G.H.C. Numéro 42 : Octobre 1992 Page 664
Où l'on reparle du flibustier Pierre LELONG
ou "Les héritières" (1ère partie)
Bernadette et Philippe Rossignol, Jean de Saint-Jorre
Dans le numéro 12 de GHC, en janvier 1990 (pages 96-
97), nous découvrions Pierre LELONG et sa famille. Depuis,
nous avons eu connaissance d'éléments complémentaires et
nous avons repris les documents consultés en 1990
(dossiers de la série E en particulier).
La triste histoire d'Elisabeth LELONG
Elisabeth, née le 17 août 1733, avait trois ans et
demi quand son père, Pierre LELONG, mourut, âgé de 25 à 26
ans. Sa mère, Marie Anne PASQUIER, à peine remariée avec
le juge du Cap et lieutenant général de l'amirauté, Claude
de CLéRAMBAULT, mourut à son tour, onze mois après son
premier époux. A 4 ans et 8 mois, voilà donc Elisabeth,
qui était fille unique, déjà orpheline de père et de mère.
Ses oncles paternels ou maternels, directs ou par
alliance, se disputèrent son tutorat, car elle héritait de
"biens considérables au Cap". Son tuteur, confirmé par
jugement du Conseil Supérieur du Cap, en contradiction
avec Pierre LELONG du BONNET, son oncle paternel, fut le
sieur de LASSUS, écuyer, mari d'une de ses tantes mater-
nelles PASQUIER. Comme Elisabeth avait une petite santé,
M. de LASSUS décida de profiter du départ pour France de
son fils unique et de sa fille aînée, probablement pour
leurs études, pour leur confier sa petite pupille, leur
cousine.
Les trois enfants arrivèrent à Bordeaux fin 1739
(Elisabeth avait 6 ans). Le sieur Pierre de LASSUS,
habitant à Montréjeau (Haute-Garonne, entre Lannemezan et
Saint-Gaudens) et frère de celui de Saint-Domingue, alla
chercher son neveu, sa nièce et la pupille de son frère et
les mena à Toulouse puis à Montréjeau, sa maison, où tous
trois demeurèrent 18 mois. Le sieur COUZIER, médecin à
Montréjeau, réussit par ses remèdes à rendre une bonne
santé à la petite créole.
En 1741, le sieur de LASSUS, tuteur, arriva de St-
Domingue avec le reste de sa famille et s'établit à
Toulouse. Il mit ses trois filles et sa pupille en pension
à Toulouse, chez les Dames noires puis chez les reli-
gieuses de Sainte-Claire. Elles y restèrent aussi toute
l'année 1742 où le sieur de LASSUS fut fait capitoul.
Puis, ayant acheté la terre de Saint-Geniès (St-Geniès-
Bellevue, au nord de Toulouse ?), il y fut, après l'année
de son capitoulat, faire sa résidence avec toute sa
famille et, bien entendu, sa pupille, qui avait alors 8
ans.
A la fin du printemps 1745, le sieur de LASSUS de
Montréjeau, devenu contrôleur des fermes royales à Saint-
Girons, alla rendre visite à son frère à Saint-Geniès et
lui demanda sa fille cadette, Marie, pour passer quelque
temps à Saint-Girons avec lui. Elisabeth LELONG eut un tel
désespoir à l'idée d'être séparée de sa cousine que le
sieur de LASSUS l'emmena aussi. De nouveau malade (maladie
de poitrine), elle fut bien soignée par le sieur DUFOUR,
de Saint-Lizier, près Saint-Girons, où Elisabeth résida
quelque temps chez Madame de BIROS, une autre créole, pour
prendre les eaux.
Pendant tout ce temps, il fut impossible d'avoir
aucun revenu des biens d'Elisabeth à St-Domingue, biens
dont ses parents dans l'île, et en particulier le sieur
LELONG du BONNET, son oncle et autre tuteur, s'étaient
emparés. M. de LASSUS, son tuteur en France, avait
toujours entretenu sa pupille de ses propres deniers. Il
songea alors à l'établir, avec M. MALLET de FAUBEAU,
ancien habitant de Galan au diocèse d'Auch, à 10 km au
nord de Lannemezan, "vrai gentilhomme, fort riche et fort
sage". Cependant, aucune réponse ne vint des parents de
St-Domingue, sinon la visite du sieur PASQUIER, autre
oncle, maternel, d'Elisabeth, qui, ayant fait sa résidence
à Paris, passa à Toulouse quand Elisabeth était à Saint-
Girons, prétendant, sans preuve, avoir été nommé son
tuteur par le Châtelet de Paris.
Elisabeth LELONG, "ayant atteint sa puberté" (12
ans), voulut "prendre connaissance de ses biens et
rembourser son tuteur". Etant en pays de droit écrit, elle
se fit élire un curateur à Saint-Girons fin novembre
1745, le sieur Alexis FOURN, notaire à Saint-Girons, chez
qui elle logeait avec sa cousine Marie et le sieur Pierre
de LASSUS contrôleur. M. de BIROS, gentilhomme de Saint-
Lizier, nommé pour curateur à l'administration de ses
biens, partit pour St-Domingue.
Mais, fin 1745, Elisabeth entendit dire que le sieur
PASQUIER, son oncle, sollicitait une lettre de cachet pour
la faire enlever. Affolée, elle décida de se marier sans
attendre avec M. FAUBEAU de MALET. Le contrat de mariage
fut établi à Toulouse le 1° février 1746 par Me MICAS et
le mariage fut célébré à Saint-Girons trois jours après.
Dans un mémoire non daté, mais rédigé peu après le
mariage et d'où nous avons tiré les éléments précédents,
Elisabeth affirme n'avoir jamais été séduite et être très
attachée à son époux : la famille de St-Domingue avait dû
se manifester et crier à la séquestration devant ce
mariage pour le moins rapide : Elisabeth n'avait que 12
ans et 5 mois ! Il est évident que ce n'est pas elle qui
raconte l'histoire dans ce mémoire.
Elle mourut trois ans plus tard, le 25 décembre 1748
en mettant au monde une petite fille. En ce jour de Noël
s'achevait, à 15 ans et 4 mois, l'histoire d'une petite
fille riche, ballotée d'un lieu à l'autre et tiraillée
entre des adultes intéressés ou compatissants.
Postérité de Marie Anne Elisabeth LELONG
Jean de Saint-Jorre
I Marie Anne Elisabeth LELONG, fille de Pierre (neveu du
flibustier Pierre LELONG) et Marie Anne PASQUIER
o Saint-Louis du Morin (St-Domingue) 17 8 b 14 9 1733
+ Saint-Girons (Ariège) 25 12 1748 (en couches)
x Saint-Girons 4 2 1746 Jean Anne Bernard FAUBEAU de
MALLET, avocat à la cour du parlement de Toulouse,
habitant à Galan, diocèse d'Auch, fils d'Alexis et
Rose de PIQUE, habitant à Villeneuve Lécussan au
diocèse de Comminges
bx demoiselle PALAS
(acquiert le marquisat de Castelbajac)