G.H.C. Numéro 44 : Décembre 1992 Page 699

Antillais prisonniers à la Bastille(p. 650-652)
Pierre Bardin

                     EU de MONTDENOIX

    Lors de son décès à Versailles, 13 rue des Tournelles,  
le  26  fructidor an 13,  donc le 14 septembre  1805  (1), 
Antoine  Bernard DEU de MONDENOIX,  âgé de 75  ans,  était 
l'époux  de Marie Charlotte ORé.  Il l'avait épousée le 29 
fructidor an 3 (17 9 1795) à Paris.  D'après le contrat de 
mariage (2) le marié, demeurant à Sorel dans l'Oise, était 
veuf  sans  enfant de Louise Alexandrine  DESALLES  et  la 
mariée,  demeurante  à  Boullogne,  département de  Paris, 
était  veuve  en  premières noces  d'Antoine  Louis  Marie 
DESTIENNOT  et en secondes de Louis Charles Le  TONNELIER-
BRETEUIL.   Adèle  Joséphine  Léonide  DESTIENNOT,   fille 
mineure née du premier lit, avait pour tuteur au moment du 
contrat de mariage de sa mère Jean Joseph COUPIGNY dont je 
ne  sais pas  s'il s'agissait du compositeur d'un hymne  à 
la  République  ou s'il appartenait à la  famille  relati- 
vement célèbre d'un éditeur de musiques et de romances.
     La succession s'élevait à 6.474 lt 83, comprenant les 
meubles, les rentes et l'argenterie.

                      NADAU DUTREIL

     Le 15 novembre 1782, M. NADAU DUTREIL va avoir 80 ans 
et  s'inquiète  du sort réservé à  son  anoblissement.  Il 
écrit  au  marquis  de CASTRIES en lui  faisant  remarquer 
"qu'après 50 années de services assidus,  ajoutées aux  20 
années  de  son père,  mort premier capitaine des  troupes 
détachées  de la marine aux isles du Vent",  il obtint  du 
roi,  conformément  à l'édit de novembre 1750  une  lettre 
"pour  le faire jouir de la noblesse militaire".  La  dite 
lettre  enregistrée au conseil souverain de la  Guadeloupe 
le  1er  novembre 1773,  il se croyait tranquille sur  son 
sort et celui de ses enfants mais "il paraît que,  sans un 
brevet  armorial du roi,  ses lettres ne  pourraient  être 
enregistrées à la Chambre des Comptes,  que cette omission 
ferait  indubitablement  rencontrer des  difficultés."  Il 
termine  en  signalant :  "C'est un vieux militaire de  80 
ans,  un  chevalier de Saint-Louis de 40 années  d'ancien- 
neté,  un  fidèle  sujet du roi qui a donné à  l'Etat  une 
famille composée de 52 têtes, toute actuellement établie à 
la  Grande-Terre  (...)  qui  désire  obtenir  le   brevet 
armorial qui manque à sa lettre de noblesse."
     Monsieur NADAU DUTREIL n'a pas tort d'être inquiet et 
il faut que sa fille,  la marquise de VERNOU de  BONNEUIL, 
adresse  une  "réquisition" à d'HOZIER  de  SéRIGNY,  juge 
d'armes  de  la noblesse de France,  pour lui faire  enre- 
gistrer  l'arrêt  du Conseil Supérieur de  la  Guadeloupe, 
stipulant  que  les intentions du roi sont que  "le  sieur 
NADAU du TREIL, ancien gouverneur de cette île, jouisse de 
la noblesse militaire (...),  ses enfants nés et à  naître 
en légitime mariage jouissent des honneurs,  privilèges et 
prééminences dont jouissent les autres nobles du Royaume", 
arrêt signé MOUSTIER, greffier en chef.
     D'HOZIER règle les armes de NADAU qui sont "un écu de 
gueules  à  un sautoir d'or accompagné de  quatre  étoiles 
d'argent", ceci à la date du 24 octobre 1784 ((3).  

     C'est  donc l'âme en paix que l'ancien gouverneur  de 
la  Guadeloupe  va  attendre le terme d'une vie  riche  en 
rebondissements    politiques   qui   ne   laissent    pas 
indifférente la presse de l'époque.

     La  Gazette de France,  dans son numéro du  20  avril 
1787 (4),  annonce sa mort,  le 2 janvier,  à 83 ans "père 
d'une  illustre postérité distinguée par ses alliances  et 
par  les  services militaires que ceux de  son  nom  n'ont 
cessé de rendre dans les colonies depuis plus de 150 ans."
     Le  Journal général de France du 3 juillet n'est  pas 
en reste puisqu'il titre :

                     MORT REMARQUABLE
           Extrait de l'Affiche de la Rochelle

      Messire   Charles-François-Emmanuel  de  Nadau, 
    Ecuyer,  Sieur  Dutreil,  d'une ancienne  famille 
    originaire d'Aunis,  Chevalier de l'Ordre royal & 
    militaire de Saint-Louis,  & ancien Gouverneur de 
    l'isle  de la Guadeloupe,  est mort à la  Grande-
    Terre de ladite isle,  dont il étoit natif,  le 2 
    janvier  dernier,  âgé de 83 ans 8 mois  &  demi, 
    père d'une nombreuse postérité,  illustre par ses 
    services & ses alliances.
      On  rappellera  ici les services  rendus  à  la 
    France  par  feu M.  Nadau,  lors du siège de  la 
    Guadeloupe par les Anglois, commandés par le chef 
    d'escadre  Moore,  qui avait sous ses  ordres  12 
    vaisseaux  de  ligne,  4 galiottes à  bombes,  80 
    navires  de  transport,  6000 hommes  de  troupes 
    réglées,  non  compris les milices &  les  Nègres 
    travailleurs  des isles voisines,  qui  donnèrent 
    l'attaque  le  22 janvier 1759,  bombardèrent  la 
    Basse-Terre,  le fort,  & firent une descente  au 
    bourg  Saint-François.  La garnison abandonna  le 
    fort; & ce fut alors que feu M. Nadau, le premier 
    qui  ait établi un ordre général de service &  un 
    plan  de  défense pour les colonies,  les mit  en 
    pratique,  &  défendit cette isle avec 150 hommes 
    de  troupes  &  2000  miliciens,   presque   sans 
    munition,  &  sans  le secours de la  Martinique, 
    pendant trois mois & demi.  Cette résistance  lui 
    fit obtenir une capitulation aussi glorieuse pour 
    les  armes  de  France qu'avantageuse  aux  insu- 
    laires;  c'est ce qui a mérité à feu M. Nadau les 
    suffrages  les plus flatteurs de la part de  tous 
    les Généraux & autres Officiers en place dans les 
    colonies,  ainsi que de plusieurs  Ministres.  Le 
    Roi Louis XV voulant perpétuer à la postérité les 
    services signalés d'un si brave guerrier,  sur le 
    rapport qui lui en fut fait par M. de Boines, lui 
    fit  expédier  un  brevet  honorifique,  donné  à 
    Versailles  le  31  Décembre  1771,  registré  au 
    Conseil  Supérieur  de l'isle de Guadeloupe le  8 
    Novembre 1777.   Vivat in aeternum victurus 

     On   était  très  loin  du  procès  infamant  et   de 
l'embastillage. A juste titre. M. NADAU DUTREIL avait bien 
mérité  les  honneurs  et la dignité qui lui  avaient  été 
rendus.

  Notes :
  (1) Archives de Versailles 5 Mi 240 bis
  (2) Me Delisle. CARAN MC CXXI/568
  (3) Nouveau d'Hozier 251.
  (4) BN Micr. M 197.




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