G.H.C. Numéro 34 : Janvier 1992 Page 481
Recherches sur la famille de Louis Adolphe de MILLY
L'acte de mariage de Louis Lézin, en 1794, constitue
donc la pièce officielle la plus ancienne dont nous
disposons sur cette famille de MILLY et la seule qui nous
renseigne sur la date de naissance de celui-ci et sur
l'identité de ses parents. On ne doit pas s'étonner de
voir figurer le nom "MILLY", puisque, vers 1793 sans
doute, Louis Lézin a abandonné la particule "de", compro-
mettante pour un fonctionnaire du gouvernement.
La démarche logique consistait alors à diriger les
investigations sur les Archives de la Martinique, dont une
grande partie se trouve au Centre des Archives d'Outre-Mer
d'Aix-en-Provence, dépendant des Archives nationales, et
dont la plupart des documents importants ont été micro-
filmés et peuvent être consultés à Paris. Cette démarche a
déjà été faite dans le passé, malheureusement sans succès.
En effet, l'état civil de St-Pierre de la Martinique qui
subsiste actuellement ne remonte qu'en 1763, date posté-
rieure à la naissance de Louis Lézin, et les recensements
et autres documents ne font pas apparaître le nom de
"MILLY", à l'exception d'une Anne Françoise MILLY de LA
CROIX, native de Louisbourg au Canada, dont le mariage
avec Jean Charles DUTRONY DEVERJUZIèRE, écuyer, eut lieu à
St-Pierre le 19 novembre 1785. Cette constation pessimiste
nécessitait de rechercher des informations dans toutes les
directions.
Documents nouveaux
Des documents et des renseignements nouveaux ont pu
être obtenus de différents sources :
1°) Dans le Dictionnaire biographique du Canada (Univ. de
Toronto, 1966), vol III, de 1741 à 1770, se trouve une
notice sur une famille MILLY émigrée à Terre-Neuve, puis à
l'Ile Royale (île du Cap Breton) durant la première moitié
du XVIII° siècle.
Cette famille (MILLY de LA CROIX) a fait l'objet d'une
reconstitution à partir de l'état civil et de recensements
de ces deux îles.
2°) Dans les minutes des Notaires parisiens, a été
retrouvé un acte de notoriété établi à la demande de Louis
Adolphe de MILLY, en 1829, pour obtenir le droit
d'adjoindre la particule "de" au nom "MILLY", avec une
rectification de son état civil.
3°) Dans le Fonds Maçonnique (Bibliothèque Nationale),
l'appartenance de Louis Lézin de MILLY de LA CROIX à la
Franc-Maçonnerie est signalée à partir de 1775.
4°) Dans l'état civil du Mouillage de St-Pierre (Marti-
nique), on trouve mention du décès de Jeanne LEGAL, mère
de Louis Lézin, en 1808, et on découvre son acte de
mariage en secondes noces avec Jacques ROLLAND, avec
l'indication de son premier époux : Thomas MILLY de LA
CROIX.
1°) Famille MILLY de LA CROIX
La famille MILLY de LA CROIX, émigrée au Canada, a
fait l'objet d'une recherche qui a permis d'établir un
arbre généalogique assez complet (fin XVII°-XVIII° s.).
On remarque en premier lieu que cette famille ne
devait pas être inconnue de Louis Adolphe de MILLY, si on
se réfère à l'en-tête de la note de M. d'HOZIER, citée
précédemment : "MILLY (de) 1828, Martinique et Canada".
Jean MILLY de LA CROIX, chirurgien à La Rochelle, fut
le premier à émigrer de cette ville avant 1691, pour se
rendre à Plaisance (Terre-Neuve), où sont nés tous ses
enfants vivants : François, Jean, Thomas et Gaspard, qui
par la suite se retrouvèrent tous à Louisbourg (Ile
Royale) où ils obtinrent des concessions de pêche. Les
MILLY de LA CROIX eurent une certaine prospérité et
comptèrent parmi les familles notables de l'île, jusqu'à
la prise de Louisbourg par les Anglais en 1758, ce qui les
obligea à se disperser en Amérique continentale et en
France, notamment à La Rochelle, leur pays d'origine, dans
des conditions souvent précaires.
Parmi les petits-enfants, nombreux, de Jean MILLY de
LA CROIX, se trouvent deux Thomas : l'un, fils de François
MILLY de LA CROIX (fils aîné de Jean), né en 1726,
l'autre, fils de Thomas MILLY, né en 1729. Chacun des deux
serait d'âge à être le père de Louis Lézin de MILLY.
De cette génération se trouve aussi un François Marie
MILLY, fils également de Thomas, né en 1726, qui, après
avoir été, lui aussi, entrepreneur de pêcheries à
Louisbourg, se réfugia à La Rochelle en 1758, mais obtint
un poste de greffier, puis de juge de l'Amirauté, à St-
Pierre-et-Miquelon, en 1776. Il ne put conserver longtemps
cette fonction car l'arrivée des Anglais dans l'île
l'obligea à nouveau à émigrer en 1779 à La Rochelle, où il
mourut dans des conditions difficiles en 1783. Il laissait
notamment une fille, Louise, née à Louisbourg en 1753,
pensionnée de l'Etat comme réfugiée.
La chance a voulu que, dans le dossier de ce juge,
figure un document (10) particulièrement important pour
les recherches entreprises : il s'agit d'une lettre signée
par Louis Lézin ("L. MILLY"), fonctionnaire au Ministère
de la Justice, adressée à son collègue du Ministère de la
Marine le 13 février 1793. Il lui demande de lui
transmettre l'adresse de Louise MILLY (fille de François
MILLY, juge), sa "parente", qui jouit d'une pension de
réfugiée et demeure à Paris (de passage sans doute); il
veut lui demander "des renseignements dont j'ai indispen-
sablement besoin". Cette lettre établit donc une relation
de parenté plus ou moins proche entre Louis Lézin de MILLY
et la famille MILLY de LA CROIX, vivant au Canada,
relation que n'ignorait probablement pas Louis Adolphe.
Pour terminer, il est intéressant de constater la
coïncidence entre l'émigration de Jean MILLY de LA CROIX
vers l'Amérique et la date de la Révocation de l'Edit de
Nantes (1685). Elle pourrait laisser supposer son adhésion
à la Réforme dans une ville à prédominance protestante :
cela n'a pu être démontré jusqu'ici.
2°) Acte de notoriété
A la demande de Louis Adolphe, un acte de notoriété
(11) a été établi par M° Girard, notaire parisien, les 18,
19, 22 septembre 1829, destiné sans doute à être produit
devant le tribunal civil de la Seine, dont le jugement du
26 septembre suivant a autorisé la rectification du nom
"MILLY" en "de MILLY" sur les actes d'état civil du
demandeur. Dans cet acte, sept personnalités attestent
notamment :