G.H.C. Numéro 35 : Février 1992 Page 524
Les ODET de CAMPRY de COLIGNY
Guyane, Martinique (C) puis Guadeloupe où il était capi-
taine en 1693. Il demanda alors un congé pour aller à
Sainte-Croix recueillir la succession du sr de SAINTE-
JOYE, lieutenant de roi, "son beau-frère" (?), et passer
ensuite en France, ayant été averti "que son bien périt en
France depuis près de 20 ans qu'il est abandonné." Il lui
faut pour cela deux ans; il demande donc qu'on dispose en
faveur d'un autre de la compagnie dont il est capitaine et
qu'on lui accorde à son retour la qualité d'enseigne de
vaisseau. Le gouverneur commente en marge de sa demande :
"il ne doit point lui être permis de revenir servir dans
les ports en qualité d'enseigne, au moins si promptement;
les brevets d'enseigne ont été accordés aux capitaines qui
sont dans les îles pour les engager à y rester sans
inquiétude et ils chercheront tous des prétextes pour leur
retour (en France) dès qu'ils espéreront que le service
des ports leur sera ouvert." (C/8a/7).
Il semble qu'il ait eu peu après, à propos de cette
demande ou pour un autre raison, une grave altercation
avec le gouverneur général à la Martinique. En effet, tant
dans la correspondance de Martinique que de Guadeloupe
(C/7a/4 et C/8a/8), en mars 1694, il est question de
"l'interdiction de M. (de) GALLON", qu'on lèvera s'il
donne "un mot d'honnêteté pour M. le comte de BLéNAC", ce
qu'il refuse de faire avec "obstination". BLéNAC demande
au ministre des instructions claires sur le sujet et
ajoute : "Le service du roi demande quelque exemple pour
ces gens-là." Enfin, le 30 septembre 1694, il fut permis
"au sieur GAALON, capitaine d'une compagnie, de se retirer
en France pour vaquer à ses affaires." Il fut remplacé par
le sieur MOREL de LA FOREST, enseigne de vaisseau.
Le voyage ne fut pas long car il épousa à Mont-
Carmel, dès le 22 août 1695, Anne Catherine GARBUZAL,
créole de Guadeloupe, fille de Messire Augustin,
conseiller au Conseil Supérieur, capitaine d'une compagnie
de milice, et de dame Anne Marie LE CORDELIER. Il en eut
six enfants, dont Jacob Alexandre (x Marguerite Antoinette
ODET de CAMPRY), puis se remaria avec Claire BRON, dont le
père, marchand né à La Rochelle, figure sur le recensement
de la "Religion prétendue réformée" de 1687, âgé de 39
ans, avec sa femme, Elisabeth JANSEN, 25 ans, et les trois
aînées de leurs enfants. Il en eut une fille née en 1713
et morte à 2 ans. On ne retrouve sur les registres de
Mont-Carmel ni le décès d'Anne Catherine GARBUZAL, ni le
remariage. Tous deux auraient-ils eu lieu à La Rochelle ?
On remarquera que le dernier enfant d'Anne Catherine
GARBUZAL, né en 1709, n'a été baptisé que deux ans après
et que sa marraine est la soeur aînée de la seconde épouse
GAALON. Le remariage était sans doute déjà célébré.
Les GAALON font parler d'eux :
La correspondance des gouverneurs de Martinique et de
Guadeloupe évoque souvent, nous l'avons vu, le sieur de
GAALON, et même sa femme. En voici d'autres exemples :
- 1696 : le sieur de GAALON, enseigne, remet un mémoire
sur la défense des îles (C/8a/9)
- 9 novembre 1706 : M. de LA MALMAISON, gouverneur de
Guadeloupe, émet de vives réserves sur la nomination de M.
de GAALON qui s'est présenté avec une commission de
colonel de milice de Guadeloupe, à cause de "plaintes
réitérées" faites contre lui. "J'ai aussi appris que feu
M. HOUEL, dont le frère aîné est actuellement capitaine au
régiment des gardes-françaises, a reçu une pareille
commission qu'il a supprimée pour ne se pas trouver cama-
rade et ne se point compromettre avec un aussi indigne
homme qu'est le sieur GAALON." On n'en saura pas plus !
Mais LA MALMAISON ajoute que "Monsieur le Général"
(GABARET, gouverneur de la Martinique) "en écrivait à
votre Grandeur (le ministre des colonies) et qu'il lui
avait proposé à la place les sieurs DOMONVILLE et de
LONGVILLIERS. Je ne puis m'empêcher, Monseigneur, de vous
informer de leurs débauches." Malheureusement, il ne peut
recommander personne d'autre, car les capitaines de milice
des îles "sont d'assez braves gens" mais n'ont ni la
naissance ni la fortune pour prétendre à cette place.
(C/7a/5)
- 4 mars 1708 : M. BACHELIER, major de la Guadeloupe,
écrit au ministre : "Depuis deux ans que je suis dans
cette île, je me suis attaché à connaître la conduite que
tenait le sieur de GAALON par rapport à tous les mauvais
traitements de paroles outrageantes qu'il reçoit conti-
nuellement. Je puis assurer à Votre Grandeur que je n'ai
rien trouvé de tout ce qu'on me voulait persuader de sa
mauvaise foi, de son peu d'honneur, de sa lâcheté (... au
contraire il mène) une vie bien réglée et sans reproche
quant à sa bravoure." (C/7a/5)
- 10 août 1708, commentaire du gouverneur LA MALMAISON :
M. BACHELIER "a de grandes relations avec ce Monsieur
GAALON, chez qui il est en auberge. Je suis persuadé que
c'est lui seul qui l'empêche de remettre la commission de
colonel, d'autant plus qu'il m'a dit lui-même que GAALON
sait que l'on ne pouvait rien faire, puisqu'il n'avait pas
été reçu (officiellement comme colonel de milice), comme
j'ai eu l'honneur de le marquer à votre Grandeur."
(C/7a/5)
- 8 septembre 1708 : M. BACHELIER rapporte que : "le 16
dudit mois d'août, une esclave de mondit sieur le
gouverneur insulta Mme de GAALLON, femme de condition, si
outrageusement que j'en fus surpris quand j'en fus
informé". Il en informa le gouverneur qui lui répondit
"qu'il n'était pas vrai que son esclave avait maltraité la
dite dame de GAALLON et que, d'ailleurs, elle ne devait
pas se scandaliser qu'on l'appelât putain, puisque son
mari l'appelait bien de ce nom et autres invectives. Je
lui fis réponse que, quand le dit sieur de GAALLON son
époux aurait eu la faiblesse, dans la promptitude dont je
ne le croyais pas capable, qu'il était permis à un mari de
dire ce qu'il veut à son épouse et très défendu à toute
autre personne d'insulter, d'outrager, de calomnier la
réputation d'une femme sur laquelle il n'y a rien à dire,
à moins que de s'exposer à subir les réparations qui
seraient ordonnées, si on en demandait justice et que
c'était autoriser des esclaves à en faire autant qu'ils en
voient faire à leur maître, ce qui est dur pour des
personnes qui sont nées de condition, laquelle est alitée
depuis ce temps par la douleur extrême qu'elle ressent."
Quel style laborieux ! Le lecteur se fera une idée
personnelle à partir de ces différents points de vue. On
remarquera que M. BACHELIER, major, était parrain de
Mathurin de GAALON en 1707 et que sa femme le sera de
Marie Angélique en 1713.
D'après la généalogie GAALON, le sieur de GAALON fut
révoqué de ses fonctions de colonel de milice "en 1708