G.H.C. Numéro 40 : Juillet-Août 1992 Page 620
Marie Antoine SAVART (1768 - 1845)
Jacqueline Chaneaux née Decoust
(voir GHC 91-68 et 97 et réponse p. 439; 92-1, 2 et 3)
Marie Antoine SAVART naît, le 10 décembre 1768, à
Basse-Terre. On le baptise trois jours plus tard dans la
paroisse St-François. Son parrain est "Messire Antoine
PELLETIER de LYANCOURT, chevalier, capitaine réformé des
canonniers bombardiers, et sa marraine, Dame Marie Jeanne
DEBURY, épouse du Sieur écuyer DUTOCQ de QUESNEL".
Son père, Sieur Marie Joseph Hyacinthe, maître-peintre, né
à Reims, est fils d'un procureur de ce bailliage, Maître
Pierre SAVART, et de Demoiselle Catherine HUSSON. Ce
parrainage noble peut être la conséquence, soit du métier
de son père, s'il était peintre de portraits, soit de
celui de son grand-père, procureur, les PELLETIER étant
originaires du Soissonnais, relativement proche de Reims.
Sa mère, Christine Elisabeth RISON (ou RIZON ou RIZOU),
descend, par la branche paternelle, des famille RIZOU et
DELEMESTRE, du Lot-et-Garonne; sa famille maternelle
(GOELIN et MATHIEU) n'est pas encore bien située géogra-
phiquement, bien que les GOELIN semblent avoir vécu en
Roussillon.
Le 2 janvier 1785, à tout juste 16 ans, il entre comme
caporal dans les Chasseurs privilégiés de la milice royale
du bataillon du Fort St-Pierre de la Martinique. Le 3
février 1789, on le nomme sergent. Le 1er mai 1793, devenu
lieutenant du Génie - inspecteur géographe, précise-t-il -
sous la direction de Rochambeau luttant contre les Anglais
et les Royalistes, il participe aux deux sièges de la
Martinique, de 1793 et 1794. Il y est fait prisonnier.
Rapidement relâché, il prend part à la campagne de
Brumaire An III (octobre/novembre 1794) en Guadeloupe,
d'où Hugues, envoyé par la Convention, essaie de chasser
les 8.000 Anglais qui s'en étaient emparé. Il se fait à
nouveau capturer, "en revenant de St-Eustache", à la
Guadeloupe, et condui(re) en Angleterre. A nouveau libéré,
c'est dans la 66ème demi-brigade de l'Armée du Rhin,
commandée par le général Moreau, qu'il entre le 11 juillet
1799. Le 14 janvier de l'année suivante, il est toujours
lieutenant au bataillon d'Indre-et-Loire dans l'armée
"d'Angleterre ou de l'Ouest", sous les ordres de
Bernadotte. En mai/juin 1800, il fait campagne sous le
commandement du contre-amiral Lacrosse.
Le 19 août 1800, affecté à la Légion expéditionnaire de
Saint-Domingue, il y est nommé capitaine de 2ème classe à
la 6ème compagnie de Fusiliers du 1er bataillon. Ses
adjoints, Soulier et Revel, qui l'accompagnaient déjà au
bataillon d'Indre-et-Loire, sont toujours à ses côtés,
respectivement lieutenant et sous-lieutenant.
La Légion de Saint-Domingue existe depuis 1766. En mars
1800, on organise à Brest une Légion d'expédition, devenue
la Légion expéditionnaire de Saint-Domingue, principa-
lement destinée à sauver cette île puissante et riche et à
la défendre contre les étrangers, en particulier les
Anglais.
Marie Antoine fait plusieurs campagnes : la première
(Brumaire An IX - octobre/novembre 1800) avec le contre-
amiral Ganteaume qui, parti avec 2.500 hommes, en ramène
environ 1.600 dont à peu près 600 malades, parmi lesquels
M.A. SAVART, resté au dépôt de Toulon (?); la seconde est
commandée par le général Leclerc, arrivé à Saint-Domingue
en février 1802. La situation, très tendue après l'arres-
tation de Toussaint Louverture, en mai, s'aggrave encore
avec Dessalines, qui le remplace. Leclerc étant mort de la
fièvre jaune, en novembre, Rochambeau lui succède et
Marie-Antoine fait avec lui ses dernières campagnes,
jusqu'à l'indépendance sans doute (1er janvier 1804).
Une action d'éclat figure sur son état de services : "A
défendu le poste de Bayonnais à Saint-Domingue contre les
généraux Claude Martin et Vernet qui voulurent l'enlever à
la bayonnette, à six heures du matin, avec cinq cents
hommes. Le combat dura jusqu'à dix heures et le capitaine
Savart, avec cent soixante chasseurs et ses officiers, les
mirent en fuite, en tuèrent deux cent cinquante et firent
un prisonnier; il se maintint dans son poste et perdit
peu de monde".
Une revue d'inspection de la Légion expéditionnaire,
passée (?) au camp de Kellerne le 1er Vendémiaire An IX
(23 8 1800) par le général de division Ernouf, renseigne
sur la composition de la 6ème Compagnie que commande Marie
Antoine, soit, outre deux lieutenants et un sous-
lieutenant, 96 hommes dont dix malades, répartis en : un
sergent-major, 4 sergents, un caporal-fourier, 9 caporaux,
78 fusiliers et 3 tambours. Suivent les appréciations
portées sur lui : "très instruit; exécutant aussi bien
qu'il démontre; (progrès) tous ceux qu'il a pu faire;
(fonctions qu'il est en état de remplir) au-dessus de sa
place; (moralité) bien élevé, des principes, de la
délicatesse".
Quant à sa vie privée, bien des précisions manquent. Une
lettre de 1823 mentionne "qu'il eut le malheur de perdre
son épouse et sa fille, décédées à bord de la corvette de
Sa Majesté "La Diligente", en allant de Saint-Domingue à
la Martinique". Aucun autre renseignement n'a pu être
obtenu sur ce premier mariage et le rôle d'équipage de "La
Diligente" n'a pas été retrouvé. Ces deux décès ont lieu
en juin/juillet 1802.
Ses parents sont venus vivre à la Martinique où son père
décède le 25 octobre 1801. Sa mère y séjourne peut-être
jusqu'à sa mort, en 1821, au Fort St-Pierre, comme son
époux.
Au début de 1805 un événement important - qui lui sauve
peut-être la vie - interrompt définitivement sa carrière.
Depuis deux ans, Napoléon Ier a repris son vieux projet de
débarquement en Angleterre avec l'installation du Camp de
Boulogne où il concentre des troupes. Ganteaume,
commandant-en-chef de l'escadre française, doit se rendre
en Martinique, puis revenir appuyer la flotte française au
moment décisif. Probablement dans le cadre de cette
opération, Marie Antoine embarque sur la frégate "La Ville
de Milan" qui se rend de la Martinique en France au début
de février. Après la capture de la frégate anglaise, la
"Cleopatra", les deux vaisseaux luttent dans une mauvaise