G.H.C. Numéro 27 : Mai 1991 Page 326
LES CARAIBES A LA GUADELOUPE AU XVII° SIECLE
du principe que l'on ne prête pas d'argent à ceux qui ne
pourront pas rembourser. Ce que l'on peut dire également
de cette dette, c'est qu'elle est déjà ancienne d'au moins
quatre ans car l'unité utilisée était en 1664 la livre de
sucre et cela depuis les années 1660; elle avait alors
remplacé la livre de pétun.
Un autre élément confirme sa position sociale, ce sont les
alliances contractées par ses filles : en 1664 trois
d'entre elles ont épousé des européens; en 1671 elles
seront deux de plus.
Mais je pense que l'apogée de sa situation sociale se
situe entre son arrivée dans le quartier après 1641 et la
fin des années 1650, car en effet déjà en 1664, sa posi-
tion sociale décline et, en 1671, elle a complètement
basculé. S'il est toujours cité comme maître de case, il
n'est plus propriétaire depuis peu : il vient de vendre sa
place à M. de PRAILLES, capitaine du quartier et proprié-
taire d'une sucrerie. Et, comme le pense Gérard Lafleur,
ce n'est effectivement pas un hasard s'il s'agit du capi-
taine du quartier; on est droit de penser qu'il s'agit
soit d'une spoliation de sa terre, soit d'une vente
forcée; et ce pour plusieurs raisons :
la première est que son habitation, associée à celles
limitrophes ou très voisines de ses gendres, formait un
ensemble de plus de 10 hectares, donc assez important et
certainement rentable et facile à exploiter.
la seconde c'est qu'il n'avait pas l'intention de quit-
ter le quartier puisque sa descendance y restera, et qu'il
aurait pu envisager de s'installer sur une nouvelle terre
encore vierge, celle de la Grande Terre où l'un de ses
gendres s'est installé peu avant 1671.
la troisième et la principale c'est que l'on assiste, à
cette époque, à la transformation progressive et profonde
de l'économie de l'île. Initialement tournée vers la cul-
ture du tabac nécessitant de petites parcelles de terre
exploitables par une ou plus souvent deux personnes,
exploitations rentables à peu de frais, elle s'orienta,
après la chute du prix du tabac, et même dés 1640, vers la
culture de la canne à sucre avec ses grandes exploita-
tions, faisant appel à une main d'oeuvre servile de plus
en plus importante. En 1671 on arrive à la fin de la
période du tabac.
La reconstitution des différentes parcelles du quar-
tier de l'Islet à Goyave à partir du recensement de 1671
est rendue très difficile par le manque de détails sur
certaines concessions dont il manque les limites et la
superficie.
Gérard Lafleur a essayé d'établir ce plan et il en
ressort que la place de Jean SANCE se trouve entre deux
plus grandes parcelles appartenant toutes deux à M. de
PRAILLES. On comprend alors l'intérêt que représentait,
pour ce dernier, l'acquisition de cette terre, permettant
ainsi de relier ses différentes parcelles sur lesquelles
il a l'intention, toujours d'après le recensement de 1671,
de faire une sucrerie.
Jean SANCE se retira probablement dans le bourg de
Pigeon où sont également recensés deux de ses gendres :
Charles LEFEVRE et Charles LA RIVIERE, tapouy.
Que dire des autres gendres ? Ils sont trois en 1664 et
6 en 1671. En 1664 les trois vivent en matelotage, c'est à
dire associés avec un autre individu pour l'exploitation
d'une parcelle concédée. Florent COMMERE possède une
petite habitation de 1,5 hectare; Claude DOMALIN possède
deux parcelles qui font près de 5 hectares; ces trois
habitations sont cultivées sur la plus grande partie en
vivres, le reste étant en bois debout. Jean ESTIEBLE,
autre gendre, non présent en 1664, possède une parcelle au
même quartier avant 1671, car on en retrouve les limites
dans le terrier de ce recensement. Il a probablement vendu
cette parcelle au sieur de PRAILLES, pour suivre l'émi-
gration vers la Grande Terre où il s'est installé au
quartier des Citronniers.Il y possède une habitation de
200 pas sur 1000, soit près de 20 hectares, donc de loin
la plus importante de tous les gendres SANCE.
Le dernier gendre, Jean FREUET, figurant dans le recense-
ment de 1664, n'est pas cité dans celui de 1671, non plus
que son épouse; ont-ils quitté l'île ?
Eléments de généalogie
Cette famille est restée dans ce même quartier jusqu'au
moins la fin du XVIII°siècle. Malheureusement les regis-
tres de Bouillante débutent fort tard, en 1752, et il est
difficile d'établir une filiation certaine avec les
premières générations que nous venons de voir.
I Jean SANCE
o ca 1614 +1671/
Habitant maître de case à l'Islet à Goyave, quartier de
Pigeon en 1664/71, il vend ses terres au Sieur de
Prailles peu avant 1671 et s'installe au bourg de Pigeon
En 1671, il possède 1 fusil et une espée et a avec lui
un nègre et une négresse.
x /1664 Glaudine, également qualifiée de négresse en
1664 o ca 1634
En 1671, sa femme est appelée Marie. S'agit-il de la
même ou d'une seconde épouse ?
Il eut d'un premier lit:
1-? Jacquette o ca 1644
x /1664 Claude DOMALAIN, o ca 1640, habitant maître de
case en 1664, case n° 21 de l'Islet à Goyave. Ils
sont alors recensés avec Marye Sence, leur fille, 9
ans et Jeanne Sance, fille 20 ans. Autant Marye
pourrait être leur fille ou la soeur de Jacquette,
autant Jeanne doit être une soeur de Jacquette.
Il est alors associé avec Jean PETIT, 40 ans.
En 1671, il exploite seul son habitation, ils ont
alors un garçon et une fille, peut-être Marie.
Leur descendance s'installera à la Pointe Noire.
2- Jeanne o ca 1644
Il eut avec Glaudine:
3-? Madeleine o ca 1646
x /1664 Jean FREUET, o ca 1637, habitant maître de
case à l'Islet à Goyave, case n°17 en 1664, associé
avec Pierre BONDEL 15 ans.
Ils ne figurent pas sur le recensement de 1671
4-? Louise ou Luce, o ca 1648, qualifiée de négresse en
1671
x /1664 Florent COMMERE ou Fleurant COMMET, o ca 1639,
habitant maître de case à l'Islet à Goyave en 1664
et en 1671. Il est associé en 1664 avec Jean
SENOZELIN, et en 1671 avec Jean ENRECQ.
Il possède 2 fusils, 1 pistolet et une espée.
Ils auront un garçon et une fille nés entre 1664 et
1671.
5- Jeanne o ca 1651
Révision 26/08/2003