G.H.C. Bulletin 20 : Octobre 1990 Page 209
SALADE A SAINTE LUCIE
contre les termes des ordonnances, sans cultiver les
terres, les vendaient à la Martinique ou les employaient
dans des poteries.
Enfin sous tous les rapports la Martinique était le
fléau et le vampire de Sainte-Lucie, et jamais cette
dernière colonie ne pouvait prospérer que par une indépen-
dance absolue et générale. Les administrateurs convaincus
d'une vérité aussi évidente firent les représentations les
plus fortes; on a réuni des terres, et on leur a accordé
l'indépendance civile; ce n'était pas assez pour Sainte-
Lucie, mais c'était assez pour leur aliéner tous ceux qui
habitent la Martinique, qui ont bien senti qu'un tribunal
indépendant et un commerce direct avec la France, seraient
enfin la suite nécessaire de ce premier pas.
Voilà la source des cris, des plaintes et de cet
acharnement que montrent les habitants, les procureurs,
les avocats, et surtout le Conseil Supérieur..."
Le 26 mai 1788.
"Monseigneur, nous espérons que vous voudrez bien
approuver que nous nous adressions à vous en particulier,
pour vous supplier de faire cesser toutes les persécu-
tions, les attaques, les prétentions, et les tracasseries
de la part du Conseil Supérieur de la Martinique... Sa
conduite lorsque l'on a voulu rendre la Guadeloupe indé-
pendante de la Martinique, a été la même que nous éprou-
vons aujourd'hui.
Vous penserez peut-être, Monseigneur, qu'il est bien
fâcheux pour des administrateurs d'être en proie aux
persécutions, aux machinations, aux calomnies grossières
d'une douzaine de têtes chaudes et exaltées à qui les
moyens pour nous nuire dans votre esprit coûtent si peu à
ce qu'il paraît...
Nous avons eu l'honneur de vous le dire, Monseigneur,
nous l'avons dit à Monsieur le Maréchal de CASTRIES et
nous vous le confirmons, que le Conseil Supérieur de la
Martinique vous tracassera, vous tourmentera, qu'il tour-
mentera, contrariera, et calomniera même les administra-
teurs jusqu'à ce que vous ayez donné à cette colonie un
tribunal indépendant, que la prospérité de cette île tient
essentiellement à l'établissement d'une assemblée colo-
niale. La Martinique ne se lassera-t-elle pas d'objecter
la faiblesse de cette colonie pour lui faire refuser
exclusivement tous les vrais moyens de prospérité? Tabago
n'a pas la moitié de la culture, la moitié de la popula-
tion noire et blanche, pas le tiers de l'étendue de cette
colonie, elle est moins importante sous tous les rapports,
cependant cette île jouit déjà d'une Assemblée Coloniale
et touche au moment de voir établir une cour souveraine,
mais Tabago plus heureusement située n'a point à côté
d'elle des hommes jaloux d'étendre leur autorité, des
régratiers (1) avides, un conseil turbulent, elle est
enfin éloignée du vampire des îles du Vent qui n'a déjà
que trop appauvri cette malheureuse colonie...
(1) regrattier: "qui vend du sel à petite mesure; qui vend
en détail et de seconde main; celui qui regratte dans un
compte considérable" (vocabulaire de Wailly, 1811).
"personne qui épluche mesquinement les comptes" (Petit
Robert).
GEORGE Trois par le Grace
de Dieu, Roi de la Grande Bretagne, France & Irlande,
Defenseur de la Foi, &c. &c.
A tous Presents et a venir salut; savoir faisons que vu
par la cour le procès mu et pendant en icelle.
Entre le Sieur ABADIE, Huissier en la Cour et en la
Sénéchaussée de cette Isle, appellant de Sentence renduë
en laditte Sénéchaussée le vingt-sept Septembre dernier,
comparant par M. Fourcade, Procureur d'une part,
Et le Sieur Thounens, Marchand, demeurant en cette ville
du Carenage intimé, comparant par M. Girault, Procureur
d'autre part.
Parties ouies, et le Procureur du Roi en ses conclu-
sions, la cour a mis l'appellation, et ce dont est appel,
au néant, emendant, evoquant le fond et le principal, à
condamné l'appellant à Cent livres de dommages, & intérets
envers l'intimé, pour avoir injurié sont Epouse, dont le
dit intimé fera tel emploi qu'il avisera; condamne le dit
appellant a venir un jour d'audiance en la Sénéchaussée,
le pled tennant devant l'auditoire et telles autres per-
sonnes qu'il plaira à l'intimé y faire trouver, dire tête
nuë, à haute et intelligible voix, que méchamment temérai-
rement et calomnieusement il a insulté la Dame Thounens et
a voulu faire entendre par ses discours que la ditte Dame
étoit de sang mêlé, qu'il lui en demande pardon et recon-
noit le contraire, a la quelle reparation il sera
contraint, même par corps et emprisonnement de sa person-
ne; ordonne que le present arrêt sera lû à l'audiance de
la Sénéchaussée et ensuite affiché aux quatre principaux
carrefours de cette ville.
Condamne l'appellant aux depens de causes principalles
et d'appel, deboute les parties du surplus de leur
conclusion.
Et faisant droit sur le requisitoire du Procureur Gene-
ral du Roi, la cour a destitué et destitue, le dit appel-
lant de la place d'Huissier dont il etoit pourvû et lui
defend d'en exercer aucune fonctions, à l'a venir, a peine
de faux.
Mande au premier Huissier, ou sergent, sur ce requis de
mettre le present arrêt à düe et entiere execution et de
faire pour raison de ce, toutes significations, somma-
tions, commandements et autres actes de Justice neces-
saire, de ce faire te donnons pouvoir.
Fait en la cour des appels de l'isle Sainte Lucie, le
Mardi quatre Novembre, mil sept cens quatre vingt trois du
matin, et le vingt huitieme de notre rêgne. Signé a l'ex-
pedition CORNAU, Commis Greffier.
Colonies C/10/4 (Orthographe, accentuation, majuscules,
ponctuation ont été scrupuleusement respectées, à l'excep-
tion des S écrits F, restitués avec la graphie actuelle.)
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