G.H.C. Numéro 42 : Octobre 1992 Page 657

LES PEUX ET LEURS ALLIANCES

le  tout estimé à 36.000 livres.  Adélaïde LANTON  apporte 
3.000 livres,  sa contribution à la communauté,  un lit et 
une  armoire en bois de pays (90 livres),  des couverts en 
argent (660 livres),  une montre en or (450 livres).  Plus 
surprenants sont les deux apports suivants : une négresse, 
appelée  Martine,  et ses deux enfants,  évalués  à  6.300 
livres,  et  deux vaches (1.320 livres).  Sont mentionnés, 
les  droits de la future comme héritière de feu son  père; 
le contrat prévoit une donation entre époux et,  en cas de 
décès,  le  futur donnera 1.200 livres de pension  viagère 
annuelle.

     L'année suivante naquit Marguerite Catherine.  Pierre 
Félix,  légitimé lors du mariage, meurt à 3 ans (1809). Un 
quatrième  enfant  naît à Fort-de-France le 16  mars  1911 
(déclaré  le 30 mars).  C'est François,  notre  trisaïeul. 
Pierre  Barthélémy  PEUX décède le 2 février 1812  en  son 
domicile,  33 rue Blénac;  il avait à peine 34 an  (l'acte 
lui donne deux ans de plus, ce qui montre le peu d'exacti- 
tude  des  actes  d'état  civil à la  Martinique  à  cette 
époque). 
     Avait-il  été alerté sur sa mort  prochaine  ?  C'est 
probable,  car  il  a  fait  son testament  le  7  janvier 
précédent auprès de Me.  Bartouilh.  Il l'a dicté "dans sa 
chambre haute, alité mais sain d'esprit". Les clauses nous 
révèlent  un homme honnête et intègre :  "je veux que  mes 
dettes et torts si aucuns se trouvent,  soient réparés  et 
acquittés  par mon exécuteur testamentaire".  Il reconnaît 
devoir  990 livres à Monsieur Pascal,  des fournitures  de 
roches  et  sables  pour 1.215 livres et du  vin  pour  45 
livres.  Il a quelques créances dont celle  d'Etienne, dit 
Sarcus,  de  19 gourdes (monnaie utilisée à l'époque  dans 
les  Antilles françaises).  Il donne tous ses biens à  ses 
héritiers  naturels,  Monsieur  Buffet,  Directeur  de  la 
Bourse étant son exécuteur testamentaire.
Il signe Barthélémy PEUX après les quatre témoins requis.

                    Charles Numa PEUX

   Rappelons que le fils aîné de Pierre PEUX et d'Adélaïde 
LANTON était né en 1803,  mais a été déclaré seulement  en 
1807.  Il n'avait que 9 ans à la mort de son père et c'est 
probablement  sa mère qui veilla à son instruction.  Peut-
être fut-il pris en charge par la famille  poitevine,  car 
des études de droit l'amenèrent à devenir homme de loi. Le 
bulletin  officiel  de la Martinique de l'année 1829  nous 
apprend qu'il devient huissier à Fort-Royal.
     Peu  après,  il a des relations "coupables" avec  une 
certaine  Brigitte,  esclave  "libre de  savane",  ce  qui 
voulait dire sans propriétaire. En 1831, elle lui donne un 
garçon,  Gustave Philippe.  Le 9 avril 1832,  un arrêté du 
Gouverneur affranchit la "citoyenne Brigitte,  19 ans,  et 
Gustave  Philippe,  son fils de 10 mois";  ils sont inclus 
dans une fournée d'affranchissements d'esclaves  jouissant 
de la liberté de fait et recommandés par Monsieur REYNOIRD 
sur  la demande de veuve EDOUARD "pour jouir de ce jour et 
à  l'avenir de la liberté,  de la manière et  ainsi  qu'en 
usent  les autres libres et affranchis de cette île,  leur 
recommandant  un  dévouement sans bornes  à  la  colonie". 
l'acte   est  signé  DUPOTET,   Gouverneur  et   DESSALES, 
procureur  général;  il  fut  transcrit dans  le  registre 
d'état civil de Fort-de-France le 20 mai 1832.

