G.H.C. Numéro 29 : Juillet-Août 1991 Page 358
DEPUTES A LA CONSTITUANTE : LARCHEVESQUE THIBAUD
passe un marché avec le citoyen GAUNY pour l'entretien des
trois parties de jardin, pour un salaire de 1.200 F par
an. Le 24 prairial an 4 (12 mai 1796), il donne procura-
tion à J.B. LARCHEVESQUE, demeurant au Cap (son parrain et
sans doute oncle, qui lui a servi de père), ou à défaut au
citoyen Thomas, ci-devant commandeur de son habitation au
quartier Vallière, pour gérer et traiter ses affaires dans
l'île (23). Il changera de procureur le 21 brumaire an 7
(13 novembre 1798), en nommant Thomas et Charles-Pierre,
frères, pour gérer l'habitation et en faire lever le
séquestre. Il est dit alors greffier en chef (24). Entre
temps, le 25 prairial an 6 (15 juin 1797), est née une
fille, Adélaïde Louise (25).
Un faux départ ?
Le 7 germinal an 8 (29 mai 1800), Jean-Baptiste
LARCHEVESQUE THIBAUD, commissaire du gouvernement près
l'administration de Choisy, nomme Pierre Bertrand Louis
BERNABON (ou BERNABEU), juge du tribunal civil de la
Seine, procureur pour gérer ses affaires en France (26).
Du Havre, sur "le Frederick", en partance pour St-
Domingue, il écrit, le 16 prairial VIII (5 6 1800) au
citoyen GRANET, chef de division au ministère de la Marine
et des Colonies, pour le remercier d'avoir fait admettre
ses enfants à l'institution nationale des colonies et
demander un certificat de résidence en France et de non-
émigration afin de récupérer ses biens qui sont sous
séquestre à St Domingue (27). Cet acte permettra plus
tard, en 1829, à ses enfants de bénéficier de l'Indemnité
pour son habitation caféière de la Plaine du Cap.
Mais fit-il vraiment le voyage pour récupérer ses biens ?
On peut en douter, ou alors ce ne fut qu'un aller et
retour rapide, car, à la fin de cette même année 1800, il
est associé, à Calais et Dieppe, avec Denis Hilaire
HERBAULT, et tous deux sont affrêteurs du brick danois
"L'Indianer". Ils eurent alors des tractations finan-
cières, objet d'actes judiciaires à Calais et St-Domingue
et de nombreux échanges de correspondances (entre le 6
thermidor an 8, ou 25 juillet 1800, et le 6 septembre
1805), avec Pierre Joseph DAUDASNE, commissaire des colo-
nies employé au ministère de la Marine à Paris, qui était
passager sur le dit brick, de relâche à Calais le 14
ventôse an 9 (5 mars 1801). Ces tractations portaient sur
une somme de près de 33.000 lt, obligation consentie par
LARCHEVESQUE THIBAUD, HERBAULT et Cie à DAUDASNE (28).
A quelle date quitte-t-il la France pour la Guadeloupe?
Je ne sais. Un document officiel, le "tableau nominatif
des commissaires de l'ordre judiciaire de la Guadeloupe"
(29), le donne comme avoué le 1° novembre 1808, à Pointe-
à-Pitre, où il mourra le 4 janvier 1817.
L'archevêque THIBAUD
Son comportement dans ces temps troublés et
exaltants, s'il n'a rien d'exceptionnel, relève d'une
sorte "d'opportunisme de survie". Il n'a pas, tant s'en
faut, la grandeur, dans ce moment, de ceux qu'il se vante-
ra d'avoir envoyé à l'échafaud, comme BLANCHELANDE ou
BARNAVE. L'aveu de "la colique scorbutique" le prouve
éloquemment. Sans peut-être le savoir, il était déjà entré
dans l'Histoire des "Constituants". En effet, on trouve à
la Bibliothèque nationale, dues à la plume d'un auteur
anonyme, des "Notices biographiques des Constituants de la
Révolution" (30). Ils n'y sont pas tous et ces notices,
rédigées vraisemblablement vers 1800, sont assez fantai-
sistes. Leur auteur aurait pu consulter les acteurs encore
vivants ou se renseigner auprès des parents, des amis, de
ceux qui furent emportés dans la tourmente révolution-
naire. Concernant notre député domingois, on peut lire
ceci :
"L'Archevêque THIBAUD est un citoyen estimable qui a
servi la Patrie comme il a servi les autels. Trop de zèle
ressemble au fanatisme, mais, dans la brillante et ora-
geuse époque des premières années de la Révolution, il
montra la modération d'un prélat et l'âme d'un citoyen
éclairé. (...) Ce qui doit ajouter aux éloges dus à
l'Archevêque THIBAUD, c'est qu'il a toujours défendu les
droits sacrés da la religion sans s'opiniâtrer à soutenir
les prérogatives de son ordre; il a été plus prêtre qu'ar-
chevêque, s'il est permis de nous exprimer ainsi. De
moeurs rigides, un désintéressement éprouvé, une modestie
sincère (...), le partage constant de ses revenus avec les
pauvres, sont sans doute de puissantes recommandations aux
yeux de la postérité. (...) Le sarcasme qui l'a poursuivi
longtemps a lui-même respecté la morale et la conduite de
ce prélat; il transporta sur sa patrie le zèle qu'il avait
pour ses devoirs religieux. (...) Nous ne prononcerons pas
sur les talents politiques et administratifs de THIBAUD,
quoique d'heureuses préventions parlent à cet égard en sa
faveur, mais nous appuierons sans crainte sur sa moralité.
(...) L'affaire des colonies fut une des occasions où il
se prononça avec le plus de sagesse et d'énergie. Il
appuya vivement la proposition contenue dans le rapport de
BARNAVE (...)."
On reste pantois en lisant ce texte invraisemblable où,
visiblement, l'auteur ignore de qui et de quoi il parle,
et on comprend qu'il soit resté anonyme !
Je me suis posé la question de savoir s'il n'avait pas
confondu avec un ecclésiastique, non pas archevêque mais
abbé, curé de Souppes, député de Nemours, Alexandre Marie
THIBAULT, qui prêta le serment civique, intervint sans
cesse, et fit tout pour faire admettre de CURT et GALBERT
comme députés de la Guadeloupe (31). Je n'ai pas trouvé de
réponse. Comme chez le "bon fabuliste", il y a une morale
qui s'impose : ne pas recopier, sans vérifier, toute
biographie qui peut servir à vos travaux.
Sources :
1. B/III/135, pages 453, 457, 459, 737, etc.
2. D/XXV/73.
3. C/32/267 Rapport du comité de vérification des
pouvoirs de plusieurs députés. Voir également le "Recueil
de documents relatifs à la Convocation des Etats généraux
de 1789" par Armand Brette (B.N. Usuels 185-188).
4. Archives Parlementaires AP XXI page 179.
5. Gazette nationale ou Le Moniteur universel n° 116
(B.N. Usuels P.204).
6. Col F/5b/34.
7. D/XXV/38.
8. C/71/701.
9. M.C. XLVI/550.
10. M.C. XVI/891.
11. Col F/5b/43.
12. Gazette nationale ou le Moniteur universel, dimanche
22 février 1793. (B.N. Usuels, P204).
13. D/XXV/73.
14. Ces documents sont au catalogue général de la B.N.
Révision 26/08/2003