G.H.C. Numéro 27 : Mai 1991 Page 329

LOUIS DE CALBIAC (1763-1821)

les plus chers.
     En attendant, mon cher PASQUET, ne vous mettez pas en
peine pour votre frère, rien ne lui manque pour le moment.
Plaignez-moi seulement de ce que je ne puis encore m'arra-
cher  d'un  climat  où je reste à regret et que je  ne  me
déciderai  à quitter cependant que lorsque j'aurai  acquis
de  quoi  vivre plus aisément ailleurs.  L'époque  en  est
peut-être bien reculée, je la place au bout de cinq ou six
ans.  Mais si je suis trompé dans mon attente,  il faudra,
mon  ami,  y renoncer pour toujours et rouler sa  brouette
dans  ce maudit pays jusqu'à ce qu'elle se  brise  tout-à-
fait. Quoiqu'il en soit, ne portons pas encore nos regards
sur  cet  avenir funeste,  livrons-nous à une  plus  douce
espérance  et  jouissons,  par  anticipation,  du  plaisir
charmant de nous voir un jour tous réunis.  Si ce n'est là
qu'une chimère,  elle est au moins délicieuse pour moi, je
me  flatte de sa réalité et cette idée agréable ranime mon
courage  et endurcit mon coeur contre toutes les  rigueurs
du sort.
     Mais  six années encore sont bien longues,  mon  cher
PASQUET.  Retrouverai-je alors tous ceux que j'aime ?  Mon
père,  mon cher père,  est-il encore auprès de vous ?  Lui
sera-t-il  permis de revoir une autre fois sa  femme,  ses
enfants  et sa patrie ?  Père trop infortuné,  ah !  quand
pourrai-je  me jeter dans ses bras ?  Et ma pauvre  Maman,
mon excellente tante, mes bonnes soeurs, mes chers frères,
mes charmantes nièces,  et tous mes amis,  hélas ! je suis
condamné  peut-être  à  ne  plus les  revoir  de  la  vie.
Embrassez-les tous pour moi, je vous prie, avec transports
et  assurez-les  bien  que  mon  éloignement  de  tant  de
personnes si chéries est la seule peine qui m'accable.
     Adieu,  mon cher PASQUET,  rappelez-vous plus souvent
d'un  frère qui se trouve bien malheureux de  ne  recevoir
des  nouvelles de sa famille qu'une fois tous les siècles.
Je suis toujours tout à vous. Votre sincère ami

                                                  CALBIAC

     Je  viens  de  recevoir une lettre  de  mes  aimables
nièces,  une  autre de votre chère épouse,  par la voie de
DUPIN,  de retour de Bordeaux depuis peu de jours.  Il est
sur le point de repartir et leur remettra,  j'espère, lui-
même mes réponses.
     J'ai reçu le mois dernier une lettre de l'habitant de
la Virginie (4). Son épouse et lui se disposaient à passer
à  la Guadeloupe où tous les colons sont appelés par leurs
amis.  Il  se portait à merveille.  Sa chère moitié  était
toujours affligée de la mort de leur Mélanie,  leur second
enfant.

N.D.L.R.  Nous  rétablissons l'orthographe et la  ponctua-
tion,  Louis de Calbiac ayant une nette préférence pour le
point  virgule  au lieu du point.  Nous créons  aussi  des
paragraphes car cette longue lettre est rédigée d'un  seul
trait.

(1) 25 août 1801.
(2) Jean Jacques PASQUET, marié à sa soeur Marie Elisabeth
(3) La constitution de St Domingue,  remise à TOUSSAINT le
9 mai, fut approuvée par lui le 3 juillet 1801. Mais le 23
octobre,  BONAPARTE  nommera LECLERC commandant en chef de
l'expédition de St Domingue ...  (P.  Pluchon  "Toussaint-
Louverture")  La  "capricieuse fortune" ne regardera  donc
jamais "d'un oeil favorable" Louis de CALBIAC !
(4) son frère Guillaume de CALBIAC (voir introduction).

PUBLICATIONS

Pierre  Pluchon  nous signale et nous recommande  vivement
les ouvrages suivants :

                 Messieurs de Saint-Malo
        une élite négociante au temps de Louis XIV
                Thèse  d'André  Lespagnol,
           professeur à l'Université de Rennes
                Editions l'Ancre de marine
      4 rue Porçon-de-la-Barbinais, 35400 Saint-Malo
   867 pages en un seul volume, pas d'index ni de notes
      tiré à 1.000 exemplaires, 995 F + 35 F de port

Oeuvre d'une très grande qualité, bien écrite et d'un plan
très clair, qui fait revivre les extraordinaires aventures
de ces corsaires enrichis par la "micro course" contre les
caboteurs  anglais,  la "course moyenne" à l'entrée de  la
Manche  et  surtout la "grande course" vers les  côtes  du
Brésil ou du Pérou,  par le Cap Horn,  puis le commerce du
"moka"  avec le Yémen par le Cap de Bonne-Espérance ou des
"chinoiseries"  de  Canton.  Vers  1710  il  y  avait  une
quinzaine  de malouins millionnaires en livres,  dont  les
MAGON, qui donnèrent un intendant de St-Domingue.
(M.  André Lespagnol vient d'être élu,  le 26 mars, prési-
dent de l'Université de Haute-Bretagne, Rennes II)

        Le commerce rochelais face à la Révolution
    Correspondance de Jean Baptiste NAIRAC, 1789-1790
présenté par Jean-Michel Deveau, préface de François Furet
           La rumeur des âges, La Rochelle 1989

Correspondance  très intéressante qui évoque le  comporte-
ment des membres de la Société des Noirs, du Club Massiac,
de GOUY d'ARSY, entre autres.

        Journal de voyage à la Jamaïque, 1816-1818
  de Mathew-Gregory Lewis, traduit par Liliane Abensour
          chez José Corti, rue de Médicis, Paris
                     319 pages, 100 F

Style des récits de voyage du XVIII° siècle,  évoque  tous
les thèmes. Inédit en français.

  TOUSSAINT LOUVERTURE, d'après le général de KERVERSEAU
           rapport présenté par Pierre Pluchon
                        101 pages
          Le Natal S.A. B.P. 2498 Port-au-Prince

Très intéressant  témoignage sur le caractère de TOUSSAINT
LOUVERTURE.

                           ***

Découvert  au  Salon du livre,  une collection de  "guides
pour  voyageurs curieux",  appelée "Bonjour",  à  la  fois
guides  pratiques et beaux livres,  où on trouve la Guade-
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97122 Baie-Mahault.




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