G.H.C. Numéro 28 : Juin 1991 Page 343
Les familles MURAT et POISSON à Marie-Galante
Bernadette et Philippe Rossignol
Nous saisissons l'occasion de l'indignation de Pierre
Bardin à la fin de son compte-rendu sur la Deuxième
Biennale de l'Outre-Mer français, pour dire ici ce que
nous savons de la famille qui a laissé son nom au monument
le plus visité de Marie-Galante, siège de l'Echomusée.
Dominique MURAT, né à Capbreton en Gascogne, diocèse
de Dax, vers 1743, fils d'autre Dominique et de Catherine
DUCASSE, fut notaire à Marie-Galante et nous conservons
ses registres de 1790 et 1791, puis après une longue
période de lacunes dues à la Révolution, en 1804.
En fait, il était arrivé au moins vingt ans plus tôt
dans l'île. Il semble en effet qu'il ait eu, d'une femme
de couleur, un fils né vers 1771 et prénommé Modeste, qui
était, en l'an IV, caporal dans la première compagnie en
garnison à Marie-Galante. Modeste MURAT épousa à Grand-
Bourg, le 21 prairial VI (9 6 1798) Anne Rose TANNEUR, née
vers 1776 à Marie-Galante, fille de feu TANNEUR et de
Marie Anne.
Dominique MURAT n'était pas encore notaire mais habi-
tant à Capesterre quand il épousa, à Vieux-Fort de Marie-
Galante, le 3 février 1781, Françoise MOREL, native et
habitante de Vieux-Fort, fille de François et feu
Françoise VIELLARD. Leurs témoins sont Jean Baptiste Simon
DELABALLE fils, officier de milice à Grand-Bourg (qui
deviendra, 23 ans plus tard, le beau-père du fils unique
du couple), Pierre LARROUY, chirurgien et habitant, Louis
Appolinaire ABRAHAM VITTET, notaire royal, et Nicolas
LAROCHE, habitant, ces trois derniers de Vieux-Fort. Les
nouveaux époux ont obtenu dispense du 2° au 2° degré
d'affinité : ils étaient probablement parrain et marraine
d'un même filleul mais nous n'avons pas cherché qui.
Leur fils unique, Dominique Emmanuel MURAT, né à
Marie-Galante le 20 mars 1783, fut clerc de notaire chez
son père qui était notaire public et habitant caféier à
Capesterre, lors du recensement de 1796 (G1/502). Puis il
est seulement dit habitant à Capesterre, lors de son
mariage à Grand-Bourg, le 15 ventôse XII (6 3 1804), avec
Louise Jeanne Rose, dite Elise, DELABALLE, née le 23 mars
1788, fille de feu Jean-Baptiste Simon, capitaine de
milice, et de Louise Félicité BEILLERT. A partir de 1807,
il est habitant sucrier à Grand-Bourg, probablement sur
l'habitation de ses parents, alors trop âgés. En vingt
ans, Elise eut huit enfants et elle mourut, âgée de 37
ans, le 26 août 1825, neuf mois après la naissance du
dernier. Son époux mourut à Grand-Bourg-Campagne, le 22
septembre 1839, à 57 ans.
Nous ne savons pas quand le notaire MURAT acheta
l'habitation de Grand-Bourg où est construit le "château
Murat". Dans son étude sur "Les communes et les bourgs de
Marie-Galante", le R.P. Maurice Barbotin, à qui on revient
toujours quand il s'agit de cette île, se demande si "la
mise sous séquestre du tiers des biens de Marie-Galante et
leur liquidation n'est pas à l'origine de cette fortune
assez soudaine." Nous sommes tentés de partager cette
opinion!