     Gustave  Philippe  sera reconnu par son  père  le  11 
novembre  1848,  à 17 ans.  Il deviendra clerc d'avoué  et 
même  notaire en 1875.  Belle ascension sociale,  quand on 
est né esclave, de parvenir à cette charge !

     Charles Numa poursuivit sa carrière en Martinique. Le 
"Courrier  de la Martinique" de janvier 1851 nous  apprend 
qu'il fit plusieurs séjours en Poitou.  Il est greffier au 
Tribunal de Fort-de-France et adjoint au maire du Lamentin 
(Bulletin officiel de Martinique,  1841).  En 1850, il est 
nommé  juge de paix par intérim au Saint-Esprit,  puis  au 
Marin  en  1851.  "Il en est  fort  contrarié",  écrit  le 
Conseiller GARNIER, sans doute à cause de l'éloignement de 
sa famille,  car il s'est marié le 18 novembre 1848 devant 
Ernest  DEPROGE,   maire  de  Fort-de-France,   qui  s'est 
transporté  à son domicile route du Lamentin (pour  raison 
de santé certifiée par le docteur Aubry) :  en présence de 
sa mère il épouse Marie Josèphe,  41 ans, née au Lamentin, 
fille naturelle de Marie Josèphe Angèle décédée. Les époux 
légitiment deux enfants : Charles Marie Josias, né en 1843 
à Saint-Pierre,  et Jean Numa Roland,  né à Fort-de-France 
en 1847.

                      François PEUX

     François,  le cadet de Charles Numa,  est né en 1811. 
Orphelin de son père à un an,  il a été élevé par sa mère, 
Adélaïde   LANTON,   qui   lui  fit  donner   une   solide 
instruction.  A  21  ans,  il  eut une  liaison  avec  une 
mûlatresse de 17 ans,  Rose Louis.  Elle sera sa  compagne 
pendant 16 ans.  Qui était-elle ?  Née en 1816, elle était 
la  fille  légitime de Louis NANCY et d'Appoline  NOLIERE, 
mûlatres  tous  deux,  mariés le mercredi 24 août 1808  en 
mairie de Fort-de-France.  Dans l'acte d'état  civil,  les 
époux  reconnaissent  un fils,  né l'année  précédente  et 
appelé  aussi  Louis.  les témoins sont gens  de  couleur, 
artisans de Fort-de-France.  Les époux ont signé maladroi- 
tement au bas de l'acte : A. Pauline et Louis Nanci.

     Le  couple aura par la suite au moins trois  enfants, 
dont  Rose.  Louis NANCY exerce le métier de tailleur;  il 
était  né au Robert le 8 décembre 1774,  fils  naturel  de 
Marie  Françoise  NANCY.  Son appartenance aux  libres  de 
couleur  a été confirmée le 5 messidor An  XI,  enregistré 
sous le numéro 967.

     Appoline NOLIERE,  dont la liberté a été vérifiée  le 
28  fructidor An XI (numéro 2.001),  a 28 ans lors de  son 
mariage; elle était née à Fort-Royal le 23 septembre 1780, 
de  Casimir NOLIERE et Marthe,  mariés devant la loi  (ils 
sont  cités par Emile HAYOT dans son étude sur les gens de 
couleur à Fort de-France).

     Mais  revenons à François PEUX.  De  son  concubinage 
avec Rose Louis naquit à Fort-de-France un  garçon,  Louis 
Numa.  Le couple s'installe au Lamentin où il donne lejour 
successivement à :

- Rose Emilie Nancy, en 1836;
- Gertrude Rosilia, en 1838;
- Rose Eluma,en 1840,  qui épousera Jacques Arthur ALIVON;
- Rose Casimir Léonard Ernest, second garçon né en 1841.




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