G.H.C. Numéro 32 : Novembre 1991 Page 429

UNE LETTRE DE CACHET EN 1758

  
hommes,   faite  à  Paris  pour  la  Compagnie  des  Indes 
(compagnie  de Bessan),  et arrivée à Lorient le  22  août 
1758 :
  Pierre RATIER CLAIRET (il signe Pierre RATIER CLERET)
  fils  d'Etienne et de Marie BARRé (sic),  natif de Tours 
  (St-Pierre du Chardonneret), 16 ans, 5 pieds, cheveux et 
  sourcils  châtains,  les yeux gris,  petit  nez,  bouche 
  moyenne,  menton rond et fourchu, visage ovale, plein et 
  marqué de petite vérole, une brûlure au poignet gauche.
  En marge :  sans profession;  il est connu de M. Etienne 
  Charlemagne  ROBERT,  maître jouaillier cour de Lamognon 
  (sic).
  Embarqué  sur  "le Dromadaire" le 21 janvier  1759  pour 
  l'Ile de France.
   Nous  avons alors consulté les registres paroissiaux de 
Port-Louis  de  l'île  de France (Maurice)  et  n'y  avons 
trouvé que la famille de Pierre RATHIER  DUVERGé,  commis- 
saire  de  la marine,  venu de Pondichéry vers  1788,  et, 
avant, de la Nouvelle Orléans.
   Nous n'avons pas continué la recherche dans la série  D 
(D/2a  et  D/2c).  Les registres en sont très nombreux  et 
l'Ile  de France n'est pas de notre domaine  géographique. 
Nous  en laissons le soin à l'auteur de l'article et  nous 
aimerions savoir de lui la suite de l'histoire !

COMPTE RENDU DE LECTURE
Pierre Bardin

          Musiques et musiciens de la Guadeloupe
                   le chant de Karukera 
                 Alex et Françoise Uri
 L'Harmattan, 7 rue de l'Ecole Polytechnique, 75005 Paris
                          390 F

