G.H.C. Numéro 28 : Juin 1991 Page 340
BOURDAISE de MONTéRAN et LE PELLETIER de LIANCOURT
Antoine de Yrigoyen, Bernadette et Philippe Rossignol
Monsieur de Yrigoyen nous signale le livre "Mémoires
de Louis Auguste Le Pelletier seigneur de Glatigny",
publié chez Hachette en 1896 dont voici un passage :
"Michel Antoine de BOURDAIZE de MONTéRAN, fils de la soeur
de mon père (Catherine LE PELLETIER, mariée en 1678 à
Antoine BOURDAIZE, commissaire provincial d'artillerie)
avait vendu tous les fonds et effets de la succession de
sa mère et avait acheté plusieurs habitations à la
Guadeloupe. Il était le parrain du Chevalier de LIANCOURT,
mon second fils (Antoine LE PELLETIER de LIANCOURT, né le
13 octobre 1738 à Compiègne).
En 1755, il me demanda fortement de lui envoyer son
filleul, qui était alors officier pointeur à l'Ecole de la
Fère, que je commandais. Je reçus des lettres pressantes
de deux personnes de ce pays-là, m'annonçant que mon
cousin était fort malade. Mon fils partit de Bordeaux; il
devait faire ce voyage en six semaines et fut trois mois
battu des vents. Enfin il aborda à la Guadeloupe et la
première nouvelle qu'il apprit fut que M. BOURDAIZE y
était mort il y avait cinq jours, mais qu'il l'avait fait
son légataire universel, par son testament du 28 mai 1755.
Mon fils eut très peu après une compagnie de canonniers-
bombardiers et se distingua lors de la descente des
Anglais à la Guadeloupe, et après la prise de cette île,
il se retira à la Martinique.
A dix-sept ans, il avait, par l'inventaire de son
cousin 1.723.000 livres de biens et était capitaine de
canonniers dans son Isle; sans la guerre avec les Anglais,
quelle fortune n'aurait-il pas faite ?
Il se maria au mois de mai 1761 avec Mlle de LONGVILLIERS
de POINCY, fille du gouverneur de la Martinique, petite-
nièce de M. de LONGVILLIERS de POINCY, chef d'escadre,
bailly grand-croix de l'ordre de Malte et gouverneur des
Isles sous le Vent, qui avait conquis l'Isle de St Chris-
tophe et autres Isles. Ils sont alliés aux CHOISEUL et à
beaucoup de grandes maisons de la Cour.
La guerre qui se déclara entre la France et l'Angleterre a
fait changer de face cette brillante fortune. La Marti-
nique a été prise par les Anglais au mois de janvier 1762
et nous attendons quel sera le sort de LIANCOURT, de sa
femme et de ses possessions, tant à la Martinique du costé
de sa femme qu'à la Guadeloupe."
Ce passage des Mémoires est accompagné d'un commen-
taire :
"Si la fortune d'Antoine LE PELLETIER de LIANCOURT eut à
souffrir de la guerre avec les Anglais, elle resta néan-
moins considérable. Il conserva à la Guadeloupe l'impor-
tante habitation de Beausoleil et acquit en France deux
grandes terres, la vicomté de Villers-Hélon en Valois et
celle de Crécy-au-Mont, située près de Coucy-le-Château en
Soissonnais.
Sa femme, Louise Luce de LONGVILLIERS de POINCY, dont on
voit encore le tombeau dans l'église de Villers-Hélon, est
morte le 23 septembre 1784.
Antoine LE PELLETIER de LIANCOURT, vicomte de Villers-
Hélon, a épousé en secondes noces Marie ANJORRANT, veuve
de M. de MONTMORT de BEAURAIN, comte de GLAIGNES. De sa
première femme il avait eu une fille et quatre fils,
savoir :
1 Louise Elisabeth LE PELLETIER de LIANCOURT, mariée à
Gilles Charles de MAUPEOU comte d'ABLEIGES, officier au
régiment des gardes françaises puis député de la Marti-
nique.
2 Louis François LE PELLETIER de LIANCOURT, qui servit
dans l'état major du régiment du Roi puis aux gardes
françaises et mourut jeune encore, avec un brevet d'offi-
cier supérieur. Sa femme, Marie Charlotte de BONNAIRE de
FORGES, périt sur l'échafaud le 9 avril 1794.
3 Louis Antoine vicomte LE PELLETIER de LIANCOURT, capi-
taine de frégate, qui, de son mariage avec Mademoiselle de
GAIGNERON de MORIN, n'a laissé qu'un fils mort sans posté-
rité.
4 Jean Marie LE PELLETIER de MONTéRAN, capitaine au corps
royal d'artillerie.
5 Félix Philippe LE PELLETIER des TOURNELLES, d'abord
officier de marine puis conseiller au Conseil Supérieur de
la Martinique. De son mariage avec Marie Elisabeth Céline
BAILLARDEL de LAREINTY, il eut un fils, mort jeune sans
avoir été marié, et une fille, Marie Victoire Désirée, qui
a épousé le comte de BOBERIL et en a eu un fils et une
fille."
Cet extrait est intéressant à plus d'un titre.
- Raison de l'arrivée aux îles de LE PELLETIER de
LIANCOURT : le rôle du parrain protecteur. Nous avons vu
dans GHC 25 pages 292-293 le cas HUVé.
- Durée du voyage entre France et îles.
- Raison du passage de la Guadeloupe à la Martinique :
l'occupation de l'île par les Anglais (1759 à 1763).
- Déformation de l'histoire : LONGVILLIERS de POINCY n'a
pas "conquis l'Isle de St Christophe". Il était commandeur
de l'ordre de Malte, gouverneur de St Christophe (de 1638
à 1660) et gouverneur et lieutenant général de toutes les
îles au nom de la Compagnie des Isles d'Amérique pendant
les premières années. S'il n'a pas "conquis" St Chris-
tophe, c'est en revanche bien lui qui prit possession des
îles de la Tortue (près de St Domingue), de Sainte-Croix,
de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Par ailleurs, aucun LONGVILLIERS de POINCY n'a été
gouverneur de la Martinique. Nous ne connaissons pas l'as-
cendance de Luce Louise LONGVILLIERS, épouse LE PELLETIER
de LIANCOURT, qui permettrait de connaître la charge exer-
cée par son père. Le mariage (en mai 1761) eut probable-
ment lieu au Fort-Royal, mais si les registres de cette
paroisse, conservés en un seul exemplaire non microfilmé
aux Archives départementales de la Martinique, commencent
en 1679, les doubles envoyés en France et microfilmés ne
commencent qu'en 1763 !
- Les noms de branches : Antoine LE PELLETIER de LIANCOURT
a nommé un de ses fils LE PELLETIER de MONTéRAN en souve-
nir de son généreux parrain (et oncle à la mode de Breta-
gne) BOURDAIZE de MONTéRAN. Celui-ci est effectivement
inhumé dans le cimetière de la paroisse Saint-François de
Basse-Terre, le 3 juin 1755. Il était alors conseiller du
roi, doyen du Conseil Supérieur de Guadeloupe, natif de
Paris, île Saint Louis, âgé d'environ 80 ans (il en avait
plutôt 75). L'acte ne donne pas ses parents; ce sont donc
ces "mémoires" qui nous renseignent sur ce point.
- L'habitation sucrerie Beausoleil est située à Basse-
Terre. On en trouve un inventaire détaillé chez M°
Vauchelet, établi du 23 au 25 juillet 1835. Elle apparte-
nait toujours, à cette date, aux héritiers LEPELLETIER de
Révision 26/08/2003