G.H.C. Bulletin 14 : Mars 1990 Page 113
BICENTENAIRE : LE DECRET DU 8 MARS 1790
Pierre Bardin
"De Rouen 12 mars 1790. La nouvelle du décret du 8
concernant les Colonies est arrivée ici mardi à 5h. du
matin, par un courrier qui a continué sa route, sans
s'arrêter, pour la porter au Commerce du Havre. La Chambre
de Commerce s'est empressée de faire imprimer ce décret
pour être répandu sur le champ dans toute la ville. Il
est impossible de peindre les sentiments de reconnaissance
et d'allégresse qui à la Bourse se manifestaient dans tous
les yeux. Bientôt après tous bâtiments tant nationaux
qu'étrangers ont hissé leur pavillon et ce signal de
gratitude a été suivi des bénédictions de tout un peuple
rendu à l'espérance."
Quel est donc ce décret qui déclenche une telle
allégresse? Si les termes ne sont pas utilisés, il signi-
fie que la traite et l'esclavage pourront continuer. La
lecture des Archives Parlementaires en apporte la preuve
si besoin était :
Dans sa séance du lundi 8 mars 1790, le Président de
l'Assemblée, l'abbé de MONTESQUIOU, rappelle que l'Affaire
des Colonies est à l'ordre du jour et qu'en conséquence il
donne la parole au rapporteur du Comité Colonial, Monsieur
BARNAVE. Celui-ci lit un rapport sur le travail de ce
Comité, sur ses voeux, sur les inquiétudes et les espoirs
qu'éprouvent les colonies dans leurs rapports avec la
France, notamment dans l'importance et l'utilité du com-
merce extérieur issu de ces colonies et sur le fait que
vouloir toucher un de ses éléments ne pourrait apporter
que ruine et misère. En conséquence il soumet à l'Assem-
blée un projet de décret dont le préambule "déclare que
considérant les colonies comme une partie de l'empire
français et désirant les faire jouir de l'heureuse régéné-
ration qui s'y est opérée, elle n'a cependant jamais
entendu les comprendre dans la Constitution qu'elle a
décrétée pour le royaume, et les assujettir à des lois qui
pourraient être incompatibles avec leurs convenances lo-
cales ou particulières."
Suivent six articles qui énumèrent les processus
permettant à chaque colonie d'élaborer l'administration
qui convient le mieux à sa prospérité et à celle de ses
habitants en se conformant (c'est la moindre des choses)
aux principes généraux qui lient les colonies à la métro-
pole en "assurant la conservation de leurs intérêts res-
pectifs".
On ne peut pas ne pas voir là un processus permettant
d'aller à l'autonomie, souhaitée depuis longtemps, surtout
par Saint Domingue dont le poids et la puissance économi-
que sont énormes.
Le rapport et le projet de décret sont accueillis,
nous dit-on, par des applaudissements dans toutes les
parties de la salle. L'unanimité est telle que sept dépu-
tés sur huit cents voteront contre. MIRABEAU veut interve-
nir à la tribune; il en est empêché, et lui qui d'habitude
n'est jamais contré, dont on connaît les positions anti-
esclavagistes, s'incline "sans rugir" et, penaud, quitte
la tribune. Attitude qui ne peut que laisser rêveur.
Gabriel Debien pense qu'il n'est pas impossible que le
Club Massiac, tout puissant au Comité Colonial, ait pu
entrer en contact avec le grand tribun par l'intermédiare
du Marquis de CAZEAUX, colon de la Grenade, député des
colons français de cette île auprès du Parlement de
Londres, et l'un des secrétaires de MIRABEAU. Acheté,
MIRABEAU ? réaliste ? Mystère.
Toujours est-il que les députés crient "aux voix, aux
voix", ce qui permet au Président devant une telle unani-
mité d'annoncer que le décret est adopté. Arthur DILLON,
député de la Martinique, demande dans une motion que le
Roi signe rapidement ce décret, qu'une corvette le porte
non moins rapidement aux îles, et que des colons de la
Martinique présents à Paris soient admis à une séance et
prêtent le serment civique. Motion adoptée dans le même
enthousiasme. Enfin avant de passer à la suite de l'ordre
du jour, "les droits seigneuriaux rachetables", Monsieur
GUILLAUME, un des secrétaires, annonce que "neuf vaisseaux
venant du Port au Prince et des Cayes Saint Louis viennent
d'arriver à Nantes, que les nouvelles de la Colonie sont
satisfaisantes, que la récolte des sucres est très abon-
dante et qu'il n'y a aucun mouvement parmi les nègres."
Ce décret sonna le glas des espérances suscitées par
la Société des Amis des Noirs, dont le Président PéTION de
VILLENEUVE, député de Chartres, ne pourra intervenir.
Le Club Massiac semblait donc avoir triomphé. La
réponse définitive sera apportée le 23 août 1791 à Saint
Domingue par la plus formidable révolte d'esclaves que les
Colonies aient jamais connue, ruinant à jamais les spécu-
lations économiques et financières des uns, et les idéaux
philosophiques des autres.
Sources
-Affiches, annonces et avis divers. mars 1790. p. 648
-Archives Parlementaires. Tome XII. Paris 1881. p. 68 à 94
-Les colons de Saint-Domingue et la Révolution. Essai sur
le Club Massiac (août 1789-août 1792). Gabriel Debien
Paris 1953
Informations de Nouvelle Calédonie
F. Griscelli
* Cercle généalogique de Nouvelle Calédonie; B.P. 4410,
Nouméa; président A. Solier.
Publie un bulletin consultable à la bibliothèque
généalogique, 3 rue de Turbigo, 75001 Paris, qui donne
l'état des dépouillements de l'état civil.
* Société d'études historiques, B.P. 63, Nouméa.
Président B. Brou. A entrepris de publier la liste des
3500 déportés politiques de la Commune de Paris.
* Service territorial des Archives, rue Georges Clemenceau
Nouméa; directeur M. Bruno Corre. Créé depuis deux ans.
Autres dépouillements en cours par mes soins :
- Liste des colons anglo-saxons du territoire.
- Liste des noms nobles ou supposés tels.
- Liste des Corses.
- Liste des Réunionnais.
J'ai relevé ce mariage à Nouméa le 2 10 1879 :
- Marie Thérèse Berthe de CHICOURT, o Basse-Terre de la
Guadeloupe le 2 12 1855, fille de + Louis Antoine Richard
Sébastien Octave et de dame Eléonore JOUANNEAU, sa veuve
domiciliée à Toulon (Var)
- Louis Emile SACHIER de GIVERDEY, o La Clayette
arrondissement de Charolles (Saône et Loire), domicilié à
Bourail, agent général des cultures, fils de + Philibert
et de + Marie Louise Clarisse ROSE.
N.D.L.R. Il s'agit en fait de la famille RICHARD de
CHICOURT.
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Révision 26/08/2003