     En  1919,   l'orchestre  noir  de  Will  Marion  Cook 
entreprend  une  tournée  en Europe.  A la  fin  d'un  des 
concerts,   le  chef  d'orchestre,   symphonique,   Ernest 
Ansermet,  écrit  dans  la "Revue romande" un article  qui 
fait sensation,  notamment avec cette phrase  prophétique, 
que je cite de mémoire,  "Regardez bien ce jeune nègre qui 
joue  de la clarinette,  il est en train d'ouvrir la  voie 
par  où va s'engouffrer la musique demain." Ce jeune nègre 
se  nommait  Sidney Bechet et la musique  de  jazz  allait 
bouleverser  le  monde musical.  C'est à cette  révolution 
pacifique que je songeais en lisant ce remarquable ouvrage 
dû à deux musicologues guadeloupéens,  un Capesterrien  et 
une Pointoise, Alex Uri et Françoise Lancréot-Uri.    
     Avec ce livre de grandes dimensions (31,5 x 23,5 cm), 
de 179 pages,  sous une forte couverture, à l'iconographie 
abondante,  écrit  comme  une partition symphonique et  se 
lisant comme un roman,  Alex et Françoise Uri nous livrent 
l'évolution  de  la musique depuis les  origines  caraïbes 
jusqu'à aujourd'hui,  en passant à travers les dièses, les 
bémols et les instruments qui les restituent,  inhérents à 
la rencontre voulue ou forcée d'éléments culturels,  venus 
d'Europe,  d'Afrique  ou des Indes.  La mutation  avec  ce 
continent  n'est pas traitée ici,  le phénomène étant plus 
récent,  encore  que  le disque produit par  Erik  Cosaque 
semble ouvrir la voie à la rencontre du matalon et du ka.
     Une recherche minutieuse,  sur plusieurs  années,  de 
documents  musicaux,  écrits ou  parlés,  iconographiques, 
ethno-musicaux-sociologiques (sans pédanterie), fait appa- 
raître  toute  la richesse et la diversité de  la  musique 
guadeloupéenne  qui,  aujourd'hui  avec Kassav comme  hier 
avec la biguine,  fait danser le monde. S'appuyant sur des 
textes dont l'autorité n'est pas contestée (le Père Labat, 
Moreau de St-Méry,  Gabriel Debien, Maryse Condé, Fernando 
Ortiz,  etc.), nous suivons l'évolution musicale et l'évo- 
lution sociale qui s'y rattache,  avec,  par  exemple,  la 
transformation  du  quadrille venu de France en  quadrille 
aux  commandements sur la Grande-Terre,  ou  encore  cette 
danse transportée d'Afrique, rythmée par les battements du 
gro-ka,  où  des  mayoleurs évoluent,  munis  d'un  solide 
bâton, arme redoutable que des arrêts peu respectés inter- 
disaient aux esclaves de porter. 
     A partir de 1888 jusqu'à 1953,  à travers le deuxième 
mouvement   intitulé  "les  années  flamboyantes",   c'est 
l'irruption de cette "musique des Isles",  où les noms  et 
les figures qui l'ont illustrée nous renvoient notre passé 
en  plein visage.  Je cite en vrac la Lyre guadeloupéenne, 
le Fairness's jazz, l'Orchestre philarmonique de Pointe-à-
Pitre,  Armand  Siobud,  Roger  Fanfan,  Germain  Calixte, 
Gilles Sala, Moune de Rivel, Paul-Emile Haliar, Al Lirvat, 
sans  doute  le dernier authentique trombone créole de  la 
lignée  Kid  Ory,  et le trio  magique,  figurant  sur  la 
couverture,  qui fit les belles nuits parisiennes (ah!  la 
Cigale), Sylvio Siobud, Gérard Laviny, Robert Mavounzy. 
  Je  n'aurais garde d'oublier ceux qui,  "au  Pays",  ont 
permis après 1960 le "deuxième bond", comme Typical Combo, 
Manuela Pioche,  Casimir Létang (cher Caso), Guy Conquête, 
Van  Lévé,  Jacques  Bracmord,  Georges  Plonquitte,  dont 
Carlos  a repris "Rosalie",  permettant ainsi de  retisser 
des  liens entre la métropole et les îles,  pour  aboutir, 
avec les frères Décimus, à Kassav ou Zouk Machine.
     Un livre indispensable,  vous dis-je, pour comprendre 
et  connaître  cette rencontre/fusion révolutionnaire  qui 
s'est produite là-bas, tissu musical dont notre vie quoti- 
dienne est imprégnée.

     En  lisant  cet ouvrage,  on peut se demander si  les 
Antilles, avec la Louisiane, n'ont pas été le creuset d'où 
est  sortie une grande part de la musique du  XX°  siècle. 
Prenons  trois exemples qui mériteraient une étude  appro- 
fondie.  Sur  le plan religieux,  la "Messe en cantique  à 
l'usage  des  esclaves",  écrite en 1763,  chantée par  la 
chorale  du  Baillif  en 1981 (grâce  au  Père  Fabre,  au 
Docteur Chatillon et Jacqueline Rosemain),  n'est-elle pas 
l'ébauche de ce qui va devenir le negro spiritual ? Citons 
les emprunts faits par Rameau aux Sauvages d'Amérique pour 
les  "Indes  galantes",  mis en évidence  par  le  Docteur 
Chatillon; avec les enregistrements historiques des années 
20  et  30  de  Stellio,  n'avons-nous  pas  là  tous  les 
ingrédients  qui se rattachent au jazz Nouvelle-Orléans  ? 
Aux auteurs de répondre,  car leur oeuvre, qui se clôt non 
sur un "final" mais sur un "point d'orgue" par sa qualité, 
nous  rend  exigeants.   La  préface  est  signée  par  le 
musicien, président du Conseil général, Félix Proto.

  Je  voudrais corriger deux petites erreurs  :  page  15, 
"sur le plan économique,  la Guadeloupe est moins prospère 
que la Martinique jusqu'au milieu du XX° siècle";  il faut 
lire  XVIII° siècle.  Quant au Chevalier de Saint-Georges, 
haute figure de la vie musicale au XVIII° siècle, il n'est 
pas décédé en 1801 mais le 20 juin 1799.

     Comme  nous entrons dans cette période de l'année  où 
les  cadeaux  à faire vont devenir une  préoccupation,  je 
recommande la consommation sans modération.




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Révision 26/08/2003