G.H.C. Numéro 26 : Avril 1991 Page 312
ARMAND BARBèS, HOMME POLITIQUE DU XIX°
Bernadette et Philippe Rossignol
Un récent article du Monde (24 11 1990) signalant
qu'Armand BARBèS, républicain du milieu du XIX° siècle,
curieusement associé à l'abbesse de ROCHECHOUART par le
métro parisien, était né à Pointe-à-Pitre, nous avons
voulu savoir s'il était vraiment "créole".
Le Dictionnaire de biographie française (article d'A.
Rastoul) nous dit qu'il était "languedocien par son père,
le docteur Auguste BARBèS, de Capendu (Aude), créole des
Antilles par sa mère, Marguerite BERBAS" et né le 18
septembre 1809. Notons au passage que le nom de sa mère
est l'anagrame de celui de son père ! Nous apprenons aussi
que le père, libéral, destitué par la Restauration, revint
en France en 1814 avec sa famille et se fixa près de
Carcassonne "où il acquit la belle propriété de Fourtou."
Armand fit ses études au collège de Sorèze. Le reste fait
partie de l'histoire de France.
Auguste BARBèS, médecin du gouvernement à la Pointe-
à-Pitre, fils de feu Jean et Marie THORE, bourgeois de
Capendu, épousa en effet à la Pointe-à-Pitre, le 18 fruc-
tidor XIII (5 9 1805) Marguerite BERBAS, native de la Baye
Mahaut, fille de feu André, médecin de la faculté de
Montpellier, habitant du Gosier, et de dame Elisabeth
CHABERT LACHARRIèRE "ayant son dernier domicile à Basse-
Terre, résidante à présent au quartier de la Baye Mahaut".
Voilà des noms bien guadeloupéens que vous avez déjà vus
dans des numéros précédents de GHC. Consultez les index !
Voyez en particulier l'article page 99 sur les médecins de
Guadeloupe, où apparaît André BERBAS, et, Elisabeth
CHABERT de LA CHARRIèRE étant la soeur du député de la
Constituante, les articles sur celui-ci et sa famille.
Le couple BARBèS eut, semble-t-il, deux enfants seu-
lement, l'aîné étant précisément Auguste Armand, né le 18
septembre 1809 et déclaré quatre mois plus tard, le 23
janvier 1810, et la seconde Augusta Charlotte, née le 26
décembre 1812 et déclarée aussi quatre mois après, le 5
avril 1813. Cette dernière est peut-être la future Madame
CARLES qui, selon le Dictionnaire de biographie française,
alla intercéder pour son frère en 1839 auprès du roi
Louis-Philippe (audience obtenue par l'intermédiaire de
LAMARTINE) et obtint que sa condamnation à mort pour avoir
fomenté l'insurrection de 1838 fût commuée en détention
perpétuelle au Mont-Saint-Michel puis à Nîmes.
Signalons enfin que la signature d'Auguste BARBèS
semble indiquer une appartenance à la franc-maçonnerie.
L'oncle Louis FRAISE et ses épouses
Au cours de cette recherche dans les registres de
Pointe-à-Pitre nous avons découvert un beau-frère
d'Auguste BARBèS dont la vie conjugale fut agitée.
Tout commence par une demande de divorce le 17 ther-
midor III (4 8 1795). Louis FRAISE, 37 ans, natif de
Carcassonne (Aude), fils de feu Antoine, négociant et
d'Anne VAYSSE, lieutenant à la 8° compagnie du 3° batail-
lon sans-culotte, actuellement en la cité du Port de la
Liberté (nom révolutionnaire de Pointe-à-Pitre), déclare
qu'il y a environ 14 ans il contracta mariage au dit lieu
de Carcassonne avec Anne BARBèS, alors âgée de 16 ans,
fille de feu Jean et de Marie THORE,
"mais que, par incompatibilité d'humeur et de caractère,
il se vit forcé, après un an d'habitation avec la dite
Anne BARBèS, de se séparer d'elle et qu'il se décida le 14
décembre 1788 à passer aux colonies,
que son arrivée en cette île a eu lieu le 1° février
suivant mais que depuis plus de 7 ans qu'il habite cet
archipel, il a été entièrement abandonné de son épouse
(sic!) et que déjà plus de cinq ans se sont écoulés sans
avoir reçu de cette dernière aucune nouvelle,
que cet abandon absolu et que ce défaut de nouvelles
pendant un temps aussi considérable sont deux causes légi-
times de divorce, d'après la loi du 20 septembre 1792 qui
dit, 1° article, que l'abandon de la femme par le mari ou
du mari par la femme pendant deux ans au moins ou l'ab-
sence de l'un d'eux sans nouvelles pendant cinq ans sont
deux causes qui déterminent le divorce, et porte, article
15, qu'en ce cas il n'y a aucun délai d'épreuve,
que c'est d'après ces motifs qu'il déclare faire divorce
avec Anne BARBèS son épouse et demande qu'il y soit statué
sans délai."
