G.H.C. Numéro 45 : Janvier 1993 Page 718

Les FILLASSIER, une famille d'anoblis guadeloupéens
Bernadette et Philippe Rossignol

     Le 10 août 1775,  M.  FILASSIER écrit à M. d'ORMESSON 
pour  le remercier de l'aide qu'il peut lui apporter  dans 
les recherches entreprises sur sa famille. Il n'a pu venir 
en France et,  ne voulant rien négliger,  il indique qu'il 
sait,  par  une  note de M.  CLAIRAMBAULT,  juge  d'armes, 
remise à M.  FILASSIER de SAINT-GERMAIN, son oncle, que la 
famille  FILASSIER est venue s'établir à Paris en  l'année 
1474 et portait pour armes "d'argent aux six merlettes  de 
sable  posées  par trois,  deux et une,  et un casque  au-
dessus".

     En juillet 1779,
Louis Charles Nicolas FILASSIER,  capitaine commandant  le 
quartier du Lamentin,  île de la Guadeloupe,  chevalier de 
l'ordre royal et militaire de Saint-Louis,
Louis  Alexandre FILASSIER de SAINT-GERMAIN,  capitaine du 
bataillon du Petit-Cul-de-Sac en la même île, et
Louis Benjamin FILASSIER de RICHEBOIS,  aussi capitaine et 
commandant par intérim le quartier du Lamentin en la  même 
île,
tous trois natifs de la paroisse Notre-Dame du Bon Port de 
la Guadeloupe où ils ont été baptisés les 20 janvier 1732, 
1er  février  1734,  2 mai 1741,  fils de feu sieur  Louis 
Nicolas FILASSIER et dame Elisabeth CHABERT,  
sont anoblis en raison de leurs mérites :
Louis Charles Nicolas,  pour avoir servi dans la  première 
compagnie  des  mousquetaires de notre garde ordinaire  en 
Guadeloupe,
Louis Alexandre, ayant servi aux cadets gentilhommes de la 
marine de Rochefort, au siège de la Martinique,
Louis  Benjamin,  qui  a servi d'abord en  notre  première 
compagnie de mousquetaires de notre garde ordinaire,  puis 
sous les ordres du maréchal prince de SOUBISE,
pour les mérites de leur père, cornette puis commandant du 
Petit-Cul-de-Sac, son courage au siège de l'île Montserrat 
et au siège de l'Anguille sous les ordres du duc DANTIN;
ceux  de  Pamphile Louis FILASSIER leur  aïeul,  en  1691, 
capitaine d'une compagnie d'infanterie à la Capesterre, en 
1698 comme conseiller  au Conseil Supérieur,  où il exerça 
pendant plus de 23 ans, méritant des lettres d'honneur, et
ceux  de leur bisaïeul Louis FILASSIER  de  SAINT-GERMAIN, 
qui passa en Guadeloupe en 1636 en qualité d'officier dans 
les  troupes de la compagnie des Indes Occidentales et fut 
le premier qui cultiva la canne à sucre et qui établit une 
manufacture à sucre au quartier de la Capesterre.
Les  armoiries décrites plus haut seront enregistrées  par 
Antoine  Marie d'HOZIER de SéRIGNY,  le jeudi 25  novembre 
1779 (1).
     Voilà donc une des rares familles d'anoblis aux îles. 

