G.H.C. Bulletin 17 : Juin 1990 Page 146

DEPLACEMENTS ET BLESSURES DU SIEUR CANTAIRE LAMOTHE,
PORTE-DRAPEAU AU REGIMENT DE LA MARTINIQUE

B. et Ph. Rossignol

     Les dossiers du personnel des Colonies contiennent de
nombreux "Etats de service" d'officiers de milice  ou  des
troupes réglées,  le plus souvent pour réclamer de l'avan-
cement,  une pension de retraite ou  la  croix  de  Saint-
Louis.  En voici un du 23 janvier 1791,  dont les  détails 
sont naïfs et précis (E61).  Nous le citons intégralement,
mais en corrigeant l'orthographe et en écrivant les  dates
en chiffres. La lettre  d'accompagnement  précise  que  le
demandeur, porte-drapeau (1)  retiré  du  régiment  de  la
Martinique, est major en second de la garde  nationale  de
Villeneuve (2). Il explique que, bien qu'il n'ait que  500
livres de pension "qui comme vous le savez ne  peut  guère
fournir aux besoins d'une vieillesse décrépie" (3), il  ne
réclame pas qu'elle soit augmentée car  "je  le  sais  que
l'Etat est obéré". Il tient, en revanche, à  la  croix  de
Saint-Louis "pour offrir à  mes  compatriotes  une  preuve
ostensible que j'ai sacrifié ma jeunesse pour eux."
     La suite du dossier nous montre qu'il obtint effecti- 
vement le 8 avril 1791 cette décoration qui lui fut remise 
à Villeneuve du  Lot  par  M.  DEJEAN  GRAMONT,  ci-devant
brigadier de la gendarmerie. Il lui fallut  avant  envoyer
diverses pièces dont un congé militaire, daté  du  31  mai
1769 au Fort-Royal de la Martinique,  qui figure  dans  le
dossier avec son grade de l'époque, sergent, et son signa- 
lement : 5 pieds  4  pouces,  pieds  nus  (sic!),  cheveux
châtain clair, yeux roux et visage plein. Il envoya  aussi
son extrait de baptême,  célébré  le  1  novembre  1730  à
l'église St André  de  Lamothe  (4),  annexe  de  Tournon,
diocèse d'Agen. Nous savons  ainsi  qu'il  est  né  le  27
octobre 1730, fils d'Antoine CANTAYRé et Marie MASSOT.    
                          *****
  Commencé à servir au Régiment de Vermandois, en  qualité
de fusilier, le 22 janvier 1748; fait  sergent  le  9  mai
1756 au siège de Mahon (5); eut son congé  au  Fort-Royal,
par ordre de M. le comte de NERY (6) général de la  Marti-
nique, à la demande de M. LE BOEUF (7) directeur du  génie
de la Martinique, le 30 mai 1769, pour  être  employé  aux
ouvrages du Fort-Bourbon (8), pour la conduite des travaux 
destinés aux soldats,sous les ordres de MM les ingénieurs. 
  Il fut réformé le 18 mars 1772  à  cause  de  la  grande
diminution qu'on fut obligé de faire dans les travaux.  Le
sieur LAMOTHE se disposait de passer en France pour  cher-
cher un moyen de continuer ses services; au moment de  son
départ, il fut engagé par M.  le  comte  de  NOZIèRES  (9)
général de cette île, sur la promesse  qu'il  lui  fit  de
demander pour lui  une   lieutenance  en  second  dans  le
régiment de la Martinique . Le dit sieur LAMOTHE se décida 
à rester sans appointements en attendant la réponse de  la
Cour, depuis l'époque du 18 mars 1772 jusqu'au 30 novembre 
de la même année qu'il rentra de  nouveau  dans  les  dits
travaux pour y continuer les mêmes services, où  il  resta
jusqu'au 13 mars 1773 qu'il entra dans le régiment  de  la
Martinique en qualité de fourrier volontaire dans la  com-
pagnie des grenadiers; il fut fait porte-drapeau le 30 mai 
de la dite année. 
  Le 4 septembre 1773 partit pour Saint-Pierre la Martini- 
que pour y faire les fonctions d'officier major  de  place
sous les ordres de M. le comte de  CHOISEUL  (10),  où  il
resta en cette qualité pendant deux années. Ensuite rentra 
dans son même régiment pour y continuer son  service.  Fut