Il lui est répondu avec le même genre d'argument que,
conformément à l'article 18 de la loi du 20 septembre
1792, on le renvoie "par devant les arbitres de la famille
pour, sur leur avis, être statué ce que de droit." !
Que se passa-t-il ensuite ? Louis FRAISE repassa-til
en France négocier le divorce ? Il faudrait consulter les
registres de Carcassonne ou de Capendu. Est-ce à cette
occasion qu'il parla à son beau-frère Auguste BARBèS de la
Guadeloupe et lui donna l'idée de s'y établir ?
Toujours est-il que, le 4 mars 1806, Marie Anne
ROUSSEAU veuve GOUFFRAN, épouse de M. Louis FRAISE,
adjudant de la garde nationale, déclare que, le 18 germi-
nal VIII (8 4 1800), elle est accouchée de Marie Augustine
de ses oeuvres et de celles de Louis FRAISE, reconnue et
légitimée par leur mariage le 18 prairial VIII (7 6 1800).
Malheureusement il n'est pas dit où a été célébré le
mariage; si c'est à Pointe-à-Pitre on ne peut le retrouver
car on n'a pas conservé les mariages de l'an VII et VIII.
Mais il faut nécessairement que le divorce d'avec Anne
BARBèS ait été prononcé ou qu'elle soit morte avant 1800.
Le 16 avril 1809, Gentil PéDURAND, négociant, et
Gaspard RADELET, sous-contrôleur de la douane, déclarent
que dame Marie Anne ROUSSEAU, 46 ans, née dans l'île
Noirmoutier en Vendée, veuve en 1° noces de Jean Baptiste
GOUFFRAN et épouse séparée de corps et de biens de Louis
FRAISE, est décédée la veille en sa maison sur le quai.
Décidément, Louis FRAISE ne restait pas en ménage
très longtemps : sept ans avec la première épouse, à peu
près autant avec la deuxième.
En effet, le 27 avril 1810, Louis FRAISE, maintenant
habitant propriétaire aux Abymes, se remarie pour la
troisième fois. Il est précisé qu'il était époux séparé de
corps et de biens par sentence du tribunal de 1° instance
de Pointe-à-Pitre du 30 mai 1806 avec feu dame ROUSSEAU
veuve GOUFFRAN.
Et la même situation s'est reproduite : il vivait "en
cohabitation hors mariage" avec cette 3° épouse, Marie
Cirille MICHEL, habitante des Abymes native du Gosier,
fille de feu Jacques et de Marie Catherine BOULAY. Il en
avait eu, le 6 juin 1807, Pierre Henri, déclaré le 11
novembre suivant, et, le 11 mars 1809, Louis Henri, décla-
ré le 8 mai 1810 par le père qui précise qu'il est reconnu
et légitimé par l'acte de mariage.
De cette épouse, il ne se séparera pas. Elle meurt
avant les sept ans fatidiques, le 11 mai 1814. Et dès le
12 décembre de la même année, Louis se remarie pour la 4°
et dernière fois. Il est major du bataillon de milice de
la Pointe-à-Pitre, il a 56 ans et il est dit veuf en 1°
noces sans enfant d'Anne BARBèS, veuf en 2° noces avec un
Révision 26/08/2003