G.H.C. Numéro 44 : Décembre 1992 Page 697

L'origine de la paroisse Saint-François
de Basse-Terre à la Guadeloupe

  La vente se fait pour 3.000 livres de sucre bon loyal et 
marchand,  rendu au poids du roi de la Basse-Terre, livrés 
au vendeur pour l'achat d'un nègre que le vendeur "fera si 
bon  lui semble des premiers qui arriveront en  cette  île 
des terres de Guinée ou autres circonvoisines". 
  Les témoins sont Pierre HARDY et François  LAURIER.  Or, 
rappelons-le,  Pierre  HARDY sera aussi  témoin,  quelques 
années   après,   de  l'acte  que  nous  avons   transcrit 
intégralement  plus haut et François LAURIER est peut-être 
le  père de Marguerite,  future épouse du notaire  GALOPIN 
qui collationne cet acte en 1702.

     Jacques BAGU,  le père,  né vers 1575, puisqu'il a 88 
ans  au  recensement de  1664,  avait  effectivement  deux 
filles et un fils :  Michelle ,  née vers 1632, qui épousa 
d'abord  Jean DUPRéAU (c'est le feu Jean DUPROT de  l'acte 
de 1672) puis, vers 1664, Jean BOUFFARD; Jeanne, épouse de 
Nicolas NEAU dit THIFAIGNE (TIFFAGNE dans l'acte de 1672); 
enfin  Jacques  (le vendeur de 1672),  né vers  1645,  qui 
épousera en 1687 Jeanne Thérèse ANGOT. 
 Comme  Jacques BAGU père était déjà veuf en  1664,  c'est 
cet  acte  de  1672 qui nous donne le  nom  de  sa  femme, 
Françoise TRIOCOURT (voir GHC p. 260, 419).  
     Et  c'est  cet  acte  de  1672  qui  nous  permet  de 
retrouver  l'emplacement  dont il est  question,  dans  le 
terrier  du recensement de 1671,  ce que nous ne  pouvions 
faire avec l'acte cité en début d'article.  En  effet,  on 
voit,  à  la Montagne de Bellevue,  la dame BILLAUD,  dont 
l'une  des  deux places,  de 100 pas de large sur  200  de 
haut, est voisine, par les côtés, de la place de St-MARTIN 
et  de  la rivière aux  Herbes,  et,  par  les  bouts,  de 
THIPHAIGNE  et  des 50 pas;  puis,  surtout,  "les  sieurs 
TIFFAIGNE et BOUFFARD et autres", propriétaires de 200 pas 
de large sur 400 de haut, bordés par la rivière aux Herbes 
et les héritiers de LA PERLE sur les côtés et par la  dame 
BILLAUD et le chevalier HINSELIN sur les bouts. Voilà donc 
l'emplacement d'origine ! 
  Quant à celui,  complémentaire, cédé par BLANCHET, c'est 
sans doute,  en 1671, celui des héritiers de feu LA PERLE, 
de  70 pas de large sur 100 de haut,  ou bien la place des 
hoirs  de  feu ST-MARTIN,  de 60 pas de large sur  200  de 
haut,  "sur laquelle place il y a plusieurs personnes  qui 
ont fait bastir des cazes et ont quelques petits jardins". 

     Jacqueline MADOU veuve BILLAUD est recensée,  curieu- 
sement,  "en  double" à Bellevue puisqu'on trouve  sur  la 
même  ligne,  en colonne maître de case,  la veuve BILLAUD 
et,  en colonne veuve maîtresse de case, Jacqueline MADOU. 
L'acte de 1672 nous permet d'affirmer que c'est une  seule 
personne, décédée l'année qui suivit le recensement.
     Par  ailleurs,  les héritiers BAGU ne résident pas  à 
Basse-Terre : une soeur est à Capesterre et l'autre et son 
frère  au  Petit-Cul-de-Sac (Petit-Bourg).  Ils  pouvaient 
donc sans mal vendre une partie de leur héritage à DULION.

     On  peut  remarquer  qu'en 1671  les  Capucins  n'ont 
aucune   terre  ni  à  Bellevue  ni  à  Beausoleil  ni   à 
l'Espérance,  les "Montagnes" de Basse-Terre.  En revanche 
on  trouve les habitations des Jésuites,  des Jacobins  et 
des Carmes.  Les pauvres Capucins,  ordre  mendiant,  nous 
l'avons  dit,  avaient bien du mal à se faire une place au 
soleil à côté de ces trois riches Ordres...

