livre "Vie de Monsieur Dupont", par l'abbé Janvier 
(1879),  donne  des précisions sur sa famille,  à  prendre 
sous réserve.
   Il commence par rappeler que Jean DUPONT fut le premier 
gouverneur de la Martinique,  vers 1635,  et rattache à ce 
premier  DUPONT  des  familles diverses dont  les  DUPONT-
PAPIN, les PAPIN de KERFILY, les PAPIN de L'ÉPINE.
     Nicolas  DUPONT-PAPIN  avait épousé une riche  créole 
martiniquaise,  Marie Louise Philippine GAIGNERON JOLIMONT 
de MAROLLES.  La mère de cette dernière, Angélique, aurait 
avancé à  M. de BOUILLÉ, pendant la guerre d'Amérique, une 
forte somme sans intérêt,  ce qui lui valut, en reconnais- 
sance du roi, une pendule unique, restée dans la famille. 
     Les  DUPONT-PAPIN étaient de Guadeloupe mais ils émi- 
grèrent  à  la Martinique pendant la  période  révolution- 
naire. Léon DUPONT fut baptisé au Lamentin le 6 mars 1798. 
Son parrain était son aïeul,  Jean Baptiste  DUPONT-PAPIN, 
chevalier  de  Saint-Louis,  sa marraine,  sa  grand-tante 
maternelle Marie-Rose DES VERGERS de MAUPERTUIS. Son père, 
Nicolas DUPONT-PAPIN,  mourut à Brest en 1803, qualifié de 
capitaine  d'infanterie,   laissant  deux  fils,  Léon  et 
Théobald, plus jeune de quatre ans.
     Comme les jeunes CHAUVITEAU,  il fut envoyé vers 1809 
aux  Etats-Unis,  dans une institution libre :  qui  sait, 
peut-être celle de  M. BANCEL à New York;  il y resta deux 
ans.  Il continua ses études en France jusqu'en  1815,  au 
collège de Pontlevoy près d'Amboise, collège alors fameux, 
ancienne  abbaye bénédictine,  où fit également ses études 
Xavier HERMET,  qui épousa plus tard Séraphine CHAUVITEAU, 
fille  aînée  de  Salabert  et  de  Serafina  ALOY,  notre 
"Mamita". Une plaque dans l'église rappelle son séjour. 
     Sa mère, veuve à 22 ans, s'était remariée avec Pierre 
Grégoire  d'ARNAUD,  du  Lamentin,  dont la famille  était 
originaire  des Hautes-Alpes.  Le jeune Léon  put  revenir 
alors  à  la  Martinique  mais  retourna  en  France  pour 
poursuivre  des  études de droit.  Il mena à Paris la  vie 
d'un riche jeune homme,  reçu dans la bonne société,  mais 
où il aurait déjà fait preuve de grandes qualités au point 
qu'on l'avait surnommé "le marquis des égards".
     A  son retour à la Martinique,  où il avait obtenu un 
poste dans la magistrature,  il épousa, le 9 mai 1827, aux 
Trois-Ilets,   Caroline  d'AUDIFFREDI,  fille  de  Charles 
d'AUDIFFREDI et de Caroline SOUDON de LAMBOIS, qu'il avait 
rencontrée à Tours où elle était en pension. Là aussi, une 
plaque sur la façade de l'église rappelle cet événement.
     M. DUPONT  s'installa à Saint-Pierre,  à l'hôtel  des 
Follets,  sur  les  hauteurs de la  paroisse  du  Fort,  à 
l'extrémité  de la rue des Bons-Enfants,  que l'on atteint 
par le sentier de Monte-au-Ciel :  autant de noms  prédes- 
tinés.  Cet  hôtel  devint ensuite le séminaire  colonial, 
dirigé par les Pères du Saint-Esprit.