L'habitation qui devint celle des MURAT appartenait
jusqu'à la Révolution à la famille POISSON. Cette famille
était importante au XVIII° siècle à Marie-Galante. Le
premier, Jean, vint de Martinique où il avait commencé à
servir dans l'Administration vers 1700, comme greffier de
l'Amirauté pendant 11 ans, puis greffier-notaire à St-
Pierre, greffier en chef pendant 8 ans et enfin conseiller
au Conseil Supérieur, en 1721 (d'après son dossier E337
bis et "Les officiers du Conseil souverain de la
Martinique" d'Emile Hayot). Il était un des deux fils de
Michel POISSON, originaire de La Rochelle et engagé le 5
mars 1660 à Dieppe pour 400 livres de pétun à Jacques de
LESTRE, puis maître sellier au Fort Saint-Pierre (d'après
"Personnes et familles à la Martinique" de Petitjean Roget
et Bruneau-Latouche). Un exemple de plus de l'ascension
sociale des premiers engagés et de leur descendance.
Jean POISSON, donc, le conseiller au Conseil Supé-
rieur de Martinique, épousa en premières noces Jeanne
PEIAN, fille de feu Pierre, habitant de Marie-Galante, et
de Jeanne DUCHESNE, remariée avec Jean Michel POISSON son
frère. Son habitation à Marie-Galante l'amena à y vivre
quelque temps avant de revenir résider à la Martinique et
y demander en 1720 et obtenir, le 9 juillet 1721, une
place de conseiller au Conseil Supérieur.
Sa première épouse mourut vers 1716, apparemment sans
lui avoir laissé d'enfant, et il dut solliciter un bref du
Pape pour se remarier avec Catherine PERAULT, car c'était
la nièce de sa première femme. Ce bref, expédié de Rome le
5 avril 1720, fut par erreur d'abord adressé à St-Domingue
et ce n'est que le 8 septembre 1721 que l'Intendant
BESNARD put autoriser le mariage (Col E337 bis).
En 1723, il fut proposé pour remplacer comme juge à
Marie-Galante notre ancêtre Barthélemy LATOURJEAN qui
avait fait fonction de juge jusque là sans pouvoir obtenir
une commission royale (voir GHC 3 page 21). En 1728,
LONVILLIERS de POINCY, alors lieutenant de Roi dans l'île,
voulait le renvoyer en Martinique parce que "le mariage du
sieur PASQUIER de VARENNES, procureur du Roi, avec la
belle-soeur du juge POISSON crée une situation peu toléra-
ble". Le mariage de Claude Antoine PASQUIER de VARENNES et
de Anne Rose PéRAULT (fille de feu PéRAULT et de dame
THUILLIER) avait été célébré le 13 janvier 1728 à Grand-
Bourg. Cela ne nous dit pas comment Catherine PéRAULT
était la nièce de Jeanne PEIAN. On ne retrouve aucun de
ces noms PEIAN, PéRAULT, DUCHESNE, THUILLIER, dans les
recensements de 1665 et 1680 de Marie-Galante.
Jean POISSON cumula les fonctions de conseiller au
Conseil Supérieur de la Martinique et de juge royal à
Marie-Galante. En 1747, on lui donnait du "messire". Il
fut inhumé à Grand-Bourg "dans la vieille église sous le
vent", le 15 janvier 1751, âgé d'environ 75 ans. Sa veuve
mourut le 19 novembre 1763, à 66 ans.
Jean POISSON et sa seconde épouse Catherine PéRAULT
eurent dix enfants. Un de leurs fils, Michel Jacques,
capitaine de milice, en eut seize de Marie Elisabeth
DUMOULIER, épousée en 1747, et un autre, Laurent Antoine
POISSON BONNAIR, huit de Marie POUTONNIER, épousée en
1757. Mais nous ne savons pas ce qu'est devenue cette
abondante descendance car le recensement de Réunion (nom
révolutionnaire de Grand-Bourg) en 1796, ne montre qu'une
"veuve POISSON", habitante de 70 ans, sur une habitation
caféyère. Plusieurs membres de cette famille, descendants
des deux frères cités ci-dessus, s'étaient établis à
Sainte-Lucie dès avant la Révolution.
D'après le R.P. Barbotin, c'est cependant cette habi-
tation caféière POISSON de Grand-Bourg qui devint l'habi-
tation sucrerie MURAT. Dans les registres d'état civil le
notaire MURAT est dit habitant à Grand-Bourg à partir de
1806, mais l'acquisition de l'habitation a pu être anté-
rieure.
Révision 26/08/2003