G.H.C. Numéro 33 : Décembre 1991 Page 442
DEPUTES A LA CONSTITUANTE : Robert COQUILLE
B. et Ph. Rossignol
Robert COQUILLE, député de la Guadeloupe, était d'une
famille importante de l'île. C'est aussi une famille très
nombreuse, trop nombreuse pour être présentée ici. Nous
nous contenterons donc de la branche du député.
Il semblerait que les COQUILLE passés en Guadeloupe
fassent partie de la famille du Nivernais dont une branche
passa à Paris et donna un maître de la Chambre des
Comptes, mais la filiation exacte n'a pu encore être
trouvée.
Germain COQUILLE, né vers 1665 aux environs
d'Auxerre, bourgeois de Paris, contrôleur au bureau des
aides et droits de rivière à Melun, épousa à Eu, en
Normandie, vers 1697 (lacunes des registres) Marie
Madeleine GéRARD. Ils eurent quatre enfants dont le
premier et le troisième passèrent en Guadeloupe. Seul
l'aîné, Jacques Germain COQUILLE, conseiller au Conseil
Supérieur de Guadeloupe et procureur général, fut anobli
et enregistra ses titres en Guadeloupe le 2 juillet 1770.
C'est le père de Jacques COQUILLE DUGOMMIER, le célèbre
général DUGOMMIER de la Révolution française, qui était
donc écuyer.
Le député est fils du cadet, Robert, conseiller au
Conseil Supérieur comme son frère aîné. Marié avec Anne
Constance MARRE, d'une ancienne famille créole venue de
St-Christophe et établie à Trois-Rivières, il en eut
treize enfants entre 1739 et 1755, sept filles et six
garçons dont l'aîné était le futur député, Robert Jean
Baptiste. Selon l'usage, il garda le nom patronymique
seul, tandis que ses frères prenaient comme nom de branche
SAINTE-CROIX, CHAMPFLEURY, VALONCOURT et même COQUILLE
d'OURSIN... On avait de l'humour dans la famille!
Un neveu, venu rejoindre ses oncles Jacques Germain et
Robert et formant la troisième branche de la famille
guadeloupéenne, aura un fils nommé COQUILLE DESVAGUES.
Robert Jean Baptiste COQUILLE devait ses deux
derniers prénoms à son parrain, Jean Baptiste Thyrus de
PAUTRIZEL, chevalier de l'ordre de St-Jean de Latran,
commandant des Trois-Rivières; mais il est connu sous le
seul premier prénom, celui de son père.
Né à Trois-Rivières en 1742, il fit probablement des
études de droit en France : les COQUILLE étaient principa-
lement dans la magistrature, nombreux au Conseil Supérieur
comme conseiller, greffier, procureur, etc. Robert ne
manqua pas à la tradition familiale et fut donc conseiller
au Conseil Supérieur, procureur puis sénéchal, juge civil
et criminel à Marie-Galante.
Il était à Marie-Galante en qualité de procureur du
Conseil Supérieur (sans doute dès 1770, date de son
premier mariage), quand Messire Gabriel TEYRADE de
LOSSEDAT, écuyer, conseiller du Roi, sénéchal, juge civil
et criminel de police, commerce et navigation et subdé-
légué honoraire, mourut, le 15 avril 1781. Les adminis-
trateurs nommèrent alors provisoirement Robert COQUILLE
pour le remplacer comme sénéchal et juge par intérim. En
en faisant part au ministre, ils ajoutaient : "Quelle que
soit votre décision, Monseigneur, sur cette nomination
provisoire, nous désirons beaucoup qu'elle puisse assurer
à M. Robert COQUILLE l'office de sénéchal juge qui se
trouve vacant; la réputation de probité, de bonne
conduite, de talents et d'application qu'il s'est acquise
depuis qu'il exerce à Marie-Galante l'y a fait généra-
lement estimer et considérer. Ce serait pour la juri-
diction de cette île une excellente acquisition. On l'y
verrait avec plaisir en cette qualité et il n'est personne
ici qui ne donnât des applaudissements à un pareil choix."
Robert COQUILLE était aussi habitant sucrier à Capes-
terre. Il y épousa successivement deux soeurs COGNET
LEBRUN, filles d'un officier de milice d'une famille
ancienne et nombreuse de l'île, qui avait eu lui-même onze
enfants. Bien entendu, Robert demanda et obtint en cour de
Rome une dispense d'affinité au 1° degré pour épouser en
secondes noces sa belle-soeur. Curieusement, il épousa
l'aînée après la cadette.
On peut remarquer que le premier COGNET de Marie-
Galante, François, arrivé entre 1699 et 1707, une
vingtaine d'années avant les premiers COQUILLE, venait de
Champignelles près d'Auxerre, région d'origine des
COQUILLE. Simple coïncidence ?
Robert eut une fille de son premier mariage et une
fille et un fils du second. Ces trois enfants étaient
vivants lors du partage en 1805, après le décès de leur
mère veuve.
Robert COQUILLE, sénéchal à Marie-Galante, fut donc
élu député aux Etats-Généraux pour cette île, en même
temps que CHABERT de LACHARRIèRE et NADAL de SAINTRAC
l'étaient pour la Guadeloupe. Le 17 avril 1790, devant M°
Murat à Marie-Galante, il donne procuration à sa femme
pour administrer leur habitation sucrerie et tous leurs
biens; il est alors dit "sénéchal et habitant sucrier à
Marie-Galante, député de la Guadeloupe à l'Assemblée géné-
rale de la Nation".
Les trois députés partirent le 25 avril 1790 sur "La
Baronne de Baye", débarquèrent à Nantes en juin et arri-
vèrent à Paris le 22 juin. Sur le séjour métropolitain des
trois députés, nous renvoyons le lecteur aux études faites
par Pierre Bardin sur les députés des îles à la Consti-
tuante (GHC 3 pages 16-17) et sur NADAL de SAINTRAC (GHC 5
pages 34-35; et 9 page 66). Il ne semble pas que Robert
COQUILLE se soit particulièrerment fait remarquer à la
Constituante. Il rentra probablement à Marie-Galante dès
sa démission de la Constituante le 16 mai 1791. En tous
cas, il était présent à Capesterre le 24 janvier 1792,
pour le mariage de sa fille aînée qui épousait Jean VIDON,
son cousin germain (fils d'une COGNET LEBRUN). C'est Jean
VIDON qui sera plus tard associé avec la veuve COQUILLE,
puis tuteur de ses belle-soeur et beau-frère mineurs à la
mort de celle-ci. La masse de la succession, le 30
fructidor XII (22 septembre 1804) s'élèvera à 476.674
livres, partagées entre les deux mineurs, leur soeur
épouse VIDON ayant renoncé à sa part.
En 1792, lorsque la Guadeloupe se rebella contre la
France par fidélité au Roi, Marie-Galante s'insurgea
contre la Guadeloupe et refusa de remplacer la cocarde
tricolore, que "le roi lui-même" avait adoptée, par la
cocarde blanche. Elle renvoya le commandant militaire
DESNOYERS, proclama son indépendance de la Guadeloupe et
s'organisa, lors des réunions des 7 au 13 novembre, pour
se gouverner par elle-même, en nommant MURAT comme
président. Puis elle ouvrit ses ports aux américains.
Révision 26/08/2003