G.H.C. Numéro 51 : Juillet-août 1993 Page 830
LES IMMIGRÉS DU MATOUBA AU XVIIIe SIECLE
Gérard Lafleur
ALLEMANDS ET ALSACIENS
La création de la paroisse du Parc ou du Matouba résulte
de la conjonction de plusieurs éléments favorables.
Au niveau international, la France, par le Traité de
Paris qui met fin à la guerre de Sept Ans en 1763, récu-
péra un domaine colonial réduit. Aussi, les autorités
repensèrent-elles l'organisation économique de l'espace
antillais. Toutes les terres disponibles, notamment les
petites îles marginales, prirent une importance sans
précédant. Ce fut le cas également pour la Guyane où le
duc de Choiseul conçut le projet d'établir une colonie de
cultivateurs d'origine européenne pour compenser la perte
du Canada. Celle-ci fut promue en Europe à grands renforts
de promesses. On recruta parmi les Canadiens qui avaient
quitté leur pays et surtout en Europe, notamment en
Alsace, en Lorraine, en Suisse et en Allemagne.
De 1763 à 1765, une dizaine de milliers de colons
arrivèrent à Kourou où rien n'avait été préparé. La zone
était malsaine aussi les colons furent attaqués par les
maladies tropicales et la mortalité fut terrible. Certains
s'enfuirent vers les îles du Diable, qui devinrent à cette
occasion les îles du Salut, au climat plus aéré, pour
tenter de recouvrer une santé compromise, d'autres vers
Mana.
Le 22 décembre 1765, l'organisateur en chef, Thibaut
de Chanvallon, avec 11 navires, transportant 2 000 hommes,
les survivants de la colonie, débarqua à Basse-Terre. Une
grande partie de ces malheureux était à bout de force. Les
malades et les orphelins étaient très nombreux. Les RR.
PP. Carmes réconfortèrent cette misérable troupe et
s'efforcèrent de régulariser les nouvelles situations
matrimoniales qui s'étaient créées.
Or il se trouvait que en relation avec la nouvelle
donne internationale, un projet avait été également
élaboré par la chambre d'agriculture de la Guadeloupe. Il
s'agissait de constituer une "hatte" ou "commune" sur les
hauteurs de Basse-Terre, au lieu-dit le Matouba et c'est à
ce moment qu'arrivèrent les rescapés de Kourou. On pensa,
naturellement, à les utiliser pour la concrétisation de ce
projet.
Une partie de ces réfugiés fut sélectionnée avec
l'aide des RR. PP. Carmes et envoyée sur les hauteurs pour
défricher le terrain compris entre la Rivière Rouge et la
Rivière Saint-Louis. Il était prévu également qu'on leur
remettrait un terrain sur lequel ils construiraient leurs
cases et la paroisse de Saint-Pierre fut créée à leur
intention, laquelle fut desservie par les Carmes. Elle
était située dans une région que l'on appelait Le Parc et
le Matouba et était limitée au nord par la Rivière Noire
ou de Saint-Claude, au Sud par le Rivière Saint-Louis (le
haut de la Rivière des Pères), à l'est par les montagnes
de la Soufrière et à l'ouest son territoire s'achevait par
une pointe formée par le confluent de la Rivère Saint-
Louis et la Rivière Noire ou de Saint-Claude.
Les quelques familles "allemandes" qui furent sélec-
tionnées par les RR. PP. Carmes avaient souvent été
reconstituées par le remariage de veufs et de veuves qui
outre leurs propres enfants, avaient recueilli quelques
orphelins. En réalité, comme on peut le voir sur les
listes établies à partir des registres de catholicité des
paroisses du Mont-Carmel de Basse-Terre et de Saint-Pierre
du Matouba, des listes issues de la sous-série C7A, G1
497, les "allemands" étaient minoritaires et les acteurs
de cette aventure, venaient d'horizons divers.
A la suite de contestations de la part des habitants
expropriés (les RR. PP. Carmes mais surtout la Dame
Ducharmoy), le projet traîna en longueur. Les terres, une
fois défrichées, prirent de la valeur car elles étaient
propices à la culture du café, aussi cette aventure tourna
court et, lorsque la Révolution française arriva, peu de
colons issus de cette origine étaient encore présents.
Allemands, Alsaciens et Lorrains dans les registres de
catholicité des paroisses du Mont-Carmel (Basse-Terre)
et Saint-Pierre du Matouba.
ARCINE MARIE : Fille de Casimir Arcine et de Catherine son
épouse, 18 ans, native de la paroisse de Dincherie
(Province des Deux-Ponts), Zweibrucken (Rhénanie-
Palatinat).
* Abjuration de l'hérésie de Luther et de Calvin le
8 10 1768
+ 19 10 1768 au Matouba.
BOUJU FRISANT Jean Joachim : Fils du Sr. Bouju (Mathieu ?)
et de Roze SHETIPPON, 14 à 15 ans
+ 12 2 1766 paroisse du Mont-Carmel.
BRISAUER Jeannine Perrine : Fille de Brisauer Nicolas et
de HULPEIN Elisabeth, 1 an environ
+ 3 3 1766 paroisse du Mont-Carmel.
1797 : Propriété des héritiers BRISSAU, caféière.
CHARLOMAN Antoine : Fils de Charloman Joseph et de feu
Françoise BARBIER, veuf de Marie COMMINIE morte au
Matouba.
bx 8 2 1779 au Matouba ARCINE Catherine, fille de Casimir
Arcine et de Catherine VIVRI, veuve de Nicolas SCHIMIT
1796 : Veuve CHALONNOIS.
ax COMMINIE Marie
+ le 23 1 1771 au Matouba, épouse d'Antoine Charloman,
24 ans, native de Rosparen (Palatinat)
CORMINI ou COMMINI Georges : Fils de Michel Comminie et
Réchina FAIFRE
x le 7 1 1772 au Matouba TAUPER Marie-Claire, fille de
Georges Tauper et de Catherine VAILGEL, native de
Heidelberg (Bade-Wurtemberg),
CORMINI Joseph : Fils de Gaspar Cormini et de Charlotte
MEUNIER, veuf de Catherine JUGMOTE, natif de "Rhin-Saverne
en Allemagne" Rheinzabern (Rhénanie-Palatinat)
+ avant le 5 2 1770.
ax 27 1 1766 paroisse du Mont-Carmel REGRINNE ou RAIR
Rosine, fille de Mathieu Regrinne et de Anne MEUGINE,
native de Constance en Allemagne : Konstanz (Bade-
Wutemberg), veuve de André AMEULIGUE natif de Venedrine
en Allemagne.
bx 5 2 1770 au Matouba avec Christianne MOUALTS.
(Problème de transcrption de noms, le curé du Matouba a
inscrit RAIR Rozine fille de Mackine Rair et Marie
MINECKINE).