     Pour  en  revenir  à l'acte d'achat de  1672,  le  30 
novembre de l'année suivante,  1673, DULYON déclare devant 
le  même  notaire  qu'il cède la jouissance  de  la  terre 
acquise  de Jacques BAGU au Révérend Père Paul  de  ROUEN, 
capucin,  et ses successeurs.  C'est donc lui,  le premier 
"curé" de Saint-François, lui qui a baptisé cette paroisse 
du  nom de Saint François d'Assise,  fondateur de  l'Ordre 
des Franciscains,  lui qui,  supérieur des Capucins et non 
convoqué lors du partage de 1685, a présenté véhémentement 
à BLéNAC ses "prétentions chimériques". 

     Le  21 août 1675,  toujours devant le notaire PARIZE, 
"dame  Claire  TABOUROT  de  VéRONNE,  veuve  de  deffunct 
Messire Claude François DELYON du LYON,  vivant  chevalier 
seigneur  de Poinson Poinsinot,  gouverneur pour le roi de 
l'isle  Guadeloupe",  en son nom et au nom de ses  enfants 
mineurs,  agrée, approuve et certifie la dite donation, en 
présence du Révérend Père Jean Baptiste de DIEPPE.
     Enfin,  au Fort-Royal de la Martinique,  le 20  avril 
1720, l'abbé du LYON, aîné de la famille, déclare ratifier 
cette  fondation faite par ses père et mère "aux Révérends 
Pères capucins du bourg de St-François de la Basse-Terre". 
La copie de ce dernier acte est collationnée le 12 janvier 
1722  par  de  VERPY,   notaire,  à  la  demande  du  R.P. 
BONAVENTURE,  puis le 19 octobre 1724,  par PETIT-MAUBERT, 
notaire,  toujours à la demande du  R.P.  Bonaventure,  et 
enfin  le 5 juin 1773 par les notaires de Fort-Royal,  sur 
copies  présentées par le R.P.  Charles  François,  préfet 
apostolique, supérieur de la mission des Capucins des îles 
du Vent (9).   

     Nous retrouvons là nos Capucins et leurs démêlés avec 
les autorités pour faire reconnaître leurs  droits.  Outre 
ceux   que   nous  avons  évoqués  plus   haut,   d'autres 
apparaissent : 

     Le  père Jean-Baptiste de DIEPPE (1675) ne figure pas 
dans le dictionnaire du clergé de l'abbé David ,  pas plus 
que  son successeur le père JUSTINIEN :  ils n'ont pas  dû 
passer  par  la Martinique ou n'y ont pas laissé de  trace 
écrite. 
  Le  père  Gabriel de VIRE,  supérieur  des  Capucins  en 
Guadeloupe,  qui  a  fait collationner en 1702  l'acte  de 
donation  de BLANCHET et PARIZE,  était aux îles dès 1682, 
en Martinique et en Guadeloupe.  L'abbé David lui consacre 
une longue notice qui rappelle les critiques qu'en fait le 
R.P. LABAT.
  Du père DAMASE, l'abbé David indique qu'après Fort-Royal 
(1702) et le Lamentin (1703), il fut supérieur à la Guade- 
loupe.  Il  signe d'ailleurs,  en 1713 et  1714,  quelques 
actes  à  Saint-François,  paroisse que sa  réclamation  à 
PHéLYPEAUX venait de faire rétablir. 
  Enfin,  le plus important,  le R.P.  Charles-François de 
COUTANCES, préfet apostolique, supérieur de la mission des 
Capucins des îles du Vent, qui fit collationner l'ensemble 
des  actes concernant la cure de Saint-François le 5  juin 
1773.  Le  père Fabre en parle longuement et l'abbé  David 
lui consacre une très longue notice.  Nous en extrayons ce 
qui  suit,  qui  explique parfaitement  l'origine  de  ces 
copies  d'actes  :  "Par  ses  intrigues,  l'abbé  PERREAU 
obtient de Louis XV l'édit du 19 mars 1773, qui retire aux 
religieux  la  desserte des colonies et leur substitut  un 




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