G.H.C. Numéro 30 : Septembre 1991 Page 391

Hubert de LOOUER
Bernadette et Philippe Rossignol

     Hubert  de  LOOUER,  dont il est  ici  question,  est 
présent  en Guadeloupe au moins depuis 1664 où il écrit de 
Guadeloupe,  le  4 février,  à sa mère,  "honnête et  très 
discrète demoiselle Madelelena MACHIELS",  à  Middlebourg. 
Nous  retranscrivons ci-après la traduction qu'a faite  de 
cette lettre M. de Jong van Hooven, avec difficulté car il 
s'agit d'un hollandais mâtiné d'allemand. Une autre lettre 
de  la même date était adressée à son frère Isaac  RUBENS, 
marchand  à Flessingue,  mais nous n'en avons pas fait  de 
photocopie.  Ces  lettres font partie du fonds de la  High 
Court of Admiralty à Londres (HCA 30,  647 part  1).  Voir 
sur ce fonds l'article publié dans le numéro 276 (1987) de 
la Revue française d'Histoire d'Outre-Mer (GHC 8 page 63). 
     Cependant,  Hubert  de  LOOUER n'est pas  recensé  en 
1664. Peut-être était-il arrivé depuis peu.
     En revanche, il figure dans le recensement de 1671, à 
la montagne de l'Espérance,  compagnie colonelle,  en tant 
qu'"habitant  maître de case" :  sieur Hubert  de  LOOURE, 
marié à Alida MICHAME,  avec un fils,  un serviteur blanc, 
une servante,  17 nègres,  14 négresses, 14 négrillons. Il 
est  "hérétique"  et possède 3 fusils,  4  mousquetons,  4 
pistolets et 2 coutelas; 10 chevaux, 7 boeufs, 3 vaches, 4 
veaux.
  Il  est  propriétaire  de  cinq  habitations  entre  les 
rivières aux Herbes et du Gallion,  dont la principale, de 
120  pas  de large sur 800 de haut,  comporte  "une  belle 
maison,  cuisine et autres cazes, un moulin, une sucrerie, 
une  escurie".  Les habitations sont cultivées  en  cannes 
(1400 pas),  vivres, savanes, ou à défricher. En outre, il 
est fermier des héritiers de Corneille SOUSLEVENT, habita- 
tion cultivée moitié en cannes, moitié en vivres.      
     Le 10 juin 1674,  une lettre du gouverneur général de 
BAAS, datée du 10 juin de cette année là, le dit "persécu- 
té  par  Monsieur du LION",  gouverneur de  la  Guadeloupe 
(C/8a/1).
     L'affaire  remontait à 1673 et à une supplique  à  du 
LION de Constance Van GANSPOEL, veuve de Jacob de SWEERTS, 
et   de  son  fils  Nicolas  de  SWEERTS,   pour  demander 
l'application  de  l'arrêt du Conseil Souverain du  2  mai 
1672, lui donnant raison contre Hubert de LOOUER qui, sous 
prétexte  d'une  procuration donnée par Paul  de  SWEERTS, 
frère de son défunt mari, cherchait à la dépouiller de ses 
biens.  Du  LION  semblait plus favorable à la veuve  qu'à 
LOOUER.
     Le  25  avril 1674,  de LOOUER présente  une  requête 
contre  le  projet d'établissement d'un  chemin  qui  doit 
traverser son habitation.
     Mais le gouverneur du LION meurt le 4 septembre de la 
même année. LOOUER n'était donc plus "persécuté".
     On le retrouve recensé parmi les membres de la "Reli- 
gion  prétendue réformée" le 4 mars 1687.  C'est un  riche 
habitant sucrier, capitaine de cavalerie, comme il est dit 
dans la déclaration de 1685, deux ans plus tôt. Il est âgé 
de 50 ans.  Avec lui sont recensés sa femme,  Mademoiselle 
Aleda MICHANS,  50 ans,  Hubert CNACK, 15 ans, Christophle 
VALLéE, 28 ans, tous aussi de la religion prétendue réfor- 
mée.  Il possède 40 nègres,  17 négresses, 5 négrillons et 
13 négrittes.  
      En  1698,  il  demande des lettres de naturalité  et 
celles-ci  arrivent aux îles alors qu'il vient  de  mourir 
(C/8a/10).  Nous  ignorons le sort de sa descendance et de 
ses habitations. 

Lettre d'Hubert de LOOUER
traduction de C. de Jong van Hoeven

Adresse : Honnête et très discrète demoiselle
          Madelena MACHIELS
          à Middelbourg

               Gardeloupe, anno domini 4 février 1664

          Ma très chère et bien aimée Maman,

     Depuis ma dernière lettre, nous n'avons rien de vous. 
Nous attendons tous les jours les navires,  dans  l'espoir 
de  recevoir  une  petite lettre de vous,  comme  nous  le 
désirons vivement.  Quant à moi,  je remercie le bon  Dieu 
d'être en bonne santé;  j'espère qu'il en est de même pour 
vous et que cela durera longtemps encore.
     La  situation  ici  pour la nation  hollandaise  sera 
mauvaise  parce que la Compagnie française a  interdit  le 
négoce et,  à cause de cela, nous sommes obligés d'envoyer 
tout notre sucre en France. Enfin, qui vivra verra. 
     Les  champs  de cannes sont prometteurs et il y  aura 
beaucoup de sucre et Monsieur de ROY me comble de faveurs, 
grâce  à Dieu;  il est en train de prendre en  charge  une 
bonne  partie  de mes dettes ( ou :  de faire rentrer  mes 
créances ?) et d'envoyer (l'argent ?) à la maison.  Pourvu 
que des navires arrivent! 
     Enfin,  je désire vivement voir arriver des nouvelles 
et des navires de notre patrie apportant du  ravitaillment 
(?).  Mais je pense, comme je l'ai déjà dit, que qui vivra 
verra.   
     J'envoie  mes  salutations cordiales à  vous-même,  à 
tous mes frères et soeurs et à mes amis, et je reste
                  votre serviteur et très humble fils
                         Hubert de LOOUER

                       Commentaires

     Cet ensemble de documents met en évidence l'importan- 
ce  économique des protestants hollandais au XVII° siècle. 
     Par  ailleurs,  on voit dans la lettre de 1664 à quel 
point  ceux-ci (et d'autres) redoutaient la Compagnie  des 
Indes   Occidentales  qui  venait  d'être  créée  et   qui 
remplaçait les "Seigneurs propriétaires" (le commandeur de 
POINCY à St-Christophe, DUPARQUET à la Martinique et HOUEL 
à la Guadeloupe) sous, et même avec lesquels il était aisé 
de  faire des affaires fructueuses,  même quand on n'était 
ni de la même religion ni de la même nationalité!  
     En  fait,  après quelques  années  d'inquiétude,  les 
riches  protestants hollandais comprirent qu'ils pouvaient 
très bien s'entendre aussi avec les gouverneurs nommés par 
le  Roi,  tout  à fait capables de voir  l'intérêt  qu'ils 
présentaient  pour les îles qu'ils administraient  ...  et 
pour eux-mêmes !    






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Révision 26/08/2003