G.H.C. Bulletin 12 : Janvier 1990 Page 96
Pierre LELONG, flibustier de La Tortue
créateur du quartier du Cap à Saint-Domingue
et sa descendance
B. et Ph. Rossignol
Le point de départ de cette étude est un contrat de
mariage passé devant M° Auriol, notaire au Cap-Français,
et conservé aux Archives de Maine et Loire (E 1563), que
nous a soumis M. Bernard Mayaud. Il date du 20 février
1735. Nous conservons l'orthographe des noms propres.
Les époux sont "le sieur Charles Robert BARDET
DESGLEREAU, natif de l'isle Martinique paroisse Saint
Pierre, habitant au quartier du Trou, fils de défunt M°
Charles Henry BARDET DEGLEREAU et défunte dame Catherine
de COURPONT, et demoiselle Jeanne de LISLE RIBAULT native
de Saint-Domingue paroisse Notre-Dame de la Petite Anse,
fille de défunt M° Jacques DELISLE RIBAULT, vivant con-
seiller au Conseil Supérieur de ce lieu et défunte dame
Magdelaine LE LONG, procédante sous l'autorité expresse de
dame Marie VEYRIER veuve du sieur Antoine LE LONG, vivant
colonel des milices du Cap son ayeule maternelle et du
sieur Jean Baptiste LE LONG son oncle et tuteur". Dans les
signatures des témoins on trouve aussi Pierre LELONG et
PASQUIER LELONG.
M. B. Mayaud connaissait les ascendances BARDET
DESGLéREAUX et RIBAULT de LISLE mais n'avait rien sur
l'ascendance LELONG. Or les registres paroissiaux du Cap-
Français, comme tous ceux du Nord de Saint-Domingue, de
même que la plupart des minutes des notaires du Nord, ont
en grande partie disparu lors des troubles. Ainsi les
registres du Cap ne commencent qu'en 1777, de même que
ceux du Trou et de la Petite Anse. Les domingois du Nord
n'avaient pas respecté l'obligation faite par l'édit de
1776 de recopier les registres paroissiaux précédents pour
les envoyer en France. La recherche généalogique à partir
des registres s'avérait donc impossible.
Mais heureusement il s'agit de familles notables et
il y a d'autres ressources. L'ascendance recherchée étant
antérieure à 1735, nous n'avons pas utilisé les dossiers
de l'Indemnité établis un siècle plus tard et qui, de
toutes façons, se trouvent à Aix. Mais nous avions à notre
disposition les dossiers de la série E (E 176 Jean Anne
Bernard FAUBEAU de MALET et E 372 bis Balthazard Louis LE
SILLEUR de SOUGé) ainsi que la Description de la Partie
française de Saint-Domingue de Moreau de Saint-Méry avec
son précieux index. Il y aurait probablement plus à trou-
ver dans d'autres fonds mais en y consacrant beaucoup plus
de temps que nous ne pouvions le faire. Amis lecteurs, si
vous avez des renseignements complémentaires, n'hésitez
pas à les envoyer!
********
Les douze premiers boucaniers et flibustiers français
qui quittèrent l'île de la Tortue vers 1670 pour former
des établissements permanents dans la Plaine du Cap
avaient pour chef Pierre LELONG. Ils s'établirent dans le
Haut du Cap dont la paroisse "fut mise sous l'invocation
du prince des Apôtres, patron de Pierre LELONG, celui
d'entre ces douze nouveaux apôtres de la grande île qui
avait la conduite et la confiance des autres." Moreau de
Saint-Méry précise qu'il a vu un acte de baptême de cette
paroisse daté du 24 février 1680, donc près d'un siècle
avant les rares épaves dont nous disposons aujourd'hui!
C'était la première paroisse dont dépendaient les établis-
sements de la rive droite, de la rade jusqu'à la hauteur
où Pierre LELONG s'était établi, et qu'on appela "la
Petite Anse", et ceux de la rive gauche qui bordaient la
chaîne du morne du Cap et qu'on appela "le Haut" et "le
Bas du Cap" selon qu'ils étaient plus ou moins éloignés du
rivage. L'actuelle ville du Cap "ne servait alors que
d'asile à quelques pêcheurs et n'était qu'une dépendance
du Haut du Cap."
Le quartier se développant et sa richesse aussi,
Pierre LELONG finit par devenir le plus grand propriétaire
du Quartier Morin et des paroisses voisines. Il fut le
premier commandant pour le Roi du quartier du Cap. Sa
fille Marie précise qu'il était "le plus riche et le mieux
accomodé" des habitants de l'île, propriétaire de trois
habitations, lorsqu'il épousa Marie Anne DIEULEVEULT, de
Normandie. Leur fille unique, Marie Marguerite Yvonne
(dite Marie) LELONG étant née à Morlaix, le 16 février
1688, c'est peut-être là qu'il faut rechercher l'origine
française des LELONG (1).
Pierre LELONG a dû faire venir auprès de lui un
neveu, Antoine LELONG, qui est cousin germain de Marie
LELONG et signe à son contrat de mariage de 1704. Nous
supposons par les coïncidences de prénom, lieu et dates
(mais rien ne permet de l'affirmer) que cet Antoine, neveu
de Pierre LELONG, est le colonel des milices du Cap époux
de Marie VEYRIER (ou LE VERRIER) et décédé avant 1735,
grand père de la jeune épousée du contrat de mariage
évoqué au début de cet article.
Outre Magdelaine et Jean-Baptiste, Antoine eut comme
fils Pierre LELONG qui signe au contrat de 1735. Lui et
son épouse Marie Anne PASQUIER (c'est elle qui signe
PASQUIER LELONG) sont cités au contrat de mariage comme
oncle et tante. Pierre LELONG eut de Marie Anne PASQUIER
une fille née en 1733 et prénommée Marie Anne Elizabeth
qui épousa en 1746 Jean Anne Bernard FAUBEAU de MALET. Or
Moreau de Saint-Méry écrit "On trouve sur le territoire de
la Plaine du Nord une habitation qui a appartenu à Pierre
LELONG. Une de ses descendantes l'a fait passer à M.
FAUBEAU de MALET par son mariage". Pierre LELONG, le
flibustier, n'ayant eu qu'une fille, il ne s'agit pas en
fait d'"une de ses descendantes" mais d'une descendante
d'Antoine LELONG : la mémoire collective rattachait donc
bien la descendance d'Antoine à Pierre LELONG flibustier,
ce qui plaide en faveur de l'assimilation d'Antoine LELONG
grand-père de Mme FAUBEAU de MALET à Antoine LELONG neveu
de Pierre. On peut supposer que la fille unique de Pierre
LELONG a vendu tout ou partie de ses biens à la descendan-
ce de son cousin Antoine.
Bien entendu un héritage aussi important a donné lieu
à de nombreux et longs procès entre les héritiers, ce qui
nous permet d'avoir des documents dans les deux dossiers
de la série E à partir desquels on peut reconstituer la
généalogie suivante, avec toutes les réserves qui
s'imposent (2) :
Essai de généalogie
I Pierre LELONG
x /1688 Marie Anne DIEULEVEULT, de Normandie
+ 28 10 1709/4 7 1710
bx Joseph CHEREL
d'où un fils unique, Jean François CHEREL, qui mourut
avant 1732 enlaissant un fils unique mineur et dont
la veuve se remaria avec le sieur LAGENEST
cx 24 7 1693 Laurent Corneille BALDRAN sieur de GRAFF
o Dort aux Pays-Bas
Page suivante
Retour au sommaire
Révision 26/08/2003