blessé à l'affaire de Sainte-Lucie (11) d'un coup de fusil 
qui lui perça la clavicule droite  à  lomo  platte  gauche
(sic!) le 18 décembre 1778. Le 21 août 1779 il  partit  du
Fort-Royal la Martinique pour jouir de sa retraite;  passe
en France sur la flûte "Le Compas" (12); fut fait  prison-
nier le 29 mars du même mois après deux heures de  combat;
conduit à Saint-Christophe île  anglaise.  Quelques  jours
après, étant à promener avec M. SUDRE, capitaine au  régi-
ment Guienois, et M. LINGé (13),  commissaire  de  marine,
fut blessé à l'épine (épine dorsale : colonne  vertébrale)
d'un coup de roche par un matelot anglais qui le  renversa
par terre; ce coup inattendu fut si violent qu'il lui  fit
garder le lit pendant quinze jours.
  Il fut changé un mois  après  des  prisons  d'Angleterre
(14) pour être conduit à l'île la Martinique. Il était  si
malade qu'en passant devant la Guadeloupe, comme on débar- 
quait les prisonniers de la  garnison  de  cette  île,  il
envoya prier M. le comte d'ARBEAU (15), commandant général 
de l'île de lui permettre de se faire porter à  l'hôpital,
là où il resta un mois. Au bout de ce temps il  s'embarqua
pour la Martinique dans la frégate "L'Emphitrie" (16).  Le
3 janvier il partit pour France dans un bâtiment marchand. 
Il débarqua à la Rochelle le 2  mars  1780.  Il  était  si
faible qu'en partant de Rochefort n'eut pas  la  force  de
tenir son cheval : il s'abattit sur lui; de cette chute il 
eut un pied tout écrasé, dont il a resté pendant six  mois
sans pouvoir marcher qu'à la faveur  des  béquilles  ou  à
cheval. Il fut pourvu d'une  pension  de  500  livres  par
décision du 28 avril 1779.  
  L'année ensuite ses plaies se rouvrirent; il fut  obligé
d'aller à Barèges où là étant il lui fut ordonné de  pren-
dre les douches qu'il  ne  put  continuer  jusqu'à  treize
malgré le séjour d'un mois et quelques jours à cause  d'un
rhume qui le saisit aussitôt que ses plaies furent  refer-
mées et ce fut d'après l'avis de M. de LAURRIèRE,  comman-
dant de Barèges,  et  conseil  du  médecin  qu'il  partit.
Quelques temps après qu'il fut  retiré  chez  lui  il  fut
obligé d'aller faire sa demeure à Agen comme étant aiguil- 
lonné et opprimé de ses  blessures,  afin  d'être  plus  à
portée de se faire  soulager,  où  il  fut  contraint  d'y
séjourner quatre hivers. 
                           ****
Le sieur Jean CANTAIRE LAMOTHE a eu l'honneur de servir en 
qualité de : 
 fusilier, sergent ou fourrier (17), 21 ans, 6 mois, 25 j.
 commis au Fort-Bourbon pour la conduite  des  travaux,  3
   ans, 9 mois, 13 jours
 officier, 6 ans . Total : 31 ans, 4 mois, 10 jours
                           ****
L'exposant a l'honneur de représenter qu'il a fait  quatre
campagnes, savoir :
 une en qualité de fusilier au siège de Mastrek (18)
 deux en qualité de sergent dont une au siège de Mahon (5) 
   et l'autre sur mer étant en garnison à Brest
 une en celle d'officier à Sainte-Lucie  (11)  où  il  fut
   blessé si grièvement d'un coup de fusil au travers  des
   épaules qui le mit hors d'état de servir
                           ****
                       Observations
L'exposant a servi neuf ans en temps de  guerre  dont  six
ans dans l'île de Minorque après avoir fait le siège. Cela 
devrait lui compter pour six campagnes parce qu'il y avait 
toujours la moitié du régiment par détachement pour  empê-
cher les anglais de débarquer et  nous  étions  souvent  à
même de nous battre.
Il a servi onze ans aux îles de la Martinique.



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Révision 26/08/2003