G.H.C. Bulletin 18 : Juillet-Août 1990 Page 164
CANIVET, CONSEILLER AU CONSEIL SUPERIEUR
DU CAP FRANCAIS
Eric Pouillevet, B. et Ph. Rossignol
Au milieu du XIX° siècle, une famille de Rouen écri-
vit au Ministère des Colonies pour obtenir divers rensei-
gnements sur Nicolas Sébastien CANIVET, sa carrière, son
lieu de naissance et son mariage au Cap. Il devait y avoir
de gros intérêts familiaux en jeu car trois personnes
différentes écrivent, de 1857 à 1862.
Le dossier où nous trouvons cette correspondance
(Colonies E 61) est très important. Il contient, outre les
réponses du ministère aux courriers évoqués ci-dessus, de
nombreuses pièces concernant le sieur CANIVET, qui vont de
1769 à 1792.
Nous avions commencé cette recherche pour introduire
une généalogie ascendante à Rouen que M. Eric Pouillevet
nous a adressée, sur un lointain cousin de sa femme,
Nicolas Sébastien CANIVET marié à Saint-Domingue avec
Marie Adélaïde d'ABBADIE. Il se trouve par ailleurs que
Nicolas Sébastien CANIVET est l'oncle maternel de Marie
Thérèse Joséphine LABORIE, la jeune épousée du "beau ma-
riage domingois" évoqué dans le n° 11 de GHC.
Nous vous donnons ci-après d'abord les renseignements
tirés du dossier, puis l'ascendance à Rouen.
Correspondance du XIX° siècle
Lettre du 23 avril 1857 (Rouen, M. THIESSE, pour la
famille de son épouse) : demande de renseignements sur la
carrière de Sébastien Nicolas CANIVET et son mariage avec
dame veuve Marie d'ABBADIE.
Réponse : le mariage a eu lieu en janvier 1767 mais les
registres du Cap ne commencent qu'en 1777. On n'a rien
trouvé sur CANIVET dans les registres de 1777 à 1785, ni
dans ceux de Port-au-Prince de 1774 à 1785.
Il a été nommé substitut du Procureur général près le
Conseil supérieur du Cap le 21 3 1777 et conseiller le 8 2
1781 en remplacement du sieur de SèZE décédé, mais il n'a
été installé que le 13 1 1783 à cause d'un refus du
Conseil de l'admettre.
Lettre du 4 octobre 1861 (Rouen, Mme Veuve CANIVET) : cite
les éléments de carrière ci-dessus et demande les noms de
ses père et mère.
Réponse : il était fils de Michel Denis Nicolas, négociant
qui demeurait à Paris, rue Beaubourg, paroisse St Méry, en
février 1771, et de Louise Thérèse MILLET. Cette dernière
avait un frère négociant au Cap qui y mourut en décembre
1763.
Lettre de février 1862 (Paris, M. BRUN, membre de la
famille) : quel est le lieu de naissance de Nicolas Sébas-
tien CANIVET, conseiller au Conseil supérieur du Cap et
qui mourut à Rouen (St Patrice) le 18 décembre 1810 et fut
inhumé le 19?
Pas de réponse.
Renseignements tirés des documents du dossier
Sébastien Nicolas était d'après sa "défense" rédigée
en 1781 au Cap, un "homme honnête, né de parents
distingués, depuis plus de 300 ans dans la bourgeoisie".
Ses aïeux paternels et maternels étaient échevins, les uns
de Rouen, les autres de Paris.
Il se destinait au bareau, mais des "spéculations de
commerce" entre son père et le sieur MILLET, son oncle, le
conduisirent à établir une maison de commerce au Cap "à la
fin de la dernière guerre" (Guerre de Sept ans, terminée
en 1763). Ces "spéculations de commerce" étaient en fait
la faillite de la maison "Canivet et Millet" à Paris. Son
oncle passa le premier au Cap et il dut le rejoindre. La
maison de commerce au Cap, dirigée par MILLET et CANIVET
fils, vendait "toutes sortes de marchandises au détail,
même des comestibles", précisent les registres du Conseil
supérieur du Cap le 21 juillet 1781.
L'oncle mourut en décembre 1763, le nommant exécuteur
testamentaire. Il géra donc les affaires de la maison de
commerce paternelle sous la raison "Canivet père et fils",
vendant nègres et marchandises; il avait trois navires
marchands à son adresse et rendait ses comptes tous les
six mois.
En janvier 1767 il fit "un mariage avantageux". Marie
DABBADIE devait être plus âgée que lui puisque le contrat
de son premier mariage avec Guillaume RUQUAY, passé au Cap
devant M° Doré, est du 1 septembre 1750. Ce contrat
établissait la communauté de biens et une donation entre
vifs, moins 50.000 livres que l'époux se réservait et que
ses frères Pierre et Charles RUQUAY, demeurant en
Bretagne, réclamaient à leur belle-soeur en 1769. Bien que
la veuve fût "non commune en biens" avec son second mari,
ce dernier profita cependant de la richesse de son épouse.
Six mois après le mariage "mon père accablé par des
pertes soudaines et immenses suspendit pour la seule et
unique fois ses paiements. Il prouva pour 600.000 livres
de pertes dans les faillites et les armements. Il conserva
l'estime publique malgré ses malheurs et ses créanciers
l'honorèrent jusqu'à sa mort."
Son père ayant cédé ses droits sur lui, il dut trai-
ter avec les créanciers. L'accord se fit pour 200.000
livres devant M° de La Rue, notaire à Paris, le 6 juin
1769. Mais, suite à de nombreux décès de nègres et des
incendies sur son habitation, le terme fut prolongé jus-
qu'au 21 juillet 1773.
De la fin 1767 à 1772, il vécut sur la sucrerie de
son épouse. Mais il avait de fortes obligations "pour
doter mes soeurs, ses nièces, les frères de son premier
mari, etc." Il fut finalement obligé de vendre pour payer
les créanciers et passa en Europe "avec les restes médio-
cres d'une grande fortune", et se remit à l'étude des
lois. Il fut reçu avocat et obtint en 1775 des provisions
de survivance pour la place de lieutenant général de la
Prévôté de l'Hôtel occupée par M. d'AVOUT.
Sa femme, repassée à Saint-Domingue pour affaires
relatives à la vente de son habitation, lui écrivit en lui
demandant d'aller le rejoindre. Il retourna donc à Saint-
Domingue et obtint le brevet de substitut du Procureur
général, charge qu'il exerça du 17 novembre 1777 au 20
juillet 1781.
Mais quand il demanda et obtint, le 8 février 1781,
le brevet de Conseiller au Conseil supérieur du Cap, le
Conseil refusa de l'admettre, lui reprochant la faillite
de la maison de commerce. De là cette longue défense
rédigée le 11 octobre 1781 pour prouver que c'était la
faillite de son père et non la sienne, lui n'étant que le
gérant.
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Révision 26/08/2003