G.H.C. Bulletin 24 : Février 1991 Page 281
EUSTACHE BRUIX, CREOLE DE SAINT-DOMINGUE, AMIRAL DE FRANCE
L'acte religieux indique que le marié est né sur la
paroisse Notre-Dame de l'Assomption en l'isle St Domingue.
Il s'agit de Ouanaminthe, dont les registres manquent de
1756 à 1760; même lacune pour Fort-Dauphin dont dépendait
Ouanaminthe. On trouve le décès sur cette paroisse en
1746, le 28 mai, de Pierre CAVELIER de LA GARENNE, 58 ans,
natif de Brouage en Saintonge, sur son habitation du
Maribaroux (vraisemblablement le grand-père maternel du
futur ministre) et le mariage au Cap Français d'une de ses
soeurs, Marie Rose, avec le chevalier GRENON de LA
ROZELIèRE, le 24 janvier 1780. Ces renseignements figurent
dans le n° 2 de GHC (89-3 N.D.L.R.).
Pour la naissance, il faudra donc s'en tenir à celle
que donnent les historiens, notamment Etienne Taillemite
dans son "Dictionnaire des marins français" : 17 juillet
1759, pas au Fort-Dauphin, mais bien à Notre Dame de
l'Assomption d'Ouanaminthe.
D'où venait cette famille ?
Chaix d'Est-Ange, dans son "Dictionnaire des familles
anciennes" (5), note qu'elle est originaire du village de
Bruix, aux environs d'Aire sur l'Adour, en Chalosse. Il
constate qu'il n'en a été fait aucune généalogie et qu'on
a sur elle des renseignements incomplets. Il indique
qu'une branche, fixée à St Domingue au XVIII° siècle,
donnera naissance à notre futur ministre. Le titre de
Baron semble porté depuis fort longtemps dans la famille.
Il apparaît, après une étude rapide à travers les
documents en notre possession, que le nom de BRUIX est
présent aussi bien dans la Marine que dans l'Armée de
Terre.
Ainsi, Pierre de BRUIX (6), lieutenant du régiment de
Navarre, puis lieutenant à St Domingue et capitaine le 25
août 1754, est vraisemblablement le même que celui qui
figure comme capitaine commandant les milices de la
paroisse d'Ouanaminthe, signalé "servant depuis 1742" (7).
On peut dire sans risque d'erreur que c'est le futur époux
de Marie Madeleine CAVELIER de LA GARENNE et donc le père
d'Eustache et de Marie Rose.
Mais qui est ce Pierre de BRUIX, "gentilhomme", qui
commença à naviguer en 1766, sera officier de la Compagnie
des Indes, lieutenant de frégate le 22 avril 1780, sous-
lieutenant de vaisseau en 1786, signalé "dans l'Inde" en
1787 (8) ? Une piste est peut-être fournie par le mariage
à Paris, paroisse Saint-Gervais, le 27 février 1772, de
"Pierre Etienne de BRUIX, chevalier des barons de Bruix en
Chalosse, en Gascogne, âgé de 44 ans, de cette paroisse
depuis un an accompli, rue Saint-Louis, fils de défunt
Messire Bernard de BRUIX, lieutenant colonel à la suite de
Bayonne et de dame Marie de LA SALLE, avec demoiselle
Marie Lucine SCHUSLERN, fille mineure, de part et de droit
de cette paroisse, fille de défunt Jean Henry SCHUSLERN et
Eléonore Sophie WILGEN, après avoir été fiancés." (9)
Quel généalogiste distingué (en existe-t-il d'au-
tres ?) nouera pour les générations montantes la trame de
ce tissu familial ?
A la Bibliothèque nationale, salle des manuscrits, on
trouve uniquement l'enregistrement des armoiries de
Mathieu de BRUIX, correcteur du Roy, receveur des consi-
gnations et échevins de la ville de Bayonne (10).
Il est intéressant de trouver également Bernard
Pierre, chevalier de BRUIX, lieutenant en second au régi-
ment du Cap, noté comme "fort dérangé", négligent, incom-
pétent, et autres gracieusetés, et qui n'a sans doute
aucun lien avec les précédents car il serait né au Port-
Louis en Bretagne (11). Mais allez savoir. Il sera fait
Chevalier de l'Empire par lettres patentes du 15 juin
1808.
Enfin, pour faire bonne mesure, quel lien familial
unit Pierre BRUIX ancien militaire, qui décède à Paris rue
du Hazard, le 30 mai 1807, et Madame Marie Gabrielle
Sébastienne RICHARD DUPLESSIS veuve d'Eustache de BRUIX
qui déclare en être héritière au nom de ses enfants (12) ?
Serait-ce son beau-père, le père d'Eustache ?
Pour terminer, je citerai une fois encore Etienne
Taillemite écrivant que le décès d'Eustache de BRUIX priva
la France d'un des meilleurs officiers de marine qu'elle
possédât jamais. Une preuve supplémentaire de sa valeur
nous est fournie en 1794 par la lettre d'un représentant
de la Convention, en mission à Brest et Lorient. A cette
époque, comme tous les officiers nobles, le capitaine de
BRUIX est destitué depuis la loi de septembre 1793. Cette
loi discriminatoire et idiote rendant suspects tous les
nobles et les ecclésiastiques et les destituant de toute
responsabilité, priva l'Armée et la Marine de nombre d'of-
ficiers talentueux et fut la cause de bien des drames.
Certains représentants en mission, plus républicains
et patriotes que dogmatiques, eurent la lucidité et
l'intelligence de tout faire pour la tempérer. C'est ainsi
que, le 13 novembre 1794, FAURE (de la Creuse) écrivait à
la Convention à propos d'une place de major général
vacante "les généraux VILLARET, NIELLY et moi avons pensé
que nous ne pouvions vous présenter personne qui en réunit
(activités et connaissances) plus que le capitaine BRUIX.
Sa naissance ne doit plus être un prétexte pour priver la
Patrie des services d'un de ses meilleurs officiers de
Marine." (13)
Eustache de BRUIX était orateur à la Loge maçonnique
"L'heureuse rencontre O. ." de Brest (14).
Sources :
(1) MC (Minutier central des notaires de Paris) XLV/681
(2) ADF (Archives départementales du Finistère) 4E 8
Maître Mazé et registres de la paroisse Saint-Louis.
(3) MC XLV/681 Procuration du 20 messidor XIII.
(4) MC XLV/681 Extraits de naissance du 23 floréal XIII.
(5) Chaix d'Est-Ange "Dictionnaires des familles ancien-
nes et notables à la fin du XIX°" vol 7.
(6) Archives nationales COL D/2C/4.
(7) Archives nationales COL E211 (dossier Grasset).
(8) Archives nationales MAR C/1/159 et 183.
(9) Archives de la Seine V 5E 15.
(10) Bibliothèque nationale P.o. 534/12086
(11) Archives nationales COL D/2C/7 et 101; COL E54.
(12) Archives de la Seine DQ8 99.
(13) Archives nationales MAR BB/3/61.
(14) "Dictionnaire des francs-maçons français" de Michel
Gaudart de Soulages et Hubert Lamart. Usuel B.N.
La carrière de l'amiral BRUIX se trouve dans les états de
la série Marine C/1 aux Archives nationales ainsi que dans
son dossier au Service des Archives de la Marine au
château de Vincennes.
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Révision 26/08/2003