     Le ménage eut une fille, Henriette, en novembre 1832. 
Hélas, la jeune mère décéda le 1er août 1833.
     M. DUPONT se décida en 1835 à quitter les Antilles et 
à se retirer à Tours, où la famille de MAROLLES possédait, 
dans  le voisinage,  le château de Chissay.  Sa fille  fut 
confiée  aux Ursulines  où la  supérieure,  Mme de LIGNAC, 
habituée à recevoir des jeunes créoles, avait déjà reçu sa 
mère.
     A partir de ce moment, la vie de M. DUPONT fut entiè- 
rement  consacrée à la piété,  d'autant plus qu'il eut  le 
chagrin  de voir mourir sa fille Henriette en  1847.  Elle 
avait 15 ans.
     Il  est  difficile  de  suivre  M.  DUPONT  dans  ses 
nombreuses  oeuvres pieuses.  La plus connue fut alors  la 
dévotion à la Sainte Face, toujours existante à Tours. 
     Il  conserva des liens avec la Martinique,  en parti- 
culier avec M.  d'AVRAINVILLE,  M. Ferdinand LE PELLETIER. 
M. VATABLE aurait été guéri d'une surdité aigüe par appli- 
cation d'une huile sainte dite de la Sainte Face.
     Il fut également mêlé, à partir de la redécouverte du 
tombeau de Saint Martin à Tours en 1860,  à des projets de 
reconstruction  de l'intégralité de  l'ancienne  basilique 
dont ne subsistaient que des éléments épars,  projets qui, 
par suite de déboires politico-religieux, n'aboutirent que 
très  partiellement,  au grand désespoir des fidèles de M. 
DUPONT.

     C'est là que nous retrouvons des souvenirs familiaux. 
Les  filles  de  Xavier  HERMET  et  Séraphine  CHAUVITEAU 
avaient épousé,  l'une, Séraphine, Albert BOëLLE, l'autre, 
Thérèse,  Xavier  RATEL.  C'est à Thérèse RATEL  que  nous 
devons   la  conservation  des  souvenirs  de  la  famille 
CHAUVITEAU. C'est elle qui fit éditer en 1897 des extraits 
de la correspondance familiale,  dont je devais  retrouver 
l'intégralité près de cent ans plus tard.
     Elle fit partie,  avec son beau-frère Stanislas RATEL 
et  sa  belle-soeur  Zoé CHOISELAT,  qui  tous  habitaient 
Tours,   des   fidèles  de  M. DUPONT.   Stanislas  RATEL, 
ingénieur des Chemins de fer, prit une part importante aux 
fouilles et aux projets ultérieurs concernant la  dévotion 
à Saint Martin et à la reconstruction de la basilique.
      Le  résultat pour ma famille de cette intense  piété 
fut  que les deux enfants de Thérèse RATEL se firent  l'un 
jésuite,  l'autre carmélite et que Mauregard, la propriété 
de  la famille RATEL,  désormais sans espoir de postérité, 
Stanislas RATEL n'ayant pas eu d'enfant, finit par arriver 
par héritage à la famille BOëLLE, ce qui explique que nous 
ayons  recueilli  non seulement les  souvenirs  CHAUVITEAU 
mais aussi les souvenirs de M. DUPONT. 
     Thérèse  RATEL  s'adonnait  à la  peinture  et  à  la 
sculpture.  Elle nous a laissé un plâtre,  représentant M. 
DUPONT  sur son lit de mort en 1876,  que nous  conservons 
toujours.  Il faut dire que,  lorsque nous étions enfants, 
ce plâtre relégué au grenier nous impressionnait fort.
      J'ajouterais  que  Stanislas  RATEL,  mentionné  ci-
dessus, fit partie, avec son beau-frère Charles CHOISELAT, 
des  pionniers  de la photographie avec DAGUERRE,  et  que 
plusieurs  de  ses oeuvres ont figuré à la  récente  expo- 
sition du musée Carnavalet, concernant Paris et le daguer- 
réotype.  Malheureusement,  il  n'a pas laissé de  daguer- 
réotype de M.  DUPONT,  dont il ne resterait ni tableau ni 
photo, ceci par humilité.  




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