G.H.C. Numéro 42 : Octobre 1992 Page 671
GLOSSAIRE
Sur une suggestion récente de Philippe de Lens et ancienne
et répétée de nombreux autres lecteurs de GHC, nous
commençons ici un glossaire des mots antillais trouvés
couramment dans les textes.
Nous prions nos nombreux lecteurs connaisseurs chevronnés
des Antilles d'excuser notre audace, de corriger nos
erreurs et de compléter ce glossaire que nous pourrons, si
l'expérience s'avère positive, regrouper plus tard en tiré
à part pour de nouveaux adhérents néophytes.
Nous espérons que cette initiative aura plus de succès que
notre "appel" aux lecteurs érudits et dévoués en NDLR de
la question 92-152, page 609...
Après certaines définitions, une lettre renvoie au livre
utilisé (bibliographie en fin de glossaire) et le nombre
correspond à la page où se trouve le renseignement.
AJOUPA : abri indien sommaire au toit de paille pointu (A
112, C 440)
ALLOUé : terme employé au XVIIe siècle comme synonyme
d'"engagé" (C 521 à 546)
ATELIER : ensemble des esclaves d'une habitation.
CABROUET : charrette à deux roues pour transporter les
cannes à sucre (C 828)
CARBET : habitation des caraïbes, bâtie avec des pieux et
couverte de feuillage, qui abritaient plusieurs familles
(C 440)
CARRé de TERRE : mesure d'arpentage; il valait 1 hectare
29 à la Martinique, 0 hectare 94 à la Guadeloupe (B 69).
Il était calculé sur la longueur du "pas".
CARREAU : terme utilisé à St-Domingue, il valait 1 hectare
13 (A 253)
CASE : au XVIIe siècle, maison (de l'espagnol "casa");
c'est alors le terme courant, par exemple dans les
recensements où le "maître de case" est le propriétaire
chef de famille. Par la suite, s'applique seulement aux
"cases à nègres", maisons ou cabanes des esclaves,
toujours en bois.
CASSAVE : galette de manioc (C 244)
CINQUANTE PAS DU ROY : réserve à usage collectif en bord
de mer, qui ne pouvait être concédée; le "pas du roy"
valait 5 pieds (C 576 à 579)
COMMANDEUR : à l'origine un blanc, substitut du maître de
case quand celui-ci a plusieurs habitations; plus tard un
esclave, qui dirige et surveille l'atelier (B 120; C 1421-
1422)
ENGAGé ("alloué" ou "trente-six-mois" au début du XVIIe
siècle) : personne qui se loue pour trois ans à un
habitant qui lui paie le voyage de France aux Antilles et
un salaire, à peu près équivalent au prix du voyage de
retour, versé au bout des trois années (C 706 à 717; 1093
à 1119; 1419 à 1432)
HABITATION : toute exploitation agricole; ensemble des
terres cultivées, maisons et bâtiments divers d'un
propriétaire. Terme proprement antillais (improprement
remplacé par le terme de "plantation" qui vient des Etats-
Unis et qui est malheureusement le seul utilisé par trop
de professeurs d'université qui l'imposent à leurs
étudiants ou d'éditeurs qui l'imposent aux auteurs "parce
que c'est le terme connu du grand public"). On peut parler
d'"habitation sucrière" ou "sucrerie", "habitation
vivrière", "habitation cotonnière", "habitation caféyère"
ou "caféterie", etc. (C 59)
HABITANT (et non planteur) : propriétaire d'une "habi-
tation"; on précise souvent "habitant propriétaire",
"habitant sucrier", etc. (C 1051 à 1093)
ILES DU VENT (WINDWARD ISLANDS) : celles à l'est, de
Trinidad à la Guadeloupe (donc les "Petites Antilles"
françaises)
ILES SOUS LE VENT (LEEWARD ISLANDS) : celles à l'ouest, de
Montserrat à Cuba (donc St-Domingue)
JARDIN : espace concédé à l'esclave pour y cultiver ses
"vivres"
NèGRE MARRON : esclave en fuite (A 130)
MARRONAGE : grand marronage ou fait d'esclaves bien
décidés à fuir la condition servile; petit marronage ou
fait d'esclaves se cachant temporairement, par exemple à
la suite d'une faute (A 130-132)
MATELOT : associés dans le travail pour exploiter une
petite habitation (C 534)
MILICE : armée supplétive ou de réserve, formée en
"compagnies" et constituée dès le XVIIe siècle par les
hommes libres, blancs ou de couleur, pour repousser les
invasions extérieures et réprimer les mouvements des
esclaves. Les subdivisions correspondaient à celles des
"quartiers" (B 99 et 110; C 934 à 939)
MORNE : colline ou petite montagne au sommet arrondi mais
aux flancs abrupts (C 226)
PAS : mesure de longueur, variable selon les îles et les
périodes, par exemple de 3 pieds et demi à la Martinique
et 3 pieds à la Guadeloupe (C 575-576)
PéTUN : tabac; en fait, le mot "tabaco", utilisé par les
indiens taïnos de St-Domingue, désignait l'instrument que
l'on mettait dans le nez pour inhaler, et non la plante (C
37). La "livre de pétun" servit les premières années de
monnaie marchandise (C 659 à 684)
PLACE : terre vierge concédée qui, une fois défrichée et
mise en valeur, deviendra une "habitation" (C 1051)
QUARTIER : division administrative, préexistante à la
création des bourgs et paroisses qui s'y conformèrent, et
qui correspondait à l'établissement de la milice; terme
utilisé jusqu'au XIXe siècle (B 34 et 176; C 581)
ROULER : passer les cannes au moulin pour en extraire le
suc (A 137)
ROULAISON : époque où les cannes sont portées au moulin (A
148, B 167)
TERRE AU VENT ou TERRE DE HAUT ou CAPESTERRE : la première
aperçue par les navigateurs européens, donc à l'est
TERRE SOUS LE VENT ou TERRE DE BAS ou BASSE-TERRE : celle
à l'ouest (C 225)
TRENTE-SIX-MOIS : synonyme d'"engagé", le contrat d'enga-
gement étant de 3 ans.
VINAIGRERIE : ou rhumerie; annexe de la sucrerie (B 171)
VIVRES ou PLANTES VIVRIèRES : plantes déjà cultivées par
les caraïbes, qui constituent la base de l'alimentation et
sont cultivées dans les "jardins" des esclaves ou les
"habitations vivrières" : manioc, patate douce, pois
divers, giraumon ou potiron, chou caraïbe, maïs, fruits
divers, etc. (C 243 à 281)
Bibliographie :
A "Au temps des isles à sucre" Jacques Cauna Karthala
B "Documents d'histoire antillaise et guyanaise 1814-1914"
1979 Jacques Adélaïde-Merlande
C "La société d'habitation à la Martinique 1635-1685" 1980
Jacques Petitjean Roget