Ces pièces demandent quelques commentaires.
     On  peut  s'étonner de remarquer que,  si le  premier 
était arrivé dès 1636,  un an après le début de la coloni- 
sation,  comme "officier dans les troupes de compagnie des 
Indes  Occidentales" et qu'il "fut le premier qui  cultiva 
la canne à sucre et qui établit une manufacture à sucre au 
quartier  de la Capesterre",  on ne trouve pas mention  de 
lui chez les chroniqueurs,  ni sous le nom patronymique de 
FILASSIER, ni sous celui de SAINT-GERMAIN.
     Une recherche dans le registre de Capesterre, le plus 
ancien  de  Guadeloupe (début en  1639),  fait  apparaître 
seulement  "le sieur SAINT-GERMAIN" comme parrain,  le  10 
décembre   1656,   d'Anne-Marie,   fille  du  sieur   Jean 
VAVASSEUR, tonnelier. Trois ans avant, le 23 juillet 1653, 
Elisabeth  LANOU était marraine (de Marguerite  Elisabeth, 
fille  de M.  GEORGET et Agnès PICAULT) :  c'est peut-être 
Isabelle  LANEAU,  qui sera recensée à la Montagne  Saint-
Charles en 1664 comme "veuve FILASSIER",  âgée de 32  ans, 
avec  six enfants de 16 à 3 ans.  Mais on ne trouve pas le 
baptême  des  aînés à Capesterre;  ils sont  pourtant  nés 
entre  1648 et 1655,  d'après leur âge au  recensement  de 
1664 :  Nycollas, 16 ans, Louis Panfille, 9 ans, Michel, 4 
ans, Louis, 3 ans, et les filles Anne Aignet (pour Agnès), 
11 ans et Jeanne, 9 ans (2).

     En  1664,  la veuve FILASSIER (à la  Montagne  Saint-
Charles, donc à la Basse-Terre et non à la Capesterre) n'a 
qu'un engagé, trois nègres, un négrillon et une négresse : 
c'est  peu pour exploiter "une manufacture à sucre"  !  Il 
est  vrai que,  dans la liste des débiteurs de l'Espérance 
(3) de la même année,  elle doit 382 livres de sucre. Mais 
elle doit surtout 5134 livres de pétun !   
     Enfin,  le 10 juin 1898, un descendant de la famille, 
faisant  état  des informations données dans  les  lettres 
patentes d'anoblissement ci-dessus,  demande aux  archives 
l'origine  et  les états de service de son ancêtre  Louis, 
passé en 1636 en Guadeloupe comme officier des troupes  de 
la  compagnie des Indes occidentales.  Il lui est  répondu 
qu'on  ne  trouve  comme premières charges à  ce  nom  que 
celles  de  conseiller le 1er août 1698 et  de  conseiller  
honoraire  le 28 janvier 1721 (4).  Il est vrai qu'on  n'a 
presque rien des archives des premières compagnies.
     Le  seul  élément vraiment concordant  est  l'origine 
parisienne  qui est donnée au mariage de Louis,  le 26 mai 
1692 : "fils de Louys, natif de Paris". 

     Du  premier passé aux Antilles à ses  descendants  en 
1775,  il s'est passé presque un siècle et demi... Nous ne 
disons  pas  que  les  lettres patentes  de  1779  étaient 
mensongères  mais simplement qu'on ne peut pas trouver  de 
documents   qui  confirment  les  renseignements   qu'elle 
donnent  sur  l'origine.  Ayant étudié  plusieurs  lettres 
d'anoblissement   de  la  fin  du  XVIIIe   siècle,   nous 
constatons  avec  amusement  le  grand  nombre  d'ancêtres 
différents qui ont été les premiers à "apporter la  canne" 
en  Guadeloupe  ou à y fonder "la première  manufacture  à 
sucre"  !  N'oublions pas l'importance du sucre au  XVIIIe 
siècle,  les  habitants  notables  étant  alors  forcément 
"sucriers",  ceci  expliquant cela (au XVIIe,  c'était  le 
"pétun" qui faisait la fortune).

     Autre problème :  FILASSIER ou FILLASSIER ? On trouve 
les  deux orthographes dans les  actes,  tant  paroissiaux 
qu'autres.  Cependant,  dès  que les signatures originales 
apparaissent,  c'est "FILLASSIER" qui domine.  C'est  donc 
l'orthographe  que nous utilisons dans la généalogie. 

Nota :  la famille étant nombreuse, nous nous limiterons à 
la  filiation de la branche anoblie,  sans  étudier  leurs 
descendants.  En effet,  en 1788, les trois frères anoblis 
et leur soeur avaient "entre eux 35 enfants vivants,  avec 
des facultés médiocres" (4). 



Page suivante
Retour au sommaire
Lire un autre numéro





Révision 28